jeudi 31 janvier 2008

Curiosités

"... Un accord de piano résonne dans le matin madrilène, et il est seul à l'entendre dans la volupté de la présence d'Angels. Une mélodie glisse dans l'espace du salon de musique. Il ferme les yeux et pense à celle qui à cet instant est devenue sa pianiste amoureuse. C'est une chanson souvent interprétée par Bill Evans, profondeur des silences, lente cadence, promenade nu-pieds sur une plage, il se laisse bercer par la douce valse. Vous saviez que votre ami prenait des cours de piano, il se rendait régulièrement lors de ses séjours ici, chez un jeune pianiste qui partage mes passions, elle est d’ailleurs connue ici pour insuffler le temple de la musique à quelques toreros qui vivent dans la capitale, ils y gagnent une certaine sérénité, une profondeur, un dominio céleste. Il apprenait vite, sa pianiste aussi ! Echange de savoirs, accords des mains sur les partitions ouvertes, contemplation de claviers en lévitation, jouissance mélodieuse, aspérités rapprochées, résurgences de vies, éclairs et éclats d'évidences, c’est ce qu’elle m’en a dit. Et je la crois. Le mensonge est mal venu ici, en tout cas chez ceux que je fréquente, le secret est par contre vivement conseillé. Si vous ne voulez pas mentir, multipliez les masques, le port du masque est tout un art, cela n’a rien d’un artifice, c’est une façon de vivre tout simplement, c’est ce que dit souvent mon père. Elle s’amuse à plaquer des accords avec sa main droite, et laisse la gauche gambader sur le clavier, c’est très apaisant et tonique à la fois. Il se lève, se colle à son dos, il pose ses mains sur les muscles du trapèze qui retiennent sa nuque et commence à y accorder ses doigts, elle s’est redressée et l’effet de ce mouvement entraîne l’ouverture luxuriante de sa sortie de bain, sa poitrine apparaît et il laisse glisser ses mains qui l'absorbent. Rien n’arrête la musique, les yeux fermés, leurs peaux sont jumelles c’est une sensation qui le met en joie... " extrait d'un roman à paraître

à suivre

Philippe Chauché

mardi 29 janvier 2008

Identités

1. Le principal trait de mon caractère : Affable
2. La qualité que j'apprécie chez un homme : La discrétion
3. La qualité que j'apprécie chez une femme : La liberté
4. Ce que j'apprécie le plus chez mes amis : Leur discrète liberté
5. Mon principal défaut : Ma patience
6. Mon occupation préférée : Ecrire
7. Mon rève de bonheur : Ecrire
8. Quel serait mon plus grand malheur : Perdre la vue
9. Ce que je voudrais être : Ce que je suis en plus vide
10. Le pays où je désirerais vivre : Ici
11. La couleur que je préfère : Le noir
12. La fleur que j'aime : La rose
13. L'oiseau que je préfère : Le martinet
14. Mes auteurs favoris en prose : Ponge, Proust, Sollers, Hemingway, Haenel
15. Mes poètes préférés : Dante, Shakespeare, Rimbaud
16. Mes héros dans la fiction : Proust
17. Mes compositeurs préférés : Vivaldi, Mozart, Monk
18. Mes peintres favoris : Picasso, Bacon
19. Mes héros dans la vie réelle : Aucun
20. Mes héroïnes dans la vie réelle : Aucune
21. Ce que je déteste par dessus-tout : La vulgarité
22. Caractères historiques que je méprise : Les dictatures
23. Le fait militaire que j'admire le plus : La libération de Paris
24. La réforme que j'admire le plus : L'abolition de la peine de mort
25. Le don de la nature que je voudrais avoir : Le silence
26. Comment j'aimerais mourir : En vivant
27. Etat présent de mon esprit : Concentré
28. Fautes qui m'inspirent le plus d'indulgence : Celles de mes fées
29. Ma devise : Je vis

à suivre

Philippe Chauché

dimanche 27 janvier 2008

L'art de la Musique et de la Danse

" Quand on cherche un autre mot pour désigner la musique, c'est toujours Venise qui me vient à l'esprit." Friedrich Nietzsche / Ecce Homo / Traduction Alexandre Vialatte

à Nathalie Galoppin

D'où vient la musique, d'où vient la danse ? Du mot et de la peau, des notes et des sauts. Je traverse l'espace libre et tu gratifies le ciel de tes accords célestes. Tu accordes ton saxophone aux ondulations de mes bras, tu prolonges sur ta contrebasse les dessins de mon corps, ta voix projete les mots silencieux de nos rencontres. Notre messe divine embrasse la lune et le soleil, le noir et le blanc s'unissent dans le rythme de tes tambours.
Tu traverses le temps et j'improvise l'espace.
La danse vient de la musique et la musique est au coeur de la danse. J'écoute ton corps s'envoler et tu dessines les lignes de ma mélodie.
Nous inventons une liberté contagieuse dans le vide.
Si les dieux aztèques inventèrent la lumière, les hommes libres la firent leur, si les dieux inventèrent le soleil et la lune, les femmes libres s'en vêtirent. Les hommes inventèrent la musique et la danse, et les dieux se firent musiciens, les déesses danseuses.


"Les dieux doivent mourir" de Jean-Pierre Jullian, création présentée hier soir à la chapelle des Pénitents Blancs à Avignon.


à suivre

Philippe Chauché

vendredi 25 janvier 2008

Les Amitiés Electives résistent au Mistral !

