mardi 31 août 2010

Certitudes

Gustave Courbet 1819-1877

Première certitude, bien écrire, bien parler pour bien aimer. Les humanoïdes alter mondialistes doutent de cet accord là, la servitude volontaire dont ils se nourrissent trouve ses marques dans le désaveu du verbe et de la peau.

Seconde certitude, miser sur l'art de la perte, se placer à chaque seconde au dessous du Volcan du Temps.

Troisième certitude, faire de l'élégance une arme, le vulgaire a une étrange propension à se dénuder et à s'afficher sans pudeur, c'est la preuve qu'il vit désarmé, c'est à dire loin de la poésie.

Quatrième certitude, Claudel :

" Quand les volcans de mon Amérique se seront éteints, quand ses flancs palpitants seront épuisés, quand elle se sera reposée de l'immense effort qui vient de la faire sortir du néant toute brûlante et bouillonnante,
Alors je lui donnerai pour la régir un homme raisonnable et juste ! " (1)

Cinquième certitude, ne jamais regretter ce que l'on a offert, ne jamais douter une seconde de ce que l'on est, d'autant plus lorsque l'orage se déchaîne et que la foudre vous frappe au coeur comme une flèche d'acier.

Sixième certitude, lire pour se passer de littérature, aimer, pour se passer de jouissance, offrir, pour être lapidé, écrire, pour faire trembler les oublieuses.

Septième certitude, se savoir en sursis, et trouver cela amusant.

Huitième certitude, Rimbaud :

" Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie.

Un pas de toi, c'est la levée des nouveaux hommes et leur en-marche.

Ta tête se détourne : le nouvel amour ! Ta tête se retourne, - le nouvel amour !


" Change nos lots, crible les fléaux, à commencer par le temps ", te chantent les enfants. " Élève n'importe où la substance de nos fortunes et de nos voeux " on t'en prie.

Arrivée de toujours, qui t'en iras partout. " (2)

Neuvième certitude, je vous enterrerai tous, et moi le premier.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Le soulier de satin / Première journée / Scène VI / Paul Claudel / Théâtre II / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard
(2) A une raison / Illuminations / Arthur Rimbaud / Oeuvres complètes / édition d'Antoine Adam / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard

dimanche 29 août 2010

Presque Tout et son Contraire (7)


Pablo Ruiz y Picasso 1881-1973

" Mon idéal est une certaine froideur. Un temple, qui sert d'enceinte aux passions, sans y intervenir. " (1)

L'idéal de l'homme, arriver à méconnaître la femme.
Toute jouissance n'est qu'un égarement.

" Les statues ne tournent pas la tête, parce qu'elles savent que, si elles le faisaient, elles se changeraient en d'éphémères êtres mortels. " (2)

Sa mémoire, une constellation de saveurs.
Elle s'offrait comme d'autres se suicident.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Remarques mêlées / Ludwig Wittgenstein / 1929 / traduct. Gérard Granel / GF Flammarion
(2) Greguerias / Ramon Gomez de la Serna / traduct. Jean-François Carcelen et Georges Tyras / Cent Pages

samedi 28 août 2010

Presque Tout et son Contraire (6)

Antoine Watteau 1684-1721

" Primo Levi a soif. Une congère s'est formée au bord d'une fenêtre. Il sort du baraquement, veut casser le morceau de glace pour étancher sa soif. Un kapo allemand l'interrompt. " Pourquoi ? " demande Primo Levi. Hier ist kein warum, répond le nazi ( " Ici, il n'y a pas de pourquoi. ").

La réponse nazi vaut pour l'ensemble du camp. Le sans-pourquoi est le mot d'ordre d'un monde où aucune autre expérience n'est possible que la dévastation.

Mais le sans-pourquoi est aussi, plus secrètement, le nom de ce qui brille dans les ténèbres. Un mystique du XVII° siècle, Angelus Silesius, écrit : " La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu'elle fleurit. "

Aucune causalité ne détermine la floraison de la rose ; elle existe pour rien, et cette libre gratuité coïncide avec la poésie elle-même. Le sans-pourquoi désigne ici le contraire de l'arbitraire nazi ; il est le nom de ce qui résiste à l'emprise. " (1)

J'aime à penser, se dit-il, qu'il en va de même de la peinture de Watteau, le sans-pourquoi de l'art absolu, comme il en va parfois de l'amour, le sans-pourquoi de la jouissance est une arme qui sape à jamais toute forme de domination, les heureux amants et les fées le savent.

" Je n'ai pas écrit parce que j'étais fatigué et je suis resté couché sur le canapé dans la chambre chaude, puis froide, avec des jambes malades et des rêves dégoûtants. Un chien était couché sur moi, une patte tout près de mon visage, cela m'a réveillé, mais pendant un bon moment encore, j'ai eu peur d'ouvrir les yeux et de le regarder. " (2)

Seules quelques fées vous sauvent non de l'ennuie, mais de son rêve.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Prélude à la délivrance / Yannick Haenel François Meyronnis / L'Infini / Gallimard

(2) Journal de Kafka / 13 décembre 1911 / traduct. Marthe Robert / Grasset

jeudi 26 août 2010

Presque Tout et son Contraire (5)



" Il ne faudrait jamais voir une oeuvre d'art plastique sans musique, ni écouter une oeuvre musicale ailleurs que dans des salles bien décorées. " (1)


Aimer c'est avoir de l'oreille.

à suivre

Philippe Chauché


(1) Novalis / Fragments / traduct. Maurice Maeterlinck / José Corti












lundi 23 août 2010

Fin d'Eté (2)


Miles Davis - My Funny Valentine 1964
envoyé par Yedi. - Regardez d'autres vidéos de musique.

Ne rien faire de ses jours, ne rien faire de ses nuits, sauf peut-être s'accorder au Temps de la Musique, parfois, il devient celui de l'amour, seule contrainte exigée, avoir l'oeil musical et la peau romanesque.

à suivre

Philippe Chauché

dimanche 22 août 2010

Fin d'Eté



Il en va de la musique comme de l'amour, un rien de retenu dans l'élégance du vertige.

à suivre

Philippe Chauché

samedi 21 août 2010

Presque Tout et son Contraire (4)




" Jouer, c'est expérimenter le hasard. " (1)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Fragments / Novalis / traduct. Maurice Maeterlinck / José Corti

vendredi 20 août 2010

Presque Tout et son Contraire (3)



" L'aurore est toujours surprise de vous voir encore en vie. " (1)

Rétablir le duel : mesure de salubrité publique.

" Grâces soient rendues à nos amours imparfaites - car elles nous ont perfectionnés ! " (2)

C'est bien parce qu'elle avait tous les talents qu'elle le quitta.

" Le baiser c'est le néant entre parenthèses. " (1)

Dieu, contrairement aux hommes est passé maître dans l'art de se faire désirer.

" Le public devrait se taire dans l'arène, religieusement, comme l'exigeait Pepe-Illo. Le toreo est un clair et lumineux silence. Le torero, pour ne pas le rompre, se tait ou ne parle qu'à sa cape. " (3)

C'est parce qu'il n'était plus que l'ombre de lui même qu'il ne sortait que la nuit.

Lorsqu'elle jouissait, il entendait les Chants de Maldoror.

L'amour lui allait comme un gant de crains.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Greguerias / Ramon Gomez de la Serna / traduct. Jean-François Carcelen et Georges Tyras / Cent Pages
(2) Nouvelles Pensées de l'Amazone / Natalie Clifford Barney / Éditions Ivrea
(3) L'art de Birlibirloque / José Bergamin / traduct. Marie-Amélie Serrailh / Le temps qu'il fait

jeudi 19 août 2010

Presque Tout et son Contraire (2)



" Ce n'est que là où le génie est mince qu'on peut voir le talent. " (1)

Passé maître dans l'art de la disparition, il finit par se faire détective privé pour tenter de se retrouver.

" Qui ne voit pas la mort en rose est affecté d'un daltonisme du coeur. " (2)

Ce qu'il aimait chez elle, son art d'être une femme.

" Parce que je prends la pensée au mot, elle vient. " (3)

Il lui arrivait souvent de s'endormir en bonne compagnie, le sommeil porte conseil.

" Un esprit élevé ne s'allie point avec un goût médiocre ; celui-ci doit être avec l'autre d'égal à égal, sans cela il dégénère ; ou plutôt l'esprit n'est lui-même que médiocre, non plus que le goût. " (4)

Il lui arrivait souvent de regretter ses propres regrets.

à suivre

Philippe Chauché



(1) Remarques Mêlées / 1943 / Ludwig Wittgenstein / traduct. Gérard Granel / GF Flammarion
(2) Syllogismes de l'amertume / E. M. Cioran / Oeuvres / Quarto Gallimard
(3) Aphorismes / Karl Kraus / traduct. Roger Lewinter / Mille et Une Nuits
(4) Le Héros / Baltasar Gracian / traduct. Joseph de Courbeville / Champ Libre

mercredi 18 août 2010

Presque Tout et son Contraire



" L'ambition prend aux petites âmes plus facilement qu'aux grandes, comme le feu prend plus aisément à la paille, aux chaumières qu'aux palais. " (1)

- Je suis surprise de la longueur de vos ongles.
- Souvenir d'un temps passé en cage !

" Le véritable acte philosophique est le suicide. C'est le réel commencement de toute philosophie. C'est à lui qu'aboutissent tous les désirs du disciple, et cet acte seul répond à toutes les conditions et à tous les signes de l'action transcendantale. " (2)

Les femmes lui semblaient amusantes, surtout par leurs absences.

" On ne peut vivre dans la société après l'âge des passions. Elle n'est tolérable que dans l'époque où l'on se sert de son estomac pour s'amuser, et de sa personne pour tuer le temps. " (1)

Il écrivait souvent pour ne rien dire, et lorsqu'il parlait c'était pour s'éviter d'écrire.

" Il est nécessaire de parler des danseuses en employant le point d'exclamation. Par là, on imite leur mouvement, on reste dans leur rythme, on ne trouble pas la pensée dans son plaisir et enfin, l'activité reste toujours au bout de la phrase dont l'efficacité se prolonge facilement. " (3)

Il était d'une grande patience, surtout dans son sommeil.

" L'élégance est une mélancolie qui s'écrit. " (4)

Il commença sa carrière comme pasteur, avant de devenir gigolo, signature d'une belle constance.

" Il oubliait pour boire. " (5)

Tout amant exceptionnel doit un jour se retirer dans un monastère pour se consacrer à la prière, d'une méditation l'autre.

" La peau des panthères est tenue en grande estime chez les hommes, pour la variété de ses couleurs.
On peut dire de même de ceux qu'en latin on appelle versipelles : hommes cauteleux, doubles, versatiles ; car la simple apparence de l'homme de bien est désormais appelée sottise. " (6)

" Mon époque et moi ne nous accordons pas ensemble, la chose est claire. Mais qui de nous deux gagnera le procès devant le tribunal de la postérité ? " (7)

On aimait chez lui, ce qu'il détestait le plus, et inversement.

" Il vit et dort devant un miroir car nul regard, plus que le sien, n'est intraitable. " (8)

" Peu importe que l'on finisse par me donner raison. Je n'ai que trop raison. Et qui, aujourd'hui, rit le mieux, rira le dernier. " (9)

Vieillir c'est flâner autour d'un échafaud.




