lundi 30 avril 2012

L'Un et l'Autre



" ... Que tes pieds sont beaux
dans leurs sandales, fille de noble !
Les contours de tes hanches
sont comme des colliers,
oeuvre des mains d'artistes ;
ton nombril est un calice arrondi
où ne manque que le vin épicé,
ton ventre est un tas de froment
entouré de lis ;
tes deux seins sont comme deux faons,
jumeaux d'une gazelle,
ton cou est comme une tour d'ivoire.. " (1)

" De la tyrannie du Temps,
ô mon coeur, tu désespères,
Sachant que soudainement
surgira l'heure dernière.
Sur cette herbe printanière
prends ton plaisir d'un instant,
Avant que les frondaisons
ne croisent ta poussière. " (2)


Toute pensée religieuse, note-t-il, qui s'éloigne du corps jouissant est une pensée diabolique, le centre même de la prière est la pointe d'un triangle, si elle ne résiste pas au désastre de la mort, elle le rend provisoirement supportable et toute transcendance est une cristallisation qui ne dure que l'instant d'un lever de soleil qu'il nous faut regarder en face, si l'on ne veut pas y perdre la vue.

à suivre

Philippe Chauché


(1) Cantique des Cantiques / Les Cinq Rouleaux / traduc. Edouard Dhorme / La Bible / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard / 1959
(2) Cent un quatrains / Omar Khayyâm / traduc. Gilbert Lazard / Editions Hermes / 1994

jeudi 26 avril 2012

Calle Sierpes


Edouard Manet 1832-1883

" Vous cherchez la calle de Sierpes, celle où existe peut-être encore un bar qui s'appelait Los Corales. A la terrasse, où peut-être à l'intérieur, se réunissait presque tous les jours Juan Belmonte, Rafael El Gallo et leurs amis. Les passants s'arrêtaient pour les voir, les petits toreros cherchaient à leur parler. Vous l'avez lu, et vous avez tellement imaginé cette scène qu'il vous semble parfois l'avoir vraiment vaincue. El Gallo, la calvitie brillante, un foulard de soie blanche noué autour du cou, n'arrête pas de boire des petits cafés noirs et de fumer des Havanes. Juan Belmonte est immobile, il ne parle pas, il écoute et regarde en l'air, la mâchoire pointée vers l'énorme tête de toro noir accrochée au mur. " (1)

" Au bout d'une large rue, un groupe de femmes habillées de noir étaient assises à l'ombre sur le pas de leur porte, elle discutaient en s'éventant. Lorsque la voiture de Roberto est arrivée à leur hauteur, elles se sont poussées du coude et on cessé de parler puis elles se sont signées en baissant la tête. L'une d'elles a même embrassé une médaille qu'elle portait autour du cou.
A notre tour, quand nous sommes passés à leur hauteur, j'ai observé comment elles faisaient du bout des doigts des petits signes de croix en direction de mon frère qu'elles ne quittaient pas des yeux... C'est à cet instant précis que la peur a repris en moi toute sa place. " (1)





Dès la première fois peut-être, écrit-il, ce sont les plus silencieux qui l'ont touché, ceux qui n'ont jamais été aussi seuls que là, dans le cercle ocre, ceux qui se gardent de tout laisser-aller, de tout effet de percale, dans le saisissement invisible de la terreur qui glace les poignets, pensant à l'instant du premier pas dans le sable qu'il s'agissait du dernier, et que finalement, ajoute-t-il, tout cela n'avait que peu d'importance, mais que là comme ailleurs, il convenait de ne jamais déroger à ce qui fondait cette passion inutile et glorieuse, le grand style, comme on le dit du siècle des penseurs, et ce grand style devait se fondre comme une ombre dans la nuit, et dont parfois on ne voit qu'un bras qui  s'allonge pour écrire l'improbable roman du désespoir des hommes de soie.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Le fumeur de souvenirs / Alain Montcoquiol / Verdier / 2012



mercredi 25 avril 2012

Florilèges d'Avril

Antoine Watteau 1684-1721
Il pourrait dire et écrire, d'une femme l'autre.