Le Mistral c'est finalement un peu comme les taureaux, il remet les hommes à leur place, pas question de ruser, méthode enfantine s'il en est, lorsqu'il se déchaîne il n'y a guère que deux solutions, soit l'affronter de face, au risque d'être décoiffé, chiffonné, retourné, transpercé, glacé, soit choisir quelques lieux où il n'ose s'inviter, et le choix est réduit, prenez ce café, où se réfugient quelques jeunes gens occupés à réviser leurs cours, des dériveurs avisés et pour qui les courants contraires n'ont aucun secret, et un vagabond avignonnais trés occupé à définir ses passions électives. Le vent n'hésite pourtant pas à s'engouffrer dans le café lorsque s'ouvre l'une des portes sur une évasion provisoire d'amateur de tabac blond, il faut alors s'accrocher au comptoir et retenir son verre à dégustation au niveau tout aléatoire de vin blanc de Cairanne, et se dire que nos dérives lumineuses attendront qu'il se calme.

à suivre

Philippe Chauché

jeudi 24 janvier 2008

Amitiés Electives suite...

C'est de nos dérives vertigineuses et lumineuses que naissent ces Amitiés Electives. La règle est complexe, mais le résultat toujours éblouissant. Celles qui s'y risquent doivent abandonner leurs certitudes, leurs servitudes, leurs fidélités amoureuses, leurs doutes, leurs craintes et leurs peurs. Elles comprennent vite qu'elles ont tout à gagner à être élues. Tout à gagner à se laisser entraîner dans ces dérives gracieuses.
Ceux qui s'y frottent, s'y piquent, sauf s'ils savent "trouver l'or du temps".
à suivre
Philippe Chauché

mercredi 23 janvier 2008

Mes Amitiés Electives

"... C'est dans les mots portés haut que nous trouvons une autre énergie, un autre souffle, une autre musique, une façon différente d'être au monde. Cela demande une certaine position du corps. La colonne d'air doit avoir libre cours, les épaules légèrement retomber, les jambes ouvertes. Le poids se porte sur la plante des pieds, les mains ponctuent le ryhme, les hanches le fixent, les jambes enflamment le tablao, le ventre durcit, les yeux fixent cet espace de vie et de lutte, les seins explosent dans leur liberté retrouvée, et c'est une merveille. Plus tard, une autre déesse croisée sur les bords du Rhône m'a appris la lecture optique de la peau, sourcils envolés, bouche opale, peau de pétale, verbe libre, étoile filante du bonheur, je l'embrasse et disparaîs. Toute la mémoire du monde dans ses notations, je les conserve. Trésor lumineux..." (extrait d'un roman à paraître)
Je cultive mes amitiés électives, je les fais vivre, je suis un jardinier expert dans l'art de faire pousser les fleurs sauvages.
Mes amitiés électives ont des noms de fleuves, de caravelles, de fleurs, d'instruments de musique, de rues secrètes, de villes, de déserts.
Mes amitiées électives m'élisent dans leur regard lorsqu'elles le souhaitent, et j'en suis bien heureux. Il convient seulement d'être au coeur de l'art de l'Etre. Je suis, donc je vis. J'aime, donc je vibre. Je me fais musicien de leurs envolées, et écrivain de leurs improvisations. Ma méthode est simple et rigoureuse. Elle ouvre le monde à la vie langoureuse.
Ce texte est dédié aux fées amoureuses du temps qui se reconnaîtront.
à suivre
Philippe Chauché

lundi 21 janvier 2008

L'Ange, toujours lui

José Tomàs, toujours lui, toujours la même présence au centre de l'ovale nîmois. José Tomàs, toujours le même, et si différent à chaque fois qu'il s'avance d'un pas léger vers la Présidence, qu'il se place comme aucun autre aujourd'hui au centre de la déflagration, là où la mort fait son jardin. José Tomàs, corps si relaché qu'il en paraît absent, invisible, sauf pour le taureau, semble t-il.
Lisons : " Entre 20 h 15 et 20 h 30, devant Exhortado, il s'expose une bonne douzaine de fois à son principe mortifère. La létalité, c'est son affaire, et les mortelles hésitations du toro de Martelilla, toujours prêt à décocher son coup de corne au milieu de la passe, lui permettent de mettre son évangile en application. Froidement. Avec minutie. José Tomàs, blanc comme la fleur de cerisier et le visage du samouraï selon la tradition, immobile et impassible comme un cadacre en sursis, croisé au maximum comme un croisé de sa cause, a tout donné de lui à un toro qui, lui, donnait trés peu de choses, sauf ces promesses de drame et ces avis de décès probables que les afficionados nomment des avertissements." Jacques Durand. José Tomàs Romàn (Actes Sud)
José Tomàs n'est pas qu'un torero, cela serait trop simple, José Tomàs est également un ange, un ange torero, amateur de haïkus. L'ange ne meurt jamais, même s'il sait qu'il peut à l'instant mourir, disparaître, s'envoler, se glisser entre les étoiles et la pierre. José Tomàs est un peintre qui vit dans sa toile, un musicien qui se glisse dans son piano, au coeur même de la résonance.
Continuons notre lecture : " José Cutino, le responsable des arènes de Badajoz, n'avait jamais vu ça. Il n'avait, jamais vu un torero, blessé de deux coups de corne par son premier adversaire, rester en piste, refuser d'aller à l'infirmerie, interdire qu'on s'approche de lui pour examiner ses blessures, regarder ses confrères toréer, attendre son tour plus d'une heure, affronter son second adversaire, le tuer, saluer, partir enfin à pied à l'infirmerie où un chirurgien , interloqué par tant de résistance, lui demandera s'il est insensible à la douleur..." toujours Jacques Durand.
Voilà, où nous en sommes aujourd'hui, José Tomàs n'est jamais où on l'attend, son tantrisme taurin étonne, gardons notre étonnement, pour l'offrir à quelques fées qui n'en demandent pas tant.