à suivre

Philippe Chauché


(1) Maximes et pensées / Caractères et anecdotes / Chamfort / Folio Classique
(2) Fragments / Novalis / traduct. Maurice Maeterlinck / José Corti
(3) Journal de Kafka / 17 mars 1912 / traduct. Marthe Robert / Grasset
(4) Métaphysique du frimeur / Préface / Frédéric Schiffter / Milan
(5) Je serai un grand mort / Jacques Rigaut / Distance
(6) Dictionnaire du mensonge / Pio Rossi / Allia
(7) Parerga / Insultes / Arthur Schopenhauer / Éditions du Rocher
(8) Commérages / Esnaola / Distance
(9) Maximes et traits / Crépuscule des idoles / Friedrich Nietsche / traduct. Jean-Claude Hemery / Gallimard

mardi 17 août 2010

Un Eté (12)

Le sourire du doute et le bonheur du réel.






à suivre

Philippe Chauché

lundi 16 août 2010

Un Eté (11)



Il se dit, comme un corps amoureux, il faut laisser reposer les livres avant de les reprendre, ainsi ils livrent d'autres éclats, peut être mal vus, mal lus la première fois ou simplement troublés par la servitude sociale dominante.
Il est amusant que cet auteur soit toujours la risée de lecteurs professionnels et d'anonymes vertueux, comme si l'humour dévastateur qui saisit à chaque page tout lecteur ordinaire, pas si éloigné de celui de Céline, méritait soit un mépris gêné, une admiration bouffonne ou encore, une mise à l'index, qui à bien y regarder ressemble à une mise en croix publique.

Les humanoïdes " réflexifs " sont épinglés, et de quelle manière :

" En terminant mon verre de kirsch, je me dis que Patrick avait opté pour une synthèse originale entre les convictions matérialistes de son papa et les lubies astrales de sa maman. Il y eut ensuite la traditionnelle séance harpe-étoiles. " Waaouh ! Grave !..." s'exclama Fadiah en apercevant les anneaux de Saturne, avant de se rallonger sur son transat. Décidément, décidément, le ciel de la région était très pur. Me retournant pour attraper la bouteille de kirsch, je vis qu'elle avait les cuisses écartées, et il me sembla dans l'obscurité qu'elle avait fourré une main sous sa jupe. Un peu plus tard, je l'entendis haleter. Donc, en observant les étoiles, Harry songeait au Christ Oméga ; Robert le Belge à je ne sais quoi, peut-être à l'hélium en fusion, ou à ses problèmes intestinaux ; Fadiah, elle se branlait. A chacun selon son charisme. " (1)

Les livres comme les corps, il convient parfois de les oublier, pour mieux les retrouver, ainsi tout s'éclaire, et sous les feux de " la rampe ", les masques tombent, le roi est nu, et il n'est pas le seul.

" L'amour non partagé est une hémorragie. Pendant les mois qui suivirent, alors que l'Espagne s'installait dans l'été, j'aurais encore pu prétendre à moi-même que tout allait bien, que nous étions à égalité dans l'amour ; mais je n'avais malheureusement jamais été très doué pour me mentir. Deux semaines plus tard elle vint me rendre visite à San José, et si elle me prêtait toujours son corps avec autant d'abandon, de plus en plus fréquemment, elle s'éloignait de quelques mètres pour parler dans son portable. Elle riait beaucoup dans ces conversations, plus souvent qu'avec moi, elle promettait d'être bientôt de retour, et l'idée que j'avais eue de lui proposer de passer l'été en ma compagnie apparaissait de plus en plus nettement dénuée de sens ; c'est presque avec soulagement que je la reconduis à l'aéroport. J'avais évité la rupture, nous étions encore ensemble ", comme on dit, et la semaine suivante c'est moi qui me déplaçai à Madrid. " (1)

Et puis, il se dit, un roman n'est jamais un passage obligé, surtout s'il est bien écrit, comme d'ailleurs l'amour, le désespoir, l'alcool, la vitesse, que sais-je encore, pensa-t-il, ne sont jamais des passages obligés.

" L'avantage de tenir un discours moral, c'est que ce type de propos a été soumis à une censure si forte, et depuis tant d'années, qu'il provoque un effet d'incongruité et attire aussitôt l'attention de l'interlocuteur ; l'inconvénient, c'est que celui-ci ne parvient jamais à vous prendre tout à fait au sérieux. " (1)


à suivre.