" Je porte toutes les Indes à la main,
Perles qui, dans un diamant, par rubis,
Prononcent avec dédain une glace sonore,

Et parfois parlent un tyrannique feu
Des éclairs de rire carmin,
Aurores, parure et présomption du ciel. " (1)

" Le soleil retourne à de nouvelles joies,
Le jour apparaît avec des rayons, comme la floraison,
L'ornement de la Nature se révèle à soi dans les coeurs,
Comme se sont élevés chant et mélodies. " (2)

" A la finesse, à la sûreté de jugement avec lesquelles je vois les femmes saisir certains détails, je suis plein d'admiration ; un instant après, je les vois porter au ciel un nigaud, se laisser émouvoir jusqu'aux larmes par un fadeur, peser gravement comme trait de caractère une plate affectation. Je ne puis concevoir tant de niaiseries. Il faut qu'il y ait là quelque loi générale que j'ignore. " (3)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Portrait de Lisi qu'il portait dans une bague / Sonnets amoureux / Francisco de Quevedo / traduc. Frédéric Magne / La Délirante / 1981
(2) Le printemps / Derniers poèmes / Friedrich Hölderlin / traduc. Jean-Pierre Burgart / William Blake and Co. Édit. / 2011
(3) De l'amour / Stendhal / Édition d'Henri Martineau / Le Divan / 1957

samedi 21 avril 2012

Vocare

Photo Günter Rössler


" Il y a pour tout un moment
et un temps pour toute chose sous les cieux :
temps pour enfanter et temps pour mourir ;
temps pour planter et temps pour arracher le plant ;
temps pour tuer et temps pour guérir ;
temps pour abattre et temps pour bâtir ;
temps pour pleurer et temps pour rire ;
temps pour se lamenter et temps de danser ;
temps pour jeter des pierres et temps d'amasser des pierres ;
temps pour embrasser et temps pour s'abstenir d'embrasser ;
temps pour chercher et temps pour perdre ;
temps pour garder et temps pour jeter ;
temps pour déchirer et temps pour coudre ;
temps pour se taire et temps pour parler ;
temps pour aimer et temps pour haïr ;
temps de guerre et temps de paix. " (1)

En bon philosophe de l'absurde, l'Ecclésiaste nous dresse le palindrome de notre vie, note-t-il, il découle du moment  - de la situation dirait Gracian - commence et recommence sans autre surprise que celle de relire à l'envers, ce que l'on a vécu à l'endroit, et inversement, ajoute-t-il, point de raison d'améliorer ce mouvement et nos manières de nous en saisir, il est là, et c'est ainsi, il est un temps, et rien d'autre.

" Si les humains ne voient pas que " ce qui est arrivé arrivera encore ", c'est parce que ce qui vient juste d'apparaître n'est pas assez vieux pour se révéler n'être qu'une redite. L'homme de foi crédite Dieu d'un talent d'improvisateur. En proie à l'ennui, l'Ecclésiaste ne Lui reconnaît que le génie de la rengaine. " (2)

à suivre

Philippe Chauché

(1) L'Ecclésiaste / La Bible / L'ancien testament / traduc. Antoine Guillaumont / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard / 1959
(2) Le prophète de l'à-quoi-bon / Frédéric Schiffter / Philosophie Magazine / Avril 2012

mardi 17 avril 2012

La Belle Rivière


" Quand je viens dans la prairie
Quand je viens dans les champs, maintenant,
Je suis encore l'apprivoisé, docile,
Comme épargné par les épines,
Mon vêtement s'agite aux vents,
Comme l'esprit en moi joyeusement demande
Où se tient la profonde vie
Jusqu'aux jours de délivrance.

O devant cette douce image
Où les arbres verts se dressent,
Comme devant l'enseigne d'une auberge
Je peux à peine passer mon chemin.
Car le repos au jour tranquille
Semble très bien prescrit pour moi,
Là-dessus tu ne dois rien demander
S'il faut que je te réponde.

Mais du côté de la belle rivière
Je cherche une promenade
Qui, ainsi que dans une chambre,
Se glisse à travers la berge sauvage et creuse,
Où la passerelle va de l'autre côté,
Cela mène à la belle forêt, là-haut,
Où le vent souffle autour de la passerelle
L'oeil regard joyeusement.

Au sommet de la colline, là-haut,
Je suis assis mainte après-midi
Quand le vent siffle autour des cimes
Aux coups de cloche de la tour,
Et la contemplation donne au coeur
L'apaisement, quelle que soit l'image,
Et l'accalmie aux douleurs,
Qui accorde raison et ruse.

Gracieux paysage ! où la route
Au milieu va, très égale,
Où la lune monte, la pâle,
Quand le vent du soir se lève,
Où la Nature est très simple,
Où les montagnes se dressent, grandioses,
Je rentre enfin chez moi, ayant maison,
Là-bas pour veiller au vin d'or. " (1)




Le corps parfois se donne au verbe, comme le verbe soutient le corps qui tombe.

à suivre

Philippe Chauché


(1) La Vie Gaie / Derniers poèmes / Friedrich Hölderlin / traduc. Jean-Pierre Burgart / William Blake and Co. Éditeur / 2011

Espagnes 2

Photo François Delebecque
" Séville enterre la nuit et le froid, gorge de sève les orangers de ses places dont les fleurs vous enveloppent d'une mousse parfumée lorsqu'on passe sous les branches basses, dore les citrons de ses patios. Parfois, le vent froid qui souffle de Matalascanas réussit à franchir les collines de l'Aljarafe, à quelques kilomètres, mais il ne s'agit que d'un malentendu. Dans quelques jours, ce sera la Feria et les mêmes qui piétinaient, dans leurs suaires, cierge au poing ou croix sur l'épaule, fouetteront allègrement les chevaux entraînant sur le sable la masse noire du toro immolé. Les mêmes danseront " por sevillanas " a lieu d'écouter des saetas et se saouleront de jerez. Le Frère se transformera en torero et pénitent en aficionado. Les vierges piqueront des peignes de couleur dans leurs cheveux et les toros qui courent en soufflant - vrroumpf ! - le long des barrières, se plantent au milieu de l'arène, majestueux comme ceux que la publicité du cognac " Osborne " qui découpent leur silhouette de bois sur les collines ; et le soleil invaincu descend du ciel et doucement s'inscrit entre les deux cornes dressées. Torquemada-apoderado, qui s'y connaît, murmure a matador qu'il peut avoir confiance : le dieu est un bon toro qui prendra bravement sur lui tous les péchés du monde. " (1)

Les éclats de Séville offrent au Printemps, note-t-il, ses premières notes solaires - l'été n'est pas loin -, les belles sévillanes toujours aussi lumineuses s'accordent au regard de l'Oisif amusé qui n'attend rien d'autre que cela : un regard, une liberté libre, une musique, un faenon, si " dieu le veut " !

à suivre

Philippe Chauché

(1) Sévillanes / Jean Cau / Julliard / 1987

lundi 16 avril 2012

Espagnes

" Les yeux des moines semblent contempler le pain. Ils sont ailleurs. Le peintre, s'il a eu le génie de mettre dans leur regard l'invisible lumière du ciel, a eu aussi celui de tout voir, de tout disposer sur la table et de travailler jusqu'au plus mince détail la collerette et les dentelles du surplis. Et il le fait avec un appétit charnel. Zurbaran amoureux des objets, Zurbaran frère de Cézanne. Les yeux au ciel, Saints de Zurbaran, à quoi pensez-vous ? Est-ce bien au ciel ? Ou à vos tristes péchés. Le ciel ne vous rendrait pas aussi tristes. Le mal est dans votre regard, de troubles sentiments vous sortent par les yeux. Celui qui vous a peints aimait les choses de la vie. Le lui reprochez-vous ? Pas de distraction dans les saints portraits du Greco. On est au-delà du péché, au-delà de la mort. Espagne, quand tu es grande, pourquoi  regardes-tu toujours du côté de la mort ? Pourquoi te mêles-tu de regarder la mort en face ?... Zurbaran couleur de cendre, toute l'Espagne est grise. " (1)


" Si celui qui doit vous peindre doit vous voir,
Et ne peut sans s'aveugler vous regarder,
Qui sera assez puissant pour votre portrait faire
Sans vous ni ses yeux blesser ?

En neige et roses j'ai voulu vous fleurir ;
Mais c'eût été honorer les roses et vous outrager ;
Deux étoiles pour les yeux j'ai voulu vous donner ;
Mais quand jamais les étoiles en ont-elles rêvé ?

J'ai connu l'impossible dans cette esquisse ;
Mais votre miroir à votre propre éclat
Assurera le succès dans son reflet.