à suivre

Philippe Chauché

L'Ange sur le sable

Le jeune homme brun est passé maître dans l'art marin de larguer les voiles, face aux tempètes. Il réduit sa voilure, prends des ris de plus en plus serrés, jusqu'à faire oublier la toile. Il sait tous les détails des pressions et dépressions du large et de la côte, il a la mémoire de moindre récif et de chaque haut fond. En marin des hautes aventures, il ne réduit pas sa toile pour éviter de chavirer, mais pour n'exposer que son corps, mat droit qui ne plie jamais. Et peu importe finalement que les épées du vent le traversent, peu importe que le bruyant tumulte des cornes le déchire, il se tient droit comme un pinceau, et dépose ses couleurs sur la robe noire du taureau soumis, et donc libre. Il soumet le taureau, sans affectation, pour lui offrir ces instants de vie sacrée, que les sourds condamnent, que les aveugles maudissent. En géographe méticuleux, il sait les trajectoires, les retournements, les droites et les courbes, c'est au centre même de ces dessins colorés, qu'il invente le sien. Je vois Pablo Picasso habiter le centre de ses "Demoiselles d'Avignon", il en est le dessin et la couleur, il en est la forme, que l'on dit déformée, le mouvement et le regard frontal de ces femmes, ressemble à celui des taureaux qui foulent le sable nîmois, Matisse est cette feuille d'acanthe découpée, plume d'ange pour sa chapelle rayonnante, c'est ainsi que le jeune homme brun découpe ses faenas pour n'en garder que la trace profonde. Seule identité de ces hommes là, la peinture, ils l'habitent à chaque instant, comme José Tomàs est la tauromachie, son essence, et donc sa disparition. Pour être dans le plein, il convient de se nourir du vide, qui n'est autre que l'éternité de la présence.

à suivre

Philippe Chauché

dimanche 20 janvier 2008

Sur le sable, l'Ange

Il en sera question demain matin.

bonne nuit

Philippe Chauché

samedi 19 janvier 2008

L'Ange à Nîmes

A quoi reconnaît-on un "torero" unique ? A quoi reconnaît-on un homme d'exception ? A quoi reconnaît-on un artiste rare ? A l'être et à la manière notamment. L'être ici, dit "je suis torero" et l'écrit sur le sable, " je suis unique ", " je suis un héros ", au sens qu'en donnait Baltazar Graciàn y Moralès au 17 ° siècle.
Lisons : " Le Héros doit rassembler en lui, autant qu'il est possible, toutes les vertues, toutes les perfections, toutes les belles qualités, mais il n'en doit affecter aucune... La vertu doit être en nous, et la louange doit venir d'autrui, lors même que le sujet en est le plus juste et le plus connu. Aussi c'est une punition assez ordinaire et bien méritée, que celui qui paraît fort content de soi jouisse seul de son contentement, sans que personne le lui impute ou l'en félicite... Toute perfection qui se présente trop n'est, que grimace ; elle n'est que le fantôme et le masque d'une vertu feinte, qui leur donne la comédie." (trad. Jospeh de Courbeville (1725).
à suivre
Philippe Chauché

L'Ange

Si vous ne savez rien de l'art du "temple", si vous ignorez celui de la "naturelle" ou du "derechazo", si vous n'avez jamais emprunté les chemins qui conduisent à la Maestranza, éblouis par les regards des plus belles femmes d'Espagne, et parfumés de romarin solaire, si vous n'avez jamais feuilleté les dictionnaires de la mathématique taurine qui s'ouvrent toujours, lorsqu'on les retourne à la page Madrid, si vous ne savez pas qu'à Bilbao, le sable est noir comme les taureaux de Don Eduardo Miura, que des miracles ont lieu le Dimanche de la Résurection sur les rives du Guadalquivir lorsque la main de Belmonde éclaire celle d'un brun jeune homme aux yeux d'ange vivant, son nom José Tomàs Romàn.
Nîmes, c'est la Pentecôte : fête juive du Chavouot, en souvenir du don des tables de la Loi à Moïse sur le mont Sinaï, dans les arènes juives du Sinaï, cinquante jours aprés le départ d'Egypte, fête chrétienne aussi, qui célèbre la descente de l'Esprit saint sur les douze apôtres, douze hommes de plume et de verbe, vêtus d'un "traje de campo" aux ourlets de sable, une affaire de jours encore, cinquante, après Pâques. Le jeune homme brun a quitté la contrepiste pour attendre son premier taureau, il s'appuie aux barrières de bois rouge, silencieux et la foule joyeuse l'applaudit longuement, elle salue le retour de l'Ange, et l'Ange ne bouge pas, il attend la descente sur le sable des flammes divines, de l'esprit du "toreo" qui ne se pose sur l'amphithéâtre que les matins de grace et les soirs de communion. Et ce dimanche là, la grace et la communion ourlent sa "muleta" de cristal. Vérification de l'art taurin de Romàn et donc de l'art du roman.

à suivre

Philippe Chauché

vendredi 18 janvier 2008

L'aventure se poursuit

" Les jeunes gens, à cause des passions qui les amusent, s'accommodent mieux de la solitude que les veillards" Jean de la Bruyère Les Caractères.
Mes passions m'amusent, et ma jeunesse paraît-il relative au regard des calendriers et des rides, s'en nourrit, c'est ainsi. Je m'amuse de ce que je vis, et je vis ce qui m'amuse, l'aventure se poursuit.
Acte premier : ne douter de rien, et faire du Rien un doute permanent.
Faire du Silence une musique complexe et réjouissante, et n'aimer le silence que dans sa complexité habitée et soyeuse.
C'est là que commence l'aventure.
J'habite mon silence de rencontres lumineuses et joyeuses.
Un exemple à méditer ce matin celui de José Tomàs.
Cherchez, et vous trouverez, dit la Bible !

