mercredi 8 juillet 2015

L'aventure de la poésie dans La Cause Littéraire







« et la mer fait à la terre un collier de silence, / la humant la paix sacrificielle / où s’enchevêtrent nos râles, immobile avec / d’étranges perles et de muets mûrissements / d’abysse… », Aimé Césaire.

Cette collection est une réjouissante aventure littéraire, née en mars 1966 sous la protection avisée de Robert Carlier (éditeur et amateur de dictionnaires) et d’Alain Jouffroy (poète, romancier, essayiste, scénariste et parfois comédien) et dirigée aujourd’hui par André Velter (éditeur précieux, écrivain voyageur et poète taurin). A son programme : des anthologies (La poésie lyrique du XII° et XIII° siècle, Le poème court japonais, Les Poètes du Tango), des éditions bilingues (La Comédie de Dante), ou encore des poètes par des écrivains (Machado avec Esteban, Claudel par Grosjean, Novarina dans l’oreille de Sollers). Cette Petite bibliothèque de Poésie contemporaine est un nouvel opus de cette encyclopédie en mouvement permanent. Une incursion légère, non dans l’essentiel de la poésie vivante, mais dans quelques éclats lumineusement mis en lumière par les éditeurs.


Douze petits livres, légers, graves, rigoureux, souples, solaires, orageux, désespérés, révoltés, qui se jouent des genres et des idées reçues qui sont irrecevables – la poésie est fanée, morte ou illisible – et affirment par principes la force du mot, la nécessité de la phrase, la permanence du réel et la grâce de l’imaginaire. Guère plus d’une cinquantaine de pages pour une brève immersion dans des textes de douze auteurs, qui prennent là de la hauteur, d’Armand Robin : le premier siècle je fus bruyère, ajonc, genêt, églantier blanc ; de Ghérasim Luca : peau fine / paupière finale / fœtale / fatale / philosophale ; ou encore Henri Pichette : je dis le sang des vignes vieillissant.

« Parler, presque chanter, avoir rