lundi 31 janvier 2011

Amusements



" C'est ne plus nous estimer assez que nous communiquer. Nos vraies expériences capitales sont tout sauf bavardes. Elles ne sauraient se communiquer, même si elles le voulaient. C'est qu'il leur manque la parole. Ce pour quoi nous trouvons des paroles, c'est que nous l'avons dépassé. Dans tout discours, il y a un soupçon de mépris. La langue, me semble-t-il, n'a été inventée que pour des choses médiocres, communes, communicables. Par le langage, celui qui parle se vulgarise. Extrait d'une morale pour sourds-muets et autres philosophes. " (1)

Et pendant ce temps, les VRP de la moraline s'en prennent aux belles communistes balnéaires !

à suivre.

Philippe Chauché

(1) Crépuscule des idoles / Friedrich Nietzsche / traduc. Jean-Claude Hemery / Gallimard

dimanche 30 janvier 2011

Céline et Sade



" Décembre s'est évanoui
Me voilà vagabond
Avec le monde pour peine... " (1)

Nous y voici, plus que jamais nous sommes au centre même du séisme. Un nom, non deux, l'un cache l'autre. L'un pousse au meurtre, l'autre à la déportation. " D'un château l'autre " de Lacoste au Dannemark, même géographie de l'infâme disent-ils.
Il convient, note-t-il, et de toute urgence d'enfouir celui qui écrit, et ainsi de célébrer ce nouveau " point de lendemain ", et surtout de "faire comme comme si " !
L'un Sade, l'autre Céline, deux écrivains à écarter, à nier, si ce n'est à détruire, juste, disent-ils revanche de l'histoire, nous pourrions y ajouter pense-t-il, le Prince de Ligne, Casanova, Nietzsche, Freud, Cioran, pour ne garder qu'eux.
Le Comité de Salut Public de ces temps : un médiocre philosophe, un torchon alter-mondialiste, un hebdomadaire à capuche, une gazette quotidienne à la langue approximative, des " chiennes de garde ", que sais-je d'autre, pense-t-il.
Face à ces guillotineurs en puissance et à l'impuissance romanesque, il convient, note-t-il, de laisser ici quelques phrases décisives :

" Évite l'afféterie de la morale : ce n'est pas dans un roman qu'on la cherche ; si les personnages que ton plan nécessite sont quelquefois contraints à raisonner, que ce soit toujours sans affectation, sans la prétention de le faire ; ce n'est jamais l'auteur qui doit moraliser, c'est le personnage, et encore ne le lui permet-on que quand il y est forcé par les circonstances. " (2)

" Eugénie. - Eh bien, en laissant errer cette imagination, en lui donnant la liberté de franchir les dernières bornes que voudraient lui prescrire la religion, la décence, l'humanité, la vertu, tous nos prétendus devoirs enfin, n'est-il pas vrai que ses écarts seraient prodigieux ?
Mme de Saint-Ange. - Sans doute.
Eugénie. - Or, n'est-ce pas en raison de l'immensité de ses écarts qu'elle nous irritera davantage ?
Mme de Saint-Ange. - Rien n'est plus vrai.
Eugénie. - Si cela est, plus nous voudrons être agitées, plus nous désirerons nous émouvoir avec violence, plus il faudra donner carrière à notre imagination sur les choses les plus inconcevables ; notre jouissance alors s'améliorera en raison du chemin qu'aura fait la tête, etc...
Domancé, baisant Eugénie. - Délicieuse ! " (3)



" L'étage Laval... Laval je l'ai soigné un petit peu... Pétain je l'ai jamais approché... Brinon m'avait proposé, on venait d'arrêter Ménétrel... " J'aime meix mourir, et tout de suite ! ... " l'effet que je lui faisais à Pétain... le même effet qu'aux gens d'ici, du Bas-Meudon... ou de Sèvres... Boulogne... ou à ma belle-mère... oh, aucun mal ! on se fait très bien, de plaire à personne ! ... bon débarras ! bon débarras ! l'idéal même ! ... mais la boustiffe ? ... très joli l'isolement total, mais les moyens ? ... pas plaire et vioquir et des rentes ! ... le vrai bonheur ! jamais jamais plus emmerdé ! ... un rêve facile pour un gens riche, par exemple Achille ! ...oui, Achille... mais beaucoup moins con... " (4)

Nous y sommes comme jamais, les écrivains qui savent écrire effraient les humanoïdes de la moraline, c'est la bonne nouvelle du mois.

à suivre

Philippe Chauché
(1) Gradualis / Danielle di Bonaventura / Jean-Claude Acquaviva / Mistico Mediterraneo / Paolo Fresu / A Filletta / Daniele di Bonaventura / ECM
(2) Idées sur les romans / Marquis de Sade / Oeuvres complètes / Pauvert
(3) La Philosophie dans le boudoir / Marquis de Sade / P.O.L.
(4) D'un château l'autre / Louis-Ferdinand Céline / Gallimard / 1957

samedi 29 janvier 2011

Ainsi va le Temps (54)











Lorsqu'on y regarde d'un peu près, on voit là, ce qu'un écrivain et admirable cinéaste pouvait saisir de son Temps, qui aujourd'hui peut en dire autant ?

à suivre

Philippe Chauché

vendredi 28 janvier 2011

Ainsi va le Temps (53)



" Souviens-toi de ton créateur
aux jours de ton adolescence,
avant que ne viennent les jours de malheur,
et que n'arrivent les années dont tu diras :
" je n'y ai aucun plaisir ! " ;

avant que ne s'obscurcissent le soleil,
la lumière, la lune et les étoiles
et que ne reviennent les nuages après l'averse,

au jour où trembleront les gardiens de la maison,
où se courberont les hommes vigoureux,
où cesseront celles qui moulent,
parce qu'elles seront trop peu nombreuses,
où s'obscurciront celles qui regardent aux fenêtres,

où seront fermés les deux battants de la rue,
au jour où baissera le bruit du moulin,
où on se lèvera à la vois du passereau
et où s'atténueront tous les chants ;

et aussi d'en haut on aura peu
et ce seront des terreurs sur le chemin ;
l'amande sera dédaignée,
la sauterelle deviendra pesante
et la câpre inefficace,
car l'homme s'en va vers sa maison d'éternité
et les pleureurs circulent dans la rue ;

avant que ne se détache le câble d'argent,
qui ne se brise le globe d'or,
que ne se casse la cruche à la fontaine
et que ne se brise la route à la citerne ;

avant que la poussière ne retourne la terre,
selon ce qu'elle était,
et que le souffle ne retourne à Dieu
qui l'a donné.

Vanité des vanités, a dit le Qôhéléth.
Tout est vanité. " (1)


C'est ainsi, pense-t-il, il est des hommes et des textes dont la fréquentation est réjouissante.

à suivre

Philippe Chauché

(1) L'Ecclésiaste / traduct. Antoine Guillaumont / La Bible / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard / 1959

jeudi 27 janvier 2011

Ainsi va le Temps (52)



Adresse amusée aux néo-féministes atrabilaires.

à suivre

Philippe Chauché

mercredi 26 janvier 2011

Ainsi va le Temps (51)



Adresse amusée aux amateurs de musique à capuche.

à suivre

Philippe Chauché

mardi 25 janvier 2011

Ainsi va le Temps (50)



In girum imus nocte et consumimur igni : nous tournons dans la nuit et sommes consumés par le feu, mais parfois une fée chasse nos mauvais rêves.

à suivre

Philippe Chauché

lundi 24 janvier 2011

Ainsi va le Temps (49)



De quoi s’agit-il ? D’un roman ? Oui !
Mais à condition de ne pas oublier que les plus beaux viennent de l’éloge. Éloge d’un pays, d’une ville, d’une rue, d’une église, d’une silhouette aperçue, d’un regard embrassé, d’un corps en Mouvement, de mots et de fées. Peut-il en être autrement !
Un roman donc, un roman sur un romancier par un romancier. Tout un programme !
Un roman sur l’Italie, mais pas seulement.
Du 19 ° au 21 ° siècle, il n’y a qu’un pas, à la seule condition de passer par le 17 et le 18 ° siècle, cela s’appelle le Mouvement du Temps. L’écrivain voyageur et le lecteur silencieux en savent quelque chose !
Stendhal au Paradis, c'est-à-dire en Italie. Bonjour Dante !
Pour connaître l’Enfer, il faut traverser le Paradis et non l’inverse, comme la moraline dominante s’évertue à nous le faire croire.
Pour aimer l’amour, il faut aimer écrire, et écrire apprend à bien aimer, et non l’inverse. Stendhal ne cesse de le prouver. Tout le reste n’est que superstition.
De quoi s’agit-il ? De musique !
Vérifiez, se dit-il, ouvrez le livre, lisez une ou deux pages, puis refermez le, ou plutôt mettez le en attente, au repos. Comme un tableau, un roman est une nature endormie, et non une nature morte comme on veut nous le faire croire.
Nature endormie et musique. Vivaldi évidemment, et plus précisément ses derniers concertos par le Venice Baroque Orchestra d’Andrea Marcon avec au violon l’immense Giuliano Carmignola. Tout un programme. Tout un programme romanesque et éblouissant.
De quoi s’agit-il ?
D’éblouissement, essence de la littérature - Proust, Hemingway -, essence de la musique, essence de l’amour, tout le reste n’est que blabla et chichi, comme le dirait un philosophe balnéaire sans qualités.

Lisons et accordons nos violons :

« Nuit après nuit, jour après jour, en rêve, la demande est insistante et pressante : il faut absolument terminer le livre, le mener à bien, le livrer à l’extérieur pour le vérifier. Il faut. Le titre, Delta, est là depuis des années, je revois quand et comment il a surgi en mouvement devant moi, l’eau miroitante du Dorsoduro, à Venise, les lettres bleues sur fond blanc du grand bateau venant d’Alexandrie. Il était midi, les cloches sonnaient à toute volée, j’avais pris une sérieuse dose, l’horizon se mêlait à lui-même, c’était le splendide automne, et, une fois de plus, la grande certitude était là. » (1)

Et ailleurs :

« Les yeux ont leurs habitudes, qu’ils prennent de la nature des objets qu’ils voient le plus souvent. Ici, l’œil est toujours à cinq pieds des ondes de la mer, et l’aperçoit sans cesse. Quant à la couleur, à Paris tout est pauvre, à Venise tout est brillant : les habits de gondoliers, la couleur de la mer, la pureté du ciel que l’œil aperçoit sans cesse réfléchie dans le brillant des eaux. » (2)





De quoi s’agit-il ? Du mouvement de l’œil !
L’œil écrit, l’œil écoute.
J’ai appris cela, note-t-il, d’une voluptueuse aimée des glacis.
Mais en ces temps qui comprend cela ?

Poursuivons :

« Quant au roman qui, au lieu de celui-ci, aurait dû s’appeler Delta, il a fini par se perdre dans un flot imprévu et ininterrompu de mémoire. Je voulais partir de la source à peine perceptible des fleuves, m’arrêter en montagne, étudier la naissance cachée de ces grands monstres incessants qui deviennent ensuite le Nil, le Niger, le Danube, le Rhin, les grands fleuves Bleu et Jaune, leurs entrées ramifiées, bien plus tard, dans les océans ou les mers. L’Amazone, pourquoi pas, sept mille kilomètres des Andes à l’Atlantique, avec ses trois mille espèces de poissons, ses dauphins, ses caïmans. J’ai commencé, j’ai vite renoncé, l’élégant et rapide Delta me ramenait toujours à Venise, cloches, mouettes, soleil. » (1)

Pour s’accorder à ce Delta, il faut avoir un jour embrasser Garonne.
Merci de l’appeler ainsi et non La Garonne. Garonne, il faut avoir un jour lu pour elle quelques vers d'Hölderlin et aussi plus tard, passé des heures à plonger ses yeux dans les eaux brunes du Rhône à quelques ailes du Palais des Papes.
Il faut avoir passé quelques nuits entre la Bourse et les Chartrons, et avoir su se perdre entre le doux et le salé des Saintes Maries. Tout un roman !
Question d’équilibre entre la peau, l’oreille et les yeux, comme en amour et en peinture c’est ce qu’il note sur son carnet de voyageur immobile.

Nouvelle escale :

« On ne dort pas, on ne voit personne, l’eau, les livres, les oiseaux, les arbres, les bateaux, les cloches, le silence, la musique, on est d’accord sur tout ça. Jamais assez de temps encore, encore. Tard dans la nuit, une grande marche vers la gare maritime, et retour, quand tout dort. Je me lève tôt, soleil sur la gauche, et voilà le temps, encore et encore du temps. On se tait beaucoup, preuve qu’on s’entend. » (1)

Et en même temps :

« J’ai été entraîné par des souvenirs délicieux. Deux heures sonnent : le Vésuve est en feu ; on voit couler la lave. Cette masse rouge se dessine sur un horizon du plus beau sombre. Je demeure trois quarts d’heure à contempler ce spectacle imposant et si nouveau, perché à ma fenêtre au septième étage. » (2)



De quoi s’agit-il ? D’un volcan ! Donc d’un roman qui embrase le ciel et le corps !

Et plus loin :

« Le 29 décembre 1819 est pour Stendhal un « day of genius ». Il vient d’avoir l’idée de De l’amour. L’extrême prétention ne peut se dire modestement qu’en anglais. On ne note pas « jour de génie », ce serait grotesque. De même, on ne dira pas « les heureux plus nombreux », mais les « happy few » auxquels Stendhal n’arrête pas de dédier ses livres. « We few, we happy few, we band of brothers… » (Shakespeare, Henri V, acte IV, scène 3 ). “ Nous les peu nombreux, nous les heureux peu nombreux, nous bande de frères…” L’esprit égalitaire, démocratique et américain dût-il hurler, c’est dit. Bande de frères à travers les âges… Ou encore, cette rareté, le « lecteur bénévole », salué par Lucien Leuwen : « Songez à ne pas passer votre vie à haïr et à avoir peur. » (1)

Eloge d’une certaine aristocratie. Les serviles serveurs sociaux peuvent passer leur chemin, cela n’est pas pour eux, ajoute-t-il, et c’est très bien ainsi !

Mais aussi en résonance :

« L’un de mes plus grands regrets, c’est de n’avoir pu voir la Venise de 1760 ; une suite de hasards heureux avait réuni apparemment, dans ce petit espace, et les institutions politiques et les opinions favorables au bonheur de l’homme. Une douce volupté donnait à tous un bonheur facile. Il n’y avait point de combat intérieur et point de crimes. La sérénité était sur tous les visages, personne ne songeait à paraître plus riche, l’hypocrisie ne menait à rien. » (3)

Et toujours :

« Vers la fin de sa vie, Stendhal a beaucoup grossi, et il est obligé de se faire faire un fauteuil pour son bureau au consulat. Il s’ennuie, ne trouver personne avec qui parler, et à travers ses « histoires italiennes » se donne du mouvement, des aventures, des acrobaties, des évasions. Les échelles jouent un grand rôle dans son imaginaire. Il y en a dans sa vie, il y en a dans ses livres. On monte sur une échelle, une femme vous attend dans sa chambre, on redescend au petit mati, très silencieux, pas vu, pas pris. Stendhal est toujours clandestin, c’est un cambrioleur d’existence. » (1)

Trésor d’amour est un roman cambrioleur. Léger, distingué, éblouissant, éclatant, grave, troublant, ironique, amusé et amusant, éclatant de mille bulles vertes et jaunes. Trésor d’amour dure toute la vie, c’est bien là l’éloge du roman

à suivre

Philippe Chauché

(1) Trésor d'amour / Philippe Sollers / Gallimard
(2) Voyages en Italie / Stendhal / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard
(3) De l'amour / Stendhal / Gallimard

samedi 22 janvier 2011

Ainsi va le Temps (48)



Adresse amusée aux humanoïdes adeptes de la lourdeur et de la moraline.

à suivre

Philippe Chauché

vendredi 21 janvier 2011

Ainsi va le temps (47)



Lorsqu'un ange musicien vous invite à la prière, il est vous en conviendrez difficile de s'y soustraire.

à suivre

Philippe Chauché

mardi 18 janvier 2011

Ainsi va le Temps (46)

Retenez ce nom, n'oubliez pas cette voix et ce visage, c'est l'écho tellurique et lumineux du Mouvement du Temps, le Temps Ladino. (1)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Yasmin Levy / Sentir / Adama Music / World Village

lundi 17 janvier 2011

Ainsi va le Temps (45)



Il se dit parfois que les plus beaux cadeaux devraient être empoisonnés, ainsi offrir servirait à quelque chose, et d'évidence n'entraînerait aucune suite. Un cadeau empoisonné puis plus rien. Un soupçon de détestation, un effacement frénétique des contacts d'un téléphone de poche, une radiation définitive de la longue liste de ceux que l'on doit inviter pour un anniversaire, un mariage civil, un réveillon ou une sortie en voilier au large du Cap Corse.


Voilà un livre empoisonné, et donc réjouissant. A offrir, pense-t-il, aux charmants couples heureux et dociles qui ne manquent pas de penser à lui pour les aider à compléter leurs amusantes soirées musicales, à condition toutefois qu'il ne boive pas trop, qu'il ne s'endorme pas minuit venu, ou qu'il accepte de bonne grâce les avances d'une toute nouvelle divorcées de leurs amies, il fera l'effet d'une bombe à retardement, et ses dégâts, ne manqueront pas de l'amuser.


Ce livre est un condensé de vitriol, et personne n'ignore que le vitriol est du plus bel effet sur les couples, il fait apparaître par miracle toutes les détestations enfouies, les reproches ravalés et les mensonges qui sont les ex-voto des amoureux trahis mais fidèles.
Un livre fumant et brûlant d'où sortent anéantis les petits couples modernes et adeptes du blabla et du chichi. Un éclat de rire salutaire et définitif.