Philippe Chauché

jeudi 17 janvier 2008

Toujours l'Aventure

" Qui n'aime ce qu'il a aimé ? Il faut aimer le perdu et aimer jusqu'au jadis dans le perdu.
Jusqu'au Jardin dans l'extinction de la nature et jusqu'au Paradis dans le Jardin.
Il faut aimer le manque et non pas chercher à s'émanciper de lui.
Il faut aimer la différence sexuelle ;
aimer la nudité dans les orifices de la nudité ;
aimer la perte.
Il faut adorer le temps. "

Comment ne pas ouvrir à nouveau les livres de Pascal Quignard, et notamment Les Ombres errantes, lorsque l'on s'invite dans l'Aventure Amoureuse.
Correspondances de pensées et de sensations, rencontre entre la peau et la cérémonie du Thé, association entre la Grèce et la Chine.
Il faut adorer le temps, c'est ainsi seulement que l'on peut comprendre ce que veut dire l'Aventure Amoureuse, dans la différence sexuelle.
Il faut aimer gagner son temps dans le Paradis, l'Enfer nous en fait perdre jusqu'à l'envie du mouvement.
Il faut aimer la nudité de l'espace, des corps et du mouvement, la nudité absolue du regard d'une danseuse de Tango, d'une aventurière amoureuse des Cercles lumineux de Y. Haenel.
Je gagne le temps d'aimer dans l'Aventure Amoureuse.
à suivre...
Philippe Chauché

mercredi 16 janvier 2008

L'Idée Aventureuse

Première escale dans le Dictionnaire amoureux de l'avignonnais vagagond. Voilà ce qu'écrit Roland Barthes à propos de l'Idée Aventureuse : " Toute chaude, on ne peut rien démêler encore de sa qualité : bête ? dangereuse ? insignifiante ? à garder ? à rejeter ? à déniaiser ? à protéger ? "
Ce qui est en jeu ici : c'est ce qui doit m'arriver, m'advenir, cette destinée peut-être, ce hasard plutôt. L'Idée Aventureuse se nourrit du hasard. Se laisser séduire par le hasard est un exercice de haute voltige. L'idée aventureuse se conjuge dans les hauteurs, dans cet espace où volent les martinets, fabuleux oiseaux amoureux des douceurs de l'été avignonnais.
J'aime douter du hasard et le laisser s'inviter. Comme chez Flaubert replacer le hasard au coeur de mes combinaisons d'aventures.
L'Idée Aventureuse : je contourne une piste de danse où quelques couples glissent au son d'un bandonéon argentin, tango pensent-ils, tango rêvent-ils, tango imaginent-ils, tango vivent-ils. Je suis frappé d'éblouissement. Se détache une femme d'ambre, admirable, regard soyeux, c'est elle l'idée aventureuse. Quelques mots échangés, quelques regards qui se croisent, et l'envol. Les fées prennent toujours leur envol lorsque la nuit vibre de ses feux secrets. Bon voyage belle aventurière, le vagabond avignonnais pense à toi !
L'Idée Aventureuse de la littérature : apnée lumineuse, conscience du mot libre et de la phrase vive.
L'Idée Aventureuse de l'amour : être là où l'on ne m'attend pas.
à suivre...
Philippe Chauché

mardi 15 janvier 2008

Mon Dictionnaire Amoureux

N'ayant peur de rien, et surtout pas des mots, je lance ce Dictionnaire Amoureux. Il sera question de littérature, de musiques, de peinture, de femmmes, d'envols lyriques, de haïku, de tangos, de toreros, de vins, de flamenco... Le premier volet de ce Dictionnaire pourra être lu ici même dans quelques heures. Il est dédié aux fées et aux déesses amoureuses du temps.

Philippe Chauché

Sollers toutes voiles dehors

Les prix littéraires décernés, et mis à part Yannick Haenel et son Cercle du bonheur et du corps en mouvement, (prix Décembre), les autres tiennent bien leur place dans cette France de plus en plus moisie, où la littérature fait de la littérature pour le plus grand bonheur des éditeurs, des libraires et des lecteurs, qui ne savent plus lire. On peut donc passer à autre chose, c’est à dire à la littérature, à la musique, à la peinture, à la philosophie, à la poésie, et donc à la vie. Ce qui est réjouissant en cette fin d’année, c’est la présence vivifiante d’un écrivain bordelais, chinois, espagnol, italien, parisien, new yorkais et vénitien. Un écrivain du siècle, et finalement de tous les siècles, qui avance en pleine lumière. Son nom : Philippe Sollers.
L’homme d’une Curieuse solitude, de Paradis I et II, de Femmes, mais aussi des Folies Françaises, de Studio ou encore du Secret et d’une Vie Divine, un écrivain divinement vivant, ce qui est en ces temps inacceptable, ajoutez à cela que cet homme poursuit sa guerre du goût sous les lueurs des projecteurs des plateaux télévisés, devant les caméras et les micros, doublement inacceptable. Présence de Sollers :