Il pourra vous représenter sans lumière fausse,
Puisque vous êtes de vous-même, dans le miroir,
Original, peintre, pinceau et copie. " (2)


" Ma vierge m’accompagne, et ils l’ignorent. Elle est invisible. Ma fée aux cheveux de feu éclate de rire dans sa jouissance. Il ne faut jamais trop en dire, être là, sans y être vraiment, être  présent dans son corps et si loin dans ses rêves. Je suis ainsi. Rien ne peut leur arriver, rien ne peut m’arriver, rien ne peut arriver à sainte Véronique. Nous nous protégeons. Nous avons un accord secret qui nous lie à la lumière et à la chair, et c’est vérifiable ici en plein soleil, à Madrid. Vérifiable aussi dans les villes où je m’installe quelques jours, dans les rues, celle des tisserands où une fée m'accueille dans son bateau transparent, sur cette île déserte où elle lit des passages d'Augustin, douce voix que prolonge ma main  et sa jambe,  sur les plages, les pieds dans l’eau, pantalon retroussé,  livre à la main à Sanlucar, la volupté grise nous embrase. "


à suivre

Philippe Chauché

(1) La Fête d'Avril / Mario Bois / Editions BMB / 1978
(2) Sonnets amoureux / Francisco de Quevedo / traduc. Frédéric Magne / La Délirante / 1981

dimanche 15 avril 2012

L'Oisif Amusé

" Une bonne discussion ne se trouve pas sur commande. Les humeurs doivent d'abord s'accorder en une sorte d'ouverture ou de prologue ; l'heure, la compagnie et les circonstances doivent être adaptées ; puis, au moment propice, le sujet, proie de deux esprits échauffés, doit bondir comme un cerf lors du couvert. " (1)


Il y a note-t-il, des heures pour les duels et des heures pour la parole, il y a des heures pour aimer, et des heures pour écrire, des heures oisives qui se glissent sur la glace du Lac de l'agitation sociale, il ne s'appuie que sur la situation pour en décider.
Les situations ajoute-t-il c'est comme les vagues, on peut les laisser passer ou essayer d'en jouer, mais il est serait vain de les ignorer quand elles bondissent dans son imaginaire d'oisif amusé.



à suivre

Philippe Chauché


(1) Une apologie des oisifs / Robert Louis Stevenson / traduc. Laili Dor et Mélissande Fitzsimons / Allia / 2011

samedi 14 avril 2012

Florilège 6





" Je lis des listes
Les oeuvres complètes de Mozart de Berlioz
Je lis mes lignes de la main
Mes cheveux blancs
Dans le miroir de l'ascenseur
Je lis mes ongles de pied
Je lis tes doigts de fée
Je lis Watteau quand je prends la douche
Je lis le tapis et par dessous
Le plancher peint en blanc
La planisphère le plan du métro
Les cartes Michelin jusqu'à Sidi Ifni
Le lustre éteint de Sainte-Suzanne
Je lis mon blouson noir
Mes souliers noirs achetés à Barcelone
Je lis les collections de timbres-poste
L'écran blanc du cinéma de mon enfance
Je lis les hirondelles du toit
La corbeille en carton du chat
Je lis l'arc-en-ciel et sa préface
Je lis et je relis
Tout ce qui va tout ce qui vient
Je lirai jusqu'à ma mort
En souriant à ce qui n'est pas encore écrit. Écrit. " (1)

C'est dans le lieu du lit qu'il lit :

"J'écoute
Picasso
Matisse
Rodin
Le silence de Joyce et les saisissements de La Rochefoucault


Je lis dans le bleu du ciel
Les naturelles de Manzanares
Les suites de Bach


J'écris dans l'enchantement des fleurs
Les éclats du Temps
Les raisons du vent."


à suivre

Philippe Chauché



(1) Alain Jouffroy / Éloge du viveur / L'Infini / 118 / Gallimard

jeudi 12 avril 2012

L'Oisif Attentif 2

Kano Motonobu 1476-1559


" Je suis parti
Dans mon rêve un fleuve
La voie lactée. "
Sôseki

à suivre

Philippe Chauché

mercredi 11 avril 2012

L'Oisif Attentif


" Premier rêve de l'année
Je t'ai gardé secret
Seul, j'ai souri. " (1)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Shôu / Fourmis sans ombre / traduc. Maurice Coyaud / Phébus libretto / 1978

dimanche 8 avril 2012

Dans son Viseur


S'appliquer à ne point désespérer du Printemps, en faire un simple "passe temps", fenêtre entrouverte sur l'Été, et ses faïences transparentes, les yeux qui se transportent dans l'espace quadrillé d'une fenêtre qui s'ouvre sur les toits de la ville, loin de la rumeur, il lit, retourné dans le saisissement d'un certain mouvement incertain :

" Trait d'âme
                      Sort d'âme
Mort du trop d'or
Roman d'amour d'amours
Mourir de vivre
Non de mort, oubli des chagrins.
Excès d'instants
Paraclet immédiat
Paradis sans infini unique
Clôture d'enfer
Lampes de poche derrière le divan
Signaux codés
Même bâclés
Éviter tout espionnage
Chasser les survivants des âges
Hâtez-vous c'est la débâcle
S.O.S. appelle les os morts
A se réveiller
Par un saut
Hors d'éternité
                 Ici. Jamais en dehors
Mangez. Buvez. Parlez d'or. " (1)