Lisons avant de l'offrir, dès les premières lignes, le ton est donné, c'est un roman à l'eau seconde :
" Le soleil ne s'était pas montré ce jour-là. Le soir tombait, le pluie faisait du bruit sur la tente du Père Tranquille, café des Halles, un quartier de Paris, vieille ville européenne que certains habitants du sud des Etats-Unis confondent avec Paris Texas.
Quand il est arrivé, elle a rompu.
- Je veux faire un break.
Elle tenait une tasse dans sa main. Le thé ne reflétait rien, même pas le rouge des convecteurs qui chauffaient la terrasse.
- Il faut que tu disparaisses. " (1)
Mais aussi :
" Il s'est versé un whisky au salon. Il l'a bu sur le balcon. La lune était pleine, veinée de marbre. Au Moyen Âge les sorcières écrivaient à la lune, dommage que ce genre de correspondance soit tombé en désuétude. Avec une lampe, il aurait pu parler en morse à l'univers. Il n'aurait jamais vécu assez vieux pour recevoir une réponse, mais suffisamment pour perdre la raison. " (1)
Et plus loin :
" - Le sexe est un problème dont je viendrai à bout.
- On pourrait faire l'amour ?
Elle a pointé le joint dans sa direction.
- Tu es trop sexuel.
Elle l'a écrasé comme un petit bout de pénis auquel elle aurait voulu river son clou.
- Vraiment, trop sexuel.
- Oui, comme tes sex-toys.
- La masturbation est moins sexuelle que le sexe. Elle n'est pas sexuelle. C'est une réflexion. " (1)
Ou encore :
" Marjorie a jeté un coup d'oeil sur Tibère.
- Cache ta bite.
Le caleçon la dissimulait pourtant de son mieux. Il est vrai que l'érection persistait depuis tout à l'heure et trahissait la présence de l'organe sous le coton bleu.
- Tu peux que je la coupe ?
- Pour tout dire, je m'en passerai. C'est anormal d'avoir une bite.
- Tout le monde en a.
- Pas moi. Les femmes n'en ont jamais eu. Regarde un corps de femme, comme c'est harmonieux, rigoureux, logique.
Tibère a souri, l'érection est tombée. " (1)
Ce livre s'ouvre et se ferme sur la guerre sexuelle dans un long éclat de rire, il y a Marjorie, Tibère et Volvic, un ministre flasque et vieillissant, figure d'un autre entrevue ici et là, un sac de riz sur le dos par exemple, et tout se percute, comme dans une fête foraine, les couples explosent en vol tout en restant au ras de l'asphalte.
Ce livre est une bombe qui ne tarde pas à exploser dans le bavardage permanent de ces humanoïdes terrifiants qui affichent leur détestation comme d'autres leur légion d'honneur.


à suivre

Philippe Chauché

(1) Tibère et Marjorie / Régis Jauffret / Seuil

samedi 15 janvier 2011

Ainsi va le Temps (44)

Il se dit voilà un petit livre qui nous réconcilie avec la nouvelle année, si d'ailleurs nouvelle année il y a.
Voilà un petit livre qui va faire des jaloux chez les écrivains, ce qui pense-t-il est plutôt amusant, et commencer l'année par un éclat de rire tranchant comme un couteau ou les dessins de Bernard Buffet, n'est pas pour me déplaire écrit-il.
Sagan a traversé la vie et la littérature avec une belle nonchalance agitée.
Ses livres se lisent comme l'on boit une coupe de champagne en terrasse du Palais à Biarritz en belle compangie, et en invitant en pensée un chauffard ivre à tout faire pour que ça soit le dernier.

Sagan a un sourire de nostalgie inquiète qui l'accompagne souvent lorsqu'à son tour, il prend le risque d'écrire vite et peu avant de s'endormir sous le bleu du ciel, l'une de ses occupations préférées.
Les valets nourris de moraline détestent Sagan, grand mal leur fasse.

" Dimanche. Deuxième jour à la clinique. Ciel bleu, peupliers frémissants mais je n'ai pas une grande impression de campagne. " (1)

" Mardi. Il parait que ça va devenir plus difficile. Je le crois volontiers, j'étouffe depuis ce matin. Il faut, paraît-il, s'accrocher. L'esprit monte et descend entre deux crises, sans cesse. Décrocher le téléphone, garder cet air courageux, expliquer posément que décidément ce pas supportable comme ça. Ils feront quelque chose, quelque chose qui retardera le moment où je partirai. Tout ce que je fais pour moi est contre moi, c'est assez épouvantable. " (1)

" Je crois que je ne suis plus amoureuse de personne. - Cette terrible constatation vaut bien un alinéa. J'ai, malgré moi, quoiqu'il arrive, la pensée ou l'écriture littéraire. -
Je sais ce qu'il me reste à faire ; je vais m'éprendre de moi, me soigner, me bronzer, me refaire les muscles un par un, m'habiller, me ménager infiniment les nerfs, me faire des cadeaux, me jeter dans les glaces des sourires troublés. M'aimer. Sans doute un passant en 1958 arrêtera-t-il cette lente glissade vers la schizophrénie. Et sans doute sera-t-il ?. " (1)