Philippe Chauché

(1) La possibilité d'une île / Michel Houellebecq / Fayard

dimanche 15 août 2010

Un Eté (10)



Une autre manière d'en rire.

A F. et F., une autre manière de vivre.

à suivre

Philippe Chauché

samedi 14 août 2010

Un Eté (9)



Tout homme plongé dans son destin prend des allures de cachet effervescent.

Les hommes qui cherchent à séduire une femme ressemblent à des mouches qui s'affairent autour d'un cadavre.

Aimer revient à s'ouvrir les veines.

" Éclair : lumière intense et brève provoquée par une décharge électrique pendant l'orage.
La condensation - accumulation d'énergie sur une petite surface - fait lever l'orage désiré, détonner la phrase, décharger le coeur. " (1)

Ma fidélité : une arme de dissuasion.

Il s'entourait de femmes élégantes et brillantes qui heureusement n'avaient pas l'outrecuidance de se glisser dans son lit.

" Écrire s'est s'affûter. " (2)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Petites formes en prose après Edison / Florence Delay / Textes du XX° siècle / Hachette
(2) Ténèbres en terre froide / Charles Juliet / Journal 1957-1964 / P.O.L.

vendredi 13 août 2010

Un Eté (8)



L'Eté donc, une autre vision du monde paraît-il, le désenchantement de l'été a-t-il à voir avec celui de l'automne, patience pense-t-il.

L'Eté et ses éclats, sans commune mesure avec ceux de sa peau.

L'Eté n'en finit pas, comme les histoires d'amour. Elles n'en finissent jamais quoi qu'en disent celles et ceux qui perdent la mémoire.

Ne jamais se pencher sur sa vie, on risque d'y tomber.

Aimer c'est écrire avec sa peau un roman incompréhensible.

Ne rien faire de sa vie, belle occupation de dandy.

Miser sur les détestations que l'on provoque, et oublier les compliments, voilà son programme.

Qu'avez-vous fait de vos nuits ?
Rien.
Et de vos jours ?
Rien.
Et de vos amours ?
Rien.
Cela vous convient ?
Je vis avec des cors à l'âme.

à suivre

Philippe Chauché

mardi 10 août 2010

Un Eté (7)

" Comme des voiles à la risée du soir, et nos manœuvres de gréement, de balancine, de beaupré, les reflets de tes astres sur ta face, ta gîte, le gisement des quais selon ta hanche.
- Ta hanche dans ma main droite sur le quai...
Tu vois que j'écris gisants pendant que tu ne dors pas. " (1)

Il se hasarde avec détachement dans ce qu'ils appellent poésie, comme les mots leur manque, comme l'imaginaire - l'autre nom de l'amour - les a abandonné, ils se replient, s'enferment, alors qu'il s'agit d'un mouvement d'ouverture du temps, les mots sont des vagues pense-t-il, il nomme leur assemblage " beauté ". Il va droit à la beauté, comme l'on va droit au corps aimé.

" Je ne peux écrire ton nom. Les lois l'interdisent. Ayant écrit ton nom, je dirais que je ne le dirai jamais et ainsi le cèlerai-je. Tu es ma chresmologue. Il écrit que s'accomplisse ton coeur que j'écrive un gisant. " (2)

Plus que quiconque, il sait ce que le silence a de vivace et de musical, il n'ignore rien des corps qui se dérobent, trouvant cela amusant, il en a tant croisé.

"... La musique est simplement là pour parler de ce dont la parole ne peut parler... " (3)

Il se dit ce matin, je n'écris que pour les Gisants et les violes.

à suivre

Philippe Chauché


(1) Gisants / Gisants / Michel Deguy / Gallimard
(2) Dédicaces / d°
(3) Tous les matins du monde / Pascal Quignard / Gallimard

samedi 7 août 2010

Un Eté (6)

Seul compte le dévoilement de l'instant.