L’Infini N° 100

Discrète présence dans la permanence de sa revue l’Infini. Le numéro cent est là devant vous, un numéro très chinois, « que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » que cent romans s’écrivent, qu’ils naissent ici, sous la protection de Cézanne, Marcelin Pleynet :« Que j’accomplisse ce qui se trouve dans l’éternité... la mer... le soleil... les îles... Venise, l’enveloppe rose. Le Dieu qui fait tout pour les mortels est aussi celui qui donne la grâce. Que la grâce me soit donnée. », dans une autre géographie européenne de la littérature vivante, Jacqueline Risset : « Ce soir Messian : Abîmes des oiseaux, quatrième mouvement du Quatuor pour la fin des temps (clarinette pensive, transparente, agile : abîme du temps, joie des oiseaux) entendu dans le concert sur la place au-dessus de la mer - mer soyeuse et silencieuse, bruissements de voix et rires au loin, bruit régulier du train dans les collines, le tout se mêlant sans les troubler aux notes des musiciens éclairés plus bas, sur le parvis. » , musicienne dantesque, on est curieux de savoir si le Festival d’Avignon qui se prépare à la Divine Comédie aura l’élégance (la qualité de ce qui est d’élite) d’inviter celle qui en offrit une vivifiante traduction, dans les instants éclairs de la raison du goût, Vincent Roy et Saint-Evremond : « Les voluptueux reçoivent une impression sur les sens qui va jusqu’à l’âme... »L’Infini est une étoile où brillent Sollers et ses invités, invités qui savent se tenir, autrement dit qui savent écrire, le savoir permet de saisir l’enjeu de la "guerre du goût" que le vibrant bordelais arbore au revers de sa veste d’Européen - Gascon.

Guerres secrètes
Présence de Sollers suite

Sollers et ses Guerres secrètes, le pluriel est essentiel, comme est pluriel Sollers et comme est pluriel également Ulysse. Mon nom est personne, autrement je suis partout à la fois, mon pluriel devient "personne" ceux que cela trouble doivent lire ce livre magnifique, vif, musical, profond, intelligent. Ulysse-Sollers, Joyaux-Homère, Homère joyau de l’écriture, Sollers joyau de la pensée et de l’acte - pour lire mes pensées regardez ce que je vis et ce que je fais - mais attention nous sommes là dans d’autres actes fondateurs, très éloignés il va s’en dire des actes promus en lois par le système de surveillance qui a cours ces temps-ci en France. Loin, bien loin des lois "people", des lois de contrôle par l’ADN, (l’Apparition Du Néant) loin, très loin des leçons permanentes que nous imposent les nouveaux amis de la "Terreur" moderne, très loin également, et il faut le marteler des sectateurs incultes d’un "alter mondialisme" unificateur. Lisons :
« "J’ai vu l’enfer des femmes là-bas..." nous dit Rimbaud. Les vivants qui sont morts, qui sont d’une "vivacité pérenne" après leur mort, sont en général des personnages-œuvres. Ils ont tous écrit quelques chose. Ces morts-là sont dans la vivacité pérenne. (C’est moi qui souligne) Ils n’ont pas à être vivants, ils sont dans la vie constante. »
Sollers plonge dans le corps du poème, le corps, pas le cœur, c’est important, dans le corps, autrement dit dans la pulsation, dans la rythme, dans la musicalité du texte, et donc dans son sens, et sa partition cachée, c’est son propos depuis fort longtemps, et dans ce plongeon vital il délivre Homère du piège que lui ont tendu et continuent de lui tendre les "chiens de garde" de la Terreur. On n’est finalement pas Girondin pour rien. Ce qui en passant est également mon cas. On ne "vient pas au monde" par hasard dans une ville où la Garonne, le Vin, Mauriac et Hölderlin se croisent.
« Ainsi, encore une fois, j’aurai gravi la colline des grappes/ Avant que la lumière ne descende aux lointains d’or / Ah ! quelle aise est la mienne ! Je tends avec fierté (Comme si mes bras étreignaient d’infini) jusqu’aux nuages / Mes mains jointes, pour rendre grâce, avec une noble émotion, / A celui qui les crée, de m’avoir donné un cœur. / Pour partager l’heur des heureux, pour contempler le triomphe de l’automne, / Quand ils élèvent au-dessus d’eux la précieuse grappe avec / Une stupeur sereine, et qu’ils hésitent longtemps encore à confier / La baie brillante aux mains du pressureur - comme le vieillard / Emu dans ses boucles d’argent devant la vigne vendangée / ... »
(La Tek - Fragment-).
J’ai une nouvelle fois traversé la ville qui dormait, une nouvelle fois activité ma mémoire vivre de l’ordinateur céleste qui m’accompagne. Une fée attentive, généreuse, rare, brillante, lumineuse, musicienne m’accompagne, le monde change sous les feux de tes yeux, et j’en suis heureux.