" J'aimerai écrire des choses qui se passent en Espagne, avec du sang et de l'acier, ou à Florence sous les Borgia (?) mais non. " (1)

" Dans la grande maison de vitres encore ruisselantes, les enfants en deuil... " Après le déluge, Rimbaud. Je me rappelle un après-midi, très tôt, sur la plage d'Hendaye où j'avais connu, seule, avec ces poèmes, un très grand bonheur. " (1)

Et tout est ainsi, ajoute-t-il, rigoureusement défaillant.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Toxique / Françoise Sagan / Illustrations de Bernard Buffet / Le Livre de Poche


vendredi 14 janvier 2011

Ainsi va le Temps (43)


Rien ne nous oblige à rire, sauf à penser au jour où justement on rira une dernière fois de nous.

à suivre

Philippe Chauché

jeudi 13 janvier 2011

Ainsi va le Temps (42)




Aspects troublants du communisme littéraire et cinématographique.

à suivre

Philippe Chauché

mercredi 12 janvier 2011

Ainsi va le Temps (41)


Aspect réjouissant du communiste balnéaire.

« Dans la marche du temps, qu'est-ce qui nous tue ? Le tic ou le tac ? »

Ramon Gomez de la Serna


à suivre

Philippe Chauché

mardi 11 janvier 2011

Ainsi va le Temps (40)


Anton Raphaël Mengs 1728-1779


Il se demandait ce que la moraline dominante ferait aujourd'hui d'un tel peintre, il passa son temps entre Dresde, Rome et Madrid, on voit bien qu'en ces temps les peintres savaient où poser leurs pinceaux. Quant aux écrivains eux aussi traversaient l'Europe avec une certaine élégance, se moquant bien des frontières et autres contingences, cela se voit dans leur vie, cela se lit aussi dans leurs écrits, les lecteurs s'en réjouissent et ils ne sont pas les seuls !
" Une chose sensée que Mengs me dit un jour, et que je n'ai jamais oubliée, fut celle-ci : il avait peint une Magdelaine qui à la vérité était d'une beauté surprenante. Il y avait dix à douze jours qu'il me disait tous les matins :
- Ce soir ce tableau sera fini.
Il y travaillait jusqu'au soir, et le lendemain je le trouvais occupé au travail du même tableau. Je lui ai demandé un jour s'il s'était donc trompé la veille quand il m'avait dit que le tableau était déjà fini.
- Non, me dit-il, car il pouvait paraître fini aux yeux de quatre vingt-dix de cent connaisseurs qui l'auraient examiné ; mais celui qui m'intéresse le plus est le centième, et je le regarde avec ses yeux. Apprenez qu'au monde il n'y a de tableau fini que relativement. Cette Magdeleine ne sera jamais finie que lorsque je cesserai d'y travailler, mais elle ne le sera pas réellement, car il est certain que si j'y travaillais un jour de plus elle serait plus finie. Sachez que dans votre Pétraque même il n'y a pas un seul sonnet qu'on puisse appeler réellement fini. Rien n'est parfait au monde de ce qui sort de la main ou de l'esprit des hommes, excepté au calcul arithmétique.
J'ai embrassé mon cher Mengs après l'avoir entendu me parler ainsi ; mais je ne l'ai pas embrassé un autre jour qu'il désirait d'avoir été Raffael d'Urbin. C'était son grand peintre. (1)




Il serait temps que les humanoïdes confrontent leur aveuglement à la peinture et leur corps à la littérature.


à suivre

Philippe Chauché


(1) Histoire de ma vie / Casanova / Robert Laffont

lundi 10 janvier 2011

Ainsi va le Temps (39)


" Oui, je suis libertin, je l'avoue ; j'ai conçu tout ce qu'on peut concevoir dans ce genre-là, mais je n'ai sûrement pas fait tout ce que j'ai conçu et ne le ferai sûrement jamais. Je suis un libertin, mais je ne suis pas un criminel ni un meurtrier, et puisqu'on me force à placer mon apologie à côté de ma justification, je dirai donc qu'il serait peut-être possible que ceux qui me condamnent aussi injustement que je le suis, ne fussent pas à même de contre-balancer leurs infamies par de bonnes actions aussi avérées que celles que je peux opposer à mes erreurs... En un mot, je veux être lavé, et je le serai, à quelque époque qu'on me fasse sortir d'ici. Si je suis un meurtrier, j'y aurai trop peu été, et si je ne suis pas, j'aurai été beaucoup trop puni et je serai en droit de demander raison. (1)
" Fouts, en un mot fouts ; c'est pour cela que tu es mise au monde ; aucune borne à tes plaisirs que celle de tes forces ou de tes volontés ; aucune exception de lieux, de temps et de personnes , toutes les heures, tous les endroits, tous les hommes doivent servir à tes voluptés ; la continence est une vertu impossible, dont la nature, violée dans ses droits, nous punit aussitôt par mille malheurs. Tant que les lois seront telles qu'elles sont encore aujourd'hui, usons de quelques voiles ; l'opinion nous y contraint ; mais dédommageons-nous en silence de cette chasteté cruelle que nous sommes obligées d'avoir en public. " (2)
Qui peut dire aujourd'hui si l'écrivain a été lavé des pires accusations qui le conduisirent aux fers ? Personne. L'écrivain de La Coste reste pour les tenants de la moraline un monstre, autrement dit, un homme digne d'être montré ! Qu'il le soit ici !
à suivre
Philippe Chauché
(1) Ma grande lettre à Madame de Sade / Vincennes, le 20 février 1781 / Lettres choisies / 10/18
(2) La Philosophie dans le boudoir / Marquis de Sade / P.O.L.