Principe : n'accorder son regard qu'à celles qui savent l'oublier.

L'espoir : une idée amusante pour nouveau né en sursis.

Le désespoir : une idée rassurante pour tout condamné à vivre.

L'amour : élégance du langage offert à la surdité.

Se croiser, toujours se croiser, quelle que soit la situation et le danger, et ainsi faire des manières taurines, une matière d'être.

à suivre

Philippe Chauché

vendredi 6 août 2010

Un Eté (5)



Cela s'appelle le savoir et la saveur, encore faut-il savoir les goûter. (1)

Le jeune homme offre cet art éternel qui agite tellement les nationalistes de tout poil qu'ils en perdent la raison, si raison ils possédèrent un jour !

Il s'agit d'écrire une page à la fine plume d'oie, il s'agit de savoir dessiner ce qui pourrait sur l'instant être oublié, il s'agit d'être dans le Temps qui dénoue les sens, il s'agit de ne compter que sur soi et sur l'animal sauvage, il s'agit de millimétrer ses gestes, d'abolir la pesanteur, il s'agit de s'effacer derrière son style, pour que ce style devienne invisible, tout l'art du "je ne sais quoi " cher à Gracian.

à suivre

Philippe Chauché


(1) El Juli et les autres, Feria de Bayonne, le 5 août 2010.

jeudi 5 août 2010

Un Eté (4)

S'il y a bien un art qui se consume et vous consume c'est l'amour.

" Toute autre forme de vie lui était étrangère. " Il manque quelque chose à cette phrase, lui dit-il, c'est bien là son intérêt !

Il reprenait quelques livres, si peu, les ouvrait au hasard, un peu comme il l'aurait fait avec une femme, les refermait, ou parfois les laissait ouverts dans leur déconvenue, il se dit, elle aurait sûrement détesté cette phrase !

" L'aimantation positive entre deux personnes, ou, comme on l'a dit autrefois, les " affinités électives ", est un sujet peu traité, ou bien outrageusement simplifié et idéalisé. Question d'ondes, de vibrations, d'atomes ? Effluves imperceptibles, pollens réservés ? La surprise est toujours la même, tant on est habitué aux relations négatives, voix désagréables, petits détails choquants, rafales de négativité. On me déplaît, je déplais, affaire courante sur laquelle on peut broder tant qu'on veut. Pas question d'origines ethniques ou sociales, pas non plus question d'opinions. L'aimantation est tout autre chose. Pas la foudre, plutôt l'eau. Montée, retrait, détours, nappes, bassins, fontaines, cascades. Et soleil dans l'eau. " (1)

" Et pour reste, voyez mon majordome. " écrivit-il sur la page blanche de son cahier avant de se donner la mort.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Les voyageurs du temps / Philippe Sollers / Gallimard

mercredi 4 août 2010

Un Eté (3)

Ici, le Temps s'amuse à passer, comme il n'a rien de mieux à faire, il lui accorde toutes ses indulgences.

Ici le Temps ressemble à un corps fuyant, sont-ils autre chose ?

Ici le Temps griffe ses joues et son ventre de tressaillements, s'engouffre dans ses cheveux pour y semer des traces blanches.
Vous ne paraissez pas votre âge, lui dit-on, il n'est pas surpris, il a toujours paru plus vieux que le plus vieux des hommes.

Il n'accorde de l'importance qu'aux faux fuyants.

" Celle qui sortit sans être vue sera née de l'éclat de deux bougies allumées près des dominants apparus. Georges de la Tour ne les élèvera à nouveau que l'objet de son attention se déplaçant. Ainsi sera gravie, première alliée, l'Olympe neigeuse aux roches basanées. Des ténèbres qui n'ont pas d'ailes veillent au loin sans glisser au sol, lestes conseillères. Sous les flocons déjà saignants - il ne vont plus cesser leur travail au cerveau - le pas de Vincent s'éteint dans la neige qui crie. Le peintre est reparti, mais vers l'image muette comme si la peinture ne connaissait pas d'autre expression. Sommes-nous morts d'être accueillants ?
C'était hier lorsque les averses de couleur se succédaient, saintes folles dans la tirade du grand rire de la nuit obscure. " (1)

Il s'allonge sur la plage face aux vagues, sans autre espoir qu'une plus forte que les autres ne le transperce.