Il lit et se laisse regarder par Jackson Pollock, vérifiant une nouvelle fois, que c'est bien la peinture qui nous regarde, et non notre regard qui s'y emploie, toute une traversée oblique du Printemps, de ses griffures, du mouvement permanent de la toile, elle ne cesse de bouger en le regardant note-t-il :

" Je veux être le fabricant de nouveaux signes à partir de mon mouvement intérieur. " déclarait Malevitch. Pollock, plus que quiconque, peint cet "espace" ni intérieur ni extérieur, trouvant ainsi le signe (au travers de l'image) du corps "pneumatique", corps sublime dont rêvaient les gnostiques... " (2)


Un dessin - sublime - une photo - inoubliable - deux hérétiques aux lumineuses croyances, deux religieux flamboyants,  le corps ici n'est pas à vendre, il ne souffre pas, il n'est point de ce siècle bavard et obscène, alors que la moraline n'a jamais cessé pour l'un et l'autre de multiplier mensonges et accusations, d'évidence, Rodin et Joyce, double élévation lumineuse, que les aveugles ne sont pas prêts de voir, et qui ne seront jamais vus par eux.




Reprendre enfin, mot à mot tous les livres de Marcelin Pleynet, cette étendue musicale qui s'accorde si bien avec le bleu du ciel, ne pas désespérer du Printemps et attendre en silence l'Été, dans le vide rayonnant d'une phrase :

" Ma vie comme un roman dont la circonférence est partout et le centre nulle part... " (3)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Alain Jouffroy / Eloge du Viveur / L'Infini / 118 / Printemps 2012 / Gallimard
(2) La Voie lactée de Jackson Pollock / Julia Kristeva / d°
(3) L'Étendue Musicale / Marcelin Pleynet / d°

vendredi 6 avril 2012

Vacare



Wen Cheng-ming
" Quelqu'un s'adressa au philosophe Lie tseu et lui demanda : " Pourquoi tenez-vous le vide en si grande estime ? " Lie tseu répondit : " Le vide n'a que faire de l'estime. Si l'on veut être sans nom, rien ne vaut le silence, rien ne vaut le vide. Par le silence et le vide, on atteint ses demeures. Mais celui qui prend, celui qui donne perd ses demeures. Quand les choses de ce monde se gâtent, il y a des gens qui s'évertuent à vouloir les réparer au moyen de la vertu et des devoirs, mais bien en vain ! " (1)

Miser sur le vide, note-t-il, c'est s'attacher au mouvement invisible du Temps, et par là-même à celui des corps, il aime, ajoute-t-il, confronter le sien au vide absolu, autrement dit à sa liberté profonde - vacare - silencieuse, donc riche en devenir. Devenant vide, je suis libre, pense-t-il, devenant libre, je me vide.

 




à suivre

Philippe Chauché

(1) Lie-tseu / Le vrai clasique du vide parfait / traduc. Benedykt Grympas / Conaissance de l'Orient / Gallimard / Unesco / 1961


mardi 3 avril 2012

Mes Cavales



" Les cavales qui m'emportent m'ont conduit aussi loin que mon cœur pouvait le désirer, puisqu'elles m'ont entraîné sur la route abondante en révélations de la divinité, qui, franchissant toutes cités, porte l'homme qui sait. C'est par cette route que j'ai été porté ; car c'est sur elle que m'ont conduit les très prudentes cavales qui tiraient mon char, et des jeunes filles montraient la route.
Et l'axe brûlant dans les moyeux jetaient le cri strident de la flûte - il était pressé de chaque côté par les deux roues rondes - quand les Filles du Soleil, ayant laissé derrière elles les demeures de la nuit, se hâtaient de courir à la lumière, rejetant de leurs mains les voiles qui couvrent leurs têtes. " (1)

N'hésitez point jeune homme, pense-t-il, à suivre ces jeunes filles légères et un peu sauvages, ne doutez point que si ce n'est à la mort qu'elles vous conduiront, ce sera sur des côtes maritimes où naufrageront vos pauvres idées, ainsi dépouillé, vous pourrez alors les contempler et qui sait, les aimer.

à suivre
Philippe Chauché 


(1) Le poème / Parménide / traduc. Jean Beaufret / PUF / 1986