De Kooning vite

Présence de Sollers donc, une nouvelle fois. Ce peintre à un visage, un regard, une main agile. Cet homme est beau, vite il surgit, vite il peint, vite il disparaît. Rien ne peut le contraindre. De Kooning vite délivre la peinture des emprises du malheur. « La seule arme que vous avez, dans ce match, est vous montrer sans cesse non localisable. Le fameux "non-environnement" de de Kooning n’est pas plus bouddhiste qu’einsteinien, c’est ça... Changez de position. Tout le temps. Cavalier des échecs. Ca veut vous assigner, voilà tout. Résidence surveillée. Contrôle judiciaire. Surveillance des bornes et des dimensions du récit. Bien entendu, Woman a fait scandale." Les peintres sont scandaleux, pour le vérifier, regardez l’intérieur de Woman Springs 1966, prêtez l’oreille à Screams of Chidren come from Seagulls, 1975. Vos couleurs ont une bien étrange pulsation, votre mouvement frappe directement au muscle, votre musique est troublante. A bon ? La peinture vient de tout cela ? Peut-être ! Regardez où j’en suis avec la liberté, de peindre, de vivre, de jouir, d’être ici et ailleurs en même temps. Le bordelais s’est assis au fond du musée, dans l’ombre il se projette sur les toiles. Un vampire ? Cela serait trop simple. Un curieux ? Si vous voulez ! Un capricieux. Tiens donc, les caprices de la couleur musicale sont l’écho, des caprices de l’écriture. Voilà, c’est la Différence qui s’en charge une nouvelle fois, belle idée. »
Un Vrai Roman / Mémoires
"Et maintenant, Roman", c’est daté du 5 novembre 2007. Je viens de terminer Un Vrai Roman / Mémoires de Sollers. Quatrième escale.
Traversée du temps, un écrivain comme une flèche vrille l’espace. Ecrivain de l’escale - les ports, Bordeaux, Ré, Paris (et oui Paris est un port, vous en doutiez ? Vérifiez par vous-même, île des Cygnes, plus loin vers Notre Dame, la pointe occidentale de l’île de la Cité (Il y a temps de déchirer et temps de rejoindre, temps de se taire et temps de parler.. G Debord - In Girum Imus Nocte), Venise, New York, Barcelone et j’en oublie sûrement ! Nous voilà dans ce Roman, ce roman particulier, ce roman du je, ce roman de l’écriture et donc de la vie permanente. Passe les femmes, passe les écrivains, traverse les rues libérées (souvenez-vous de ce mois de mai, souvenez-vous et dites ce souvenir, l’urgence est là aujourd’hui car les falsificateurs élus, (comment pourrait-il en être autrement !), écrit des romans, des essais sur les peintres (et oui !), des textes qui giflent le nihilisme dominant, le sérieux est là, le rire s’installe, le doute s’insinue, la douleur parfois, l’amour de l’amour toujours, les femmes courtoises, intelligentes, les femmes qui écrivent autre chose (et c’est heureux) que leurs histoires de femmes, participe du spectacle avec un art toujours renouvelé de le retourner, ce n’est peut-être par innocent que notre écrivain sache ce qu’il en est du tennis ! Et tout cela est un Roman, c’est bien-là le danger, s’exposer pour mieux s’extraire, de montrer pour mieux se cacher, avancer dans la lumière lorsque on vous veut proie dans l’ombre !
Retour aux rues d’Avignon, sombres ce soir, retour au présent actif, et la lumière revient, elle a les yeux verts et ne craint pas les tempêtes.

Philippe Chauché
Décembre 2007, texte publié sur le site pileface.com

L'art d'être français

Je suis français par hasard, gascon de naissance, provençal d'adoption et européen par choix, au sens qu'en donnait Casanova. Français de hasard mais aussi de passion, j'en parlai hier, j'y reviendrai dans les jours qui viennent. C'est ainsi que je prouverai ce qui me rattache à une langue, une musique, une peinture, une manière d'être et de vivre, une façon de se comporter dans le monde. Français des Lumières et des Eclairs. Les mots, les musiques et les couleurs s'inviteront donc ici même. Un peu de patience, disait-elle, et elle avait bien raison.

Philipe Chauché

lundi 14 janvier 2008

Barthes suite romanesque

Retour nécessaire à Roland Barthes. A l'entrée Français, de son Roland Barthes par Roland Barthes il écrit :
" Français par les fruits (comme d'autres le furent "par les femmes") : goût des poires, des cerises, des framboises ; déjà moindre pour les oranges ; et tout à fait nul pour les fruits exotiques, mangues, goyaves, lichees."
L'écrivain se fait japonais, il dessine, et devient traceur de haïku. En cet hiver provençal je suis moi aussi au centre de la pensée du "poème lié", dans ce "moins, c'est plus", moins de fruits, ou peut-être seulement ces fruits là, découverts adolescent et qui éclairent ma mémoire.
Pour le plaisir de l'attente de l'été : " Une fois la lampe éteinte / Les étoiles fraîches / Sont entrées par la fenêtre. " Natusme Soseki (1)
Français par les femmes, évidemment, ces "folies françaises" qui ne sont pas que musicales, pour leur regards vifs et leurs manières lumineuses, français par la langue, qui pourrait en douter.
Plongée vertigineuse :
" Le plaisir, à la fin, nous chavira. Nous nous levâmes et nous nous regardâmes gravement. Madame Edwarda me fascinait, je n'avait jamais vu de fille plus jolie - ni plus nue. Sans me quitter des yeux, elle prit dans un tiroir des bas de soie blanche : elle s'assit sur le lit et les passa. Le délire d'être nue la possédait : cette fois encore, elle écarta les jambes et s'ouvrit ; l'âcre nudité de nos deux corps nous jetait dans le même épuisement du coeur. Elle passa un boléro blanc, dissimula sous un domino sa nudité : le capuchon du domino lui couvrait la tête, un loup à barbe de dentelles lui masqua le visage. Ainsi vêtue, elle m'échappa et dit :
- Sortons ! " (2)
mais aussi ailleurs :
" Ce qu'on a vu est à revoir d'un regard plus aigu, au risque d'en surfaire l'horreur ou la beauté " (3)
et enfin :
" Et le français dans tout ça ? " Langue royale ", dit Céline, qui en était dévoré, pas toujours pour son bien, mais avec la puissance du rire (lisez les Entretiens avec le professeur Y, chef-d'oeuvre comique, aussi décapant que Molière ou Voltaire). " Langue royale, et foutus baragouins tout autour. " Je n'y peux rien : le fançais m'habite, me précède, m'écoute, me souffle. Est-il content de moi ? Je crois. " (4)
Il en va de même des femmes, même royauté du mot et de la peau, même baragouins tout autour, le plus souvent, même souffle parfois, à condition de bien entendre. Les femmes sont-elles contentes de moi ? Je le crois.
Passion française, des noms (nous n'en diront pas plus ce soir, silence ! )des visages, des musiques : Jean Philippe Rameau par exemple, des peintres, Picasso, et Cézanne, l'un face à l'autre pour le plus grand bonheur de la joie, c'est rare !