samedi 8 janvier 2011

Ainsi va le Temps (38)

Une certaine manière d'être et de chanter.

à suivre

Philippe Chauché

jeudi 6 janvier 2011

Ainsi va le Temps (37)

Les écrivains ne cessent de défier la moraline et ses précepteurs.



" Qu'aurait-il appris des gazettes ? Lorsqu'il voulait se renseigner sur " l'actualité ", il relisait Plutarque, ou Tacide, ou son cher Lucrèce : Eadem sunt omnia semper. Surtout, il était fatigué de ses hypocrites compatriotes, et à ceux d'entre ses amis qui le pressaient de reprendre sa place dans la société anglaise ( expression d'ailleurs impropre car en Angleterre Byron a toujours été un homme déplacé, en dehors, un outsider ), il opposait un refus irrité - l'irritation qui nous saisit quand nous constatons que même nos plus intimes amis n'ont pas idée du métal dont nous sommes faits. " (1)


" L'Ange Gardien. - Le désir est de ce qui est, l'illusion est ce qui n'est pas. Le désir au travers de l'illusion
Est de ce qui est au travers de ce qui n'est pas.
Dona Prouhèze. - Mais je ne suis pas illusion, j'existe ! Le bien que je puis seule lui donner existe.
L'Ange Gardien. - C'est pourquoi il faut lui donner le bien et aucunement le mal.
Dona Prouhèze. - Mais cruellement entraînée par toi je ne puis lui donner rien du tout.
L'Ange Gardien. - Voudrais-tu lui donner le mal ?
Dona Prouhèze. - Oui, plutôt que de rester ainsi stérile et inféconde, ce que tu appelles le mal.
L'Ange Gardien. - Le mal est ce qui n'existe pas.
Dona Prouhèze. - Unissons donc notre double néant ! " (2)




" L'Inquisition aujourd'hui ? Vous plaisentez ? Mais non, mais non, écoutez bien, vous entendrez vite son violent désir de purification rétroactive. Chaque écrivain ou penseur du passé peut être radié de la mémoire collective pour cause de péché majeur.
Voici le programme :
Gide, le pédophile Nobel ; Marx, le massacreur de l'humanité que l'on sait ; Nietzsche, la brute aux moustaches blondes ; Freud, l'anti-Moïse libidinal ; Heidegger, le génocideur parlant grec ; Céline, le vociférateur abject ; Genet, le pédé ami des terroristes ; Henry Miller, le misogyne sénile ; Georges Bataille, l'extatique pornographique à tendance fascite ; Antonin Artaud l'antisocial frénétique ; Claudel, l'ignoble tank catholique ; Sartre, le bénisseur des goulags ; Aragon, le faux hétérosexuel, chantre du KGB ; Ezra Pound, le traître à sa patrie, mussolinien chinois ; Hemingway, le machiste tueur d'animaux ; Faulkner, le négier alcoolique ; Nabokov, l'aristocrate pédophile papillonnaire ; Voltaire, le hideux sourire de la raison, dénigreur de la Bible et du Coran, totalitaire en puissance ; Sade, le nazi primordial ; Dostoïevski, l'épileptique nationaliste ; Flaubert, le vieux garçon haïssant le peuple ; Baudelaire, le syphilitique lesbien ; Proust, l'inverti juif intégré ; Drieu la Rochelle, le dandy hitlérien ; Morand, l'ambassadeur collabo, antisémite homophobe ; Shakespeare, l'antisémite de Venise ; Balzac, enfin, le réactionnaire fanatique du trône et de l'autel, etc.
Je n'oublie personne ? Complétez la liste.