Tout ce qui fait l'amour est par lui connu sur le bout des lèvres, grosse erreur, lui souffle-t-on, dans ce domaine comme dans d'autres, il faut avancer les yeux fermés et la tête vide.

Seule certitude, il sème l'oubli comme d'autres le blé.

" Soupçonnons que la poésie soit une situation entre les alliages de la vie, l'approche de la douleur, l'élection exhortée, et le baisement en ce moment même. Elle ne se séparait de son vrai coeur que si le plein découvrait sa fatalité, le combat commencerait alors entre le vide et la communion. Dans ce monde transposé, il nous resterait à faire le court éloge d'une Soupçonnée, la seule qui garde force de mots jusqu'au bord des larmes... " (2)

On devrait n'accorder à sa mémoire des instants vécus que le temps imparti à la consommation d'un verre d'alcool fort.

Il sait tout de ce qui fait la joie, grosse erreur, lui dit-on, il faut là aussi s'en défaire.

Pour éviter de s'éblouir, elle porte des lunettes aux verres fumés.

Passer maître dans l'art d'être oublié, tout un programme.

" ! " : c'est ce qui lui servira d'épitaphe.

Lire quelques livres, et écouter quelques musiques, est la seule manière de ne pas mourir accompagné.

Ses principales qualités ressemblent à ces dessins tracés sur le sable et qu'une vague va faire disparaître.

Si elle savait, elle en perdrait la vue !

à suivre

Philippe Chauché


(1) Bornage / Les voisinages de Van Gogh / René Char / Gallimard
(2) Bestiaire de mon Trèfle . Éloge d'une Soupçonnée / René Char / Gallimard

mardi 3 août 2010

Un Eté (2)

" Vu une photo dans le journal, en couleur. Une femme au milieu de l'eau, une rivière, un homme ? Elle a l'air bien, immobile comme ça, bras croisés. Elle compresse ses seins, cheveux mouillés, torsadés, courts, blonds.
Ce qui est frappant c'est son calme. C'est juste quelqu'un, au milieu de la rivière verte, point fixe dans le courant, on dirait qu'elle ne pense à rien, elle souffle, allez, on inspire... " (1)

Les premiers mots du livre, il se souvient les avoir entendu il y a des mois, dans l'hiver. Il se souvient qu'en ces temps, il aurait ici même pu écrire, " nous les avons entendu ", mais non finalement cela n'aurait rien voulu dire, on n'entend jamais des mots à deux, encore moins de tels mots, les premiers mots d'un roman qui s'écrit devant vous.


"... Je la rejoins.
Ce n'est pas si difficile... Mon doigt ouvre les paroles... Elle ne répond rien. Elle a raison, on n'est pas obligé de tout dire... "

Il se dit qu'il aurait pu écrire cela, mais non c'était avant quand il écrivait à l'envers sur un corps miraculeux, aujourd'hui, il écrit dans l'été salé et vide. Finalement le vide lui va bien, il fait ici un plein de vide.

"... on infuse l'après-midi dans une baignoire de bois remploie d'une grosse pelletée de feuilles de tilleul. J'aime son appareil de vision.
J'aime sa peau et ses tendons.
La manière extraordinaire avec laquelle ses nerfs articulent son visage.
L'amour chez les Sioux, je lui dis pour rire... (1)

Tout vient du roman et y retourne, la preuve vécue une fin d'après-midi d'été durant le Festival, traversé par le roman, seulement, qui peut le dire ?

à suivre
Philippe Chauché

(1) Un mage en été / Olivier Cadiot / P.O.L. / et au Festival d'Avignon 2010 dans une mise en scène de Ludovic Lagarde avec Olivier Poitreneau.