Philippe Chauché
(1) Zen / Manuela Duran Mascetti / Evergreen editeur
(2) Madame Edwarda / Georges Bataille / 10/18 1973
(3) Pas à pas jusqu'au dernier / Louis-René Des Forêts / Mercure de France 2002
(4) Un vrai roman / Mémoires / Philippe Sollers / Plon (on peut se reporter au site pileface.com et à mon texte "Sollers sur tous les fronts" qui sera peut-être un jour publié ici.

Roland Barthes nécessairement

Roland Barthes publie en 1979 son "Roland Barthes par Roland Barthes" dans la collection "écrivains de toujours" aux éditions du Seuil, et c'est l'écrivain que l'on veut toujours et uniquement présenter comme sémiologue et critique qui écrit l'ouvrage, sous la belle protection de l'art romanesque. Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman. C'est dit, et il fallait le dire.
Dans l'ouvrage Barthes l'amateur de photographie, le géographe des mots et des noms propose un petit jeu passionnant : J'aime, je n'aime pas. Voilà notamment ce que l'on peut lire dans ce petit livre lumineux :
J'aime : la salade, la cannelle, le fromage, les piments, la pâtes d'amandes, l'odeur du foin coupé (j'aimerais qu'un "nez" fabriquât un tel parfum), les roses, les pivoines, la lavande, le champagne, des positions légères en politique, Glenn Gould, la bière excessivement glacée, les oreillers plats, le pain grillé, les cigares de Havane, Haendel, les promenades mesurées, les poires, les pêches blanches ou de vignes, les cerises, les couleurs, les montres, les stylos, les plumes à écrire, les entremets, le sel cru, les romans réalistes, le piano, le café, Pollock, Twombly, toute la musique romantique, Sartre, Brecht, Verne, Fourier, Eisenstein, les trains, le médoc, le bouzy, avoir la monnaie, Bouvard et Pécuchet, marcher en sandales le soir sur de petites routes du Sud-Ouest, le coude de l'Adour vu de la maison du docteur L., les Marx Brothers, le serrano à sept heures du matin en sortant de Salamanque, etc.
Petit jeu, si proche du questinnaire de Proust, voici le mien :
J'aime : m'asseoir dans au soleil dans les arènes de Madrid, les cigarettes blondes un peu fortes, les chemises blanches, Joselito, Manazanres, José Tomas, le café très noir, le whisky écossais trés tourbé, Sollers, Erri de Luca, Novarina, les vins de Cairanne et de Sauternes, la voix de François Mauriac et celle de François Martouret, les dérives de Pessoa, les actrices des films de J.L.G., prendre le train, passer le cap du figuier à la voile, Mozart, Bach, Ornette Coleman, avoir très chaud, l'eau pétillante, les chauve souris, les chouettes, la cour d'honneur du Palais des Papes au printemps, le vol des martinets sous le soleil déclinant du mois de juillet, écouter en silence, lire la nuit, Martha Argerich, Glenn Gould, le parfum du romarin dans les rues de Séville, les montres mécaniques, la solitude habitée, le silence des plages des Saintes Maries de la Mer l'hiver, les aphorismes rigolos de Cioran, mes joutes verbales dans le Cloître des Carmes, la sieste, déambuler dans les rues de Bordeaux, la lumière du Sud-Ouest, me lever tôt et me coucher tard, les petits livres que l'on peut glisser dans les poches d'une veste, les costumes noirs, le vin blanc sur le port de Sanlucar, etc."
Voilà ce qu'en dit l'un des personnage d'un roman à paraître :
" J'aime : ne rien faire, les musiques de Miles Davis, les couleurs de Cézanne, les femmes de Picasso, la forme de mes seins, que l'on me séduise, m'allonger nue au soleil, le champagne, les nuits blanches, Ezra Pound, Proust, les messes de Mozart, les chansons de Gainsbourg, les mélodies des Beatles, Venise, Paris, la neige, le Paradis de Dante, les rougets grillés, me lever tard, les bagues en or, mes amoureux, l'amour le matin, le café très fort, le poisson grillé, les livres anciens, me lever tard aprés l'amour, le thé vert, la confiture de melon et ses morceaux de noix, les dérives dans les rues de Madrid, l'horchata, les mains des pianistes, les cigarettes blondes, les émissions de radio la nuit, etc. Cela pourrait s'écrire à nouveau sur l'instant et dans le mouvement, calle Estafeta, plaza Mayor, impasse de la Résurrection, sur les plages de la Côte des Basques, rue de Gascogne, place Saint Didier. S'improviser sur les corps admirés à Séville, Bilbao, sur la promenade de la Concha où les ombres des ailes de mouettes font écho aux sculptures de Chilida, dans un bateau mouche sur la Seine, à la terrasse de l'Hôtel du Palais face au large."
à suivre ici même ce soir ou demain.

Philippe Chauché

dimanche 13 janvier 2008

L'envers de la cape

Simon Domb/Pseudo Casas

L'envers de la cape (1)

Le pseudonyme est un leurre qui sert à la fois à cacher et à révéler, comme une cape ou une plume, et cela se vérifie en tauromachie comme en littérature. Mon identité est celle que je me donne, celle que je m'invente, que je dessine, écrit, fonde, c'est ma signature, à vous de voir ce qu'elle cache, à vous de découvrir ce qu'elle révèle. C'est l'un des enjeux et pas des moindres du livre de Simon Casas.