Je complète :
Lautréamont, l'incompréhensible auteur de Poésies ; Rimbaud, traître à sa vocation poétique dont les Illuminations restent opaques ; Jarry, l'ennemi de l'humanité en la personne grotesque du Père Ubu ; Breton, l'inquisiteur puritain ; Mauriac, l'hypocrite catholique à tendance homo refoulée ; Swift, un des plus dangereux anarchistes que la terre ait portés ; Poe, l'intelligence diabolique ; Joseph de Maistre, le contre-révolutionnaire absolu ; Gracian, le poison jésuite ; Melville, la monstrueuse baleine ; Lichtenberg, l'effrayant humoriste ; Hölderlin, le prénazi dans sa tour ; Kafka, le pénible annonciateur de catastrophes , Beckett, le désespéré squelettique ; Sévigné, la polygraphe mondaine ; Molière, l'antihumaniste foncier ; Pascal, le parieur halluciné ; Bossuet, le panégyriste intégriste ; Saint-Simon, l'aristocrate fou ; Rousseau, l'atrabilaire abandonnant ses enfants ; Villon, le truand argotique ; Roussel, le cinglé des phrases, La Rochefoucauld, le moraliste amoral ; Stendhal, le Milanais narcissique ; Chateaubriand, le viconte réactionnaire d'outre-tombe, etc. Continuez. " (3)


Alors je continue : Pavese, le suicidaire baroque ; Omar Khàyyàam, l'alcoolique perse ; Debord, le manipulateur invisible ; Novalis, le mystique essoufflé ; Schopenhauer, le pousse au suicide mal coiffé ; Lacan, le fumiste fumeur de cigares tordus ; Schiffter, le mélancolique millionnaire ; Chamfort, le profiteur armé ; Casanova, le violeur vénitien ; Sollers, le mondain bavard ; Wittgenstein, le triste allemand ; Houellebecq, le Goncourt zoophile présidentiel, etc. Continuez !

à suivre
Philippe Chauché

(1) La diététique de Lord Byron / Gabriel Matzneff / La Table Ronde / 1984
(2) Le soulier de satin ( Pour la scène ) / Deuxième partie / Scène IV / Paul Claudel / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard / 1971
(3) Wanted / Un vrai roman / Philippe Sollers / Plon / 2007

mardi 4 janvier 2011

Ainsi va le Temps (36)

Comme Rodin, c'est sur le motif qu'il écrit.



" Marivaux disait que le style a un sexe et qu'on reconnaissait les femmes à une phrase. " (1)



" Sans les nuances, avoir une femme qu'on adore ne serait pas un bonheur, et même serait impossible. (2)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Chamfort / Maximes et pensées / Caractères et anecdotes / Gallimard
(2) Stendhal / De l'amour / Gallimard

lundi 3 janvier 2011

Ainsi va le Temps (35)

L'art ne sera jamais scandaleux.
"... Ce sexe-là n'a rien d'un " bijou ", c'est un monument. Et il est discret comme une tombe. Cette fissure en virgule débouche sur un vagin profond comme le Léthé. Son silence est celui des statues archaïques qui vous fixent d'un sourire dénué de pensée. Mieux, c'est le silence d'une idole des Cyclades. Mieux encore, c'est celui d'une nécropole mégalithique. La cavité au dedans de ce ventre est l'espace intérieur d'un dolmen. Vous avancez entre ces cuisses massives comme entre deux murailles de pierres cyclopéennes. Bientôt l'allée va devenir couverte de monticule de terre. Par-dessus une végétation d'herbe mêlée de broussaille a poussé. Devant vous, à l'endroit où l'allée va devenir souterraine, la paroi de glaise est nue. Une fente ou fissure verticale entre deux renflements de la vulve indique qu'autrefois, et pour d'autres que vous, il y eut une entrée par laquelle sous le tumulus du ventre, dans l'espace qu'entourent les mégalithes, on fit pénétrer le mort. Aujourd'hui la terre a été déblayée, les chairs ont pourri ou ont été mangées par les chiens, les os ont été dissous par l'acidité des eaux, il ne reste qu'une dalle en équilibre sur deux pierres dressées. L'Origine du Monde, c'est ce dolmen. C'est ce monument de silence.C'est une pure allégorie de la Pudeur. " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Le roman de l'Origine / Bernard Teyssèdre / L'Infini / Gallimard / 2007

samedi 1 janvier 2011

Ainsi va le Temps (34)



" Musique : haleine des statues. Peut-être : silence des tableaux. / Toi, langue où les langues s'achèvent. / Toi temps érigé à la verticale des coeurs évanescents. " (1)

Ne vous fiez pas aux apparences, car la mort les ignore.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Chant éloigné / Rainer Maria Rilke / traduc. Jean-Yves Masson / Verdier