Domb n'est décidémment pas un nom de torero, impossible à prononcer por un buen chistiano (par un bon chrétien), lui souffle son premier impressario, qui ignorait sûrement que le jeune Simon était juif par sa mère et son père. Ce sera donc Casas, déformation du nom de la mère, Cazés. Le nîmois devient ces « maisons » taurines, dans ses années d'apprentissage au côtés de Nimeno, dans sa courte carrière en habit de lumière, et dans sa passion absolue d'impressario et de directeur d'arènes, elles seront comme une « maison d'étude » où les juifs s'initient à l'étude et au commentaire de la Torah, les toreros seront ma Torah. La tauromachie est un art de vivre et de penser, un art de « l'éclat », au sens qu'en donnait au 17°siècle Baltasar Gracian, un art de la beauté et de la perfection, c'est ce qu'il apprend des toreros qu'il fréquente.

Ils ont pour noms Manzanares, Conde, Rafael de Paula, Talavante, Ponce, José Tomas. Casas les accompagne d'un mot, d'un sourire, les croise du regard, il écoute, ce que disent ces hommes d'exception : « C'est en observant le mouvement des vagues que j'ai imaginé ma tauromachie. Regarde comme elles viennent se mêler l'une à l'autre sur le sable. La première se glisse sous le rouleau de la seconde. C'est ainsi que j'enchaîne mes passes, voluptueusement, malgré la violence des mouvements. C'est dans la fureur qu'il faut trouver la douceur. » mais aussi : « Si on offre son corps à la bête, la mort ne le prend pas. » ou encore : « Puisque les fleurs de jasmin gardent leur senteur sur des tiges asséchées et que la lune, certaines nuits, retrouve son autre moitié, dans jours je serai sur pied, docteur ! Je ferai le paseo à Almeria. ».

La tauromachie est un roman, Simon Casas a lancé quelques petits cailloux dans le ciel nîmois aux reflets andalous, ils retombent en mille fleurs qui parfument son « envers de la cape ».Vérifications : " Ecrire, prier et toréer imposent des engagements comparables : il ne faut rien attendre et tout donner. Pourtant les toreros demandent à Marie protection et gloire." mais aussi : " Nous avons essoré nos vingt ans... Et épuisé nos dires. Le silence est notre lien. Notre amarrage. Comme un anneau rouillé dans un port où les bateaux toujours gîteraient, même lorsque la mer y serait d'huile. " ou encore : " La musique joue. Ils doivent juger l'instant important ; se dire que je suis un maestro. La musique de la Maestranza est si belle. Et mon fils qui pleure... Prends ton temps, mon enfant : c'est notre temps. Tu coupes la coleta de ton père. Que ça dure éternellement. Ils applaudissent. Ils sont émus. Et quand je pense qu'il y a quelques minutes certains me sifflaient, m'injuriaient... De mes poignets, j'anime l'étoffe soyeuse de ma cape. Je pétris mon élan, je malaxe mes pulsions. Enfin, j'enchaîne les véroniques. Souples, voluptueuses. Les volumes de nos corps s'amalgament comme de joyeuses particules glissant les unes sur les autres. Ne fait-on pas pour toréer de même que pour aimer ? " mais aussi : " Je cachais une étoile de David dans le revers de mes costumes de lumière alors que je priais devant les Vierges des chapelles d'arène en Espagne, le cou bardé d'effigies de tous les saints de la chrétienté. Je la caressais des doigts de ma main gauche et je me signais de la main droite. J'étais un torero juif, en Espagne, et, inconsciemment, je m'astreignais à d'inquisitoires diktats, héritages ancestraux que je soupçonnais pas. "


Casas, mal aimé, Casas redouté, Casas admiré, Casas en quète permanente d'autres "maisons d'études", maisons taurines dans le vif du verbe et de la flamboyance, ce livre nous en ouvre quelques portes. Vous le croyez à Nîmes, il est à Madrid, vous le croisez dans un Palace de Mexico, fausse piste, il est assis à la terrasse d'un café d'une ville du sud. Je l'imagine un livre à main, signé lui aussi d'un pseudonyme, lisons : " Je lève les yeux, le jardin est très beau, les arbres ont basculé, hier soir, du vert au noir, remontent peu à peu, ce matin, du noir vers le vert. La contradiction est si flagrante qu'elle explose en plein visage. Comble de contradiction ? C'est l'époque où nous vivons. Le vingt et unième siècle, d'ailleurs, est-il encore un "siècle", ou une autre autre dimension du Temps ?" mais aussi : " La cloche du Temps a sonné, et c'est le moment naturel de se demander si on a vécu comme il fallait, et si, éternel retour, on aimerait revivre de la même façon, à jamais." Casas ferme les yeux et laisse les mots de Sollers (2), poursuivre leur long cheminement vivifiant, il est heureux. José Tomas vient de réinventer une autre dimension du Temps, où justement le temps n'a plus de prise, il est dans le geste, l'instant, le mouvement de la pensée.

Pour bien écrire il convient de bien se croiser, pour bien écrire il faut à chaque instant se mettre en danger, et cela dans un détachement total, un relachement absolu. Mon visage ne dira rien de mes défaites ou de ma gloire, mon corps est seulement le témoin de ce que je viens de vivre et d'écrire, mon corps d'écriture et de tauromachie résonne d'une musique qu'il invente à chaque seconde, je ne torée pas pour vivre, je vis donc je torée, je n'écris pas pour vivre, ma vie est écriture.

Philippe Chauché




(1) "L'envers de la cape" Editions Fayard (Simon Casas est notamment directeur des Arènes de Nîmes)

(2) "Un vrai roman" Editions Plon

vendredi 11 janvier 2008

Patience

C'est nouveau, un peu de patience, rendez-vous ici même dimanche prochain.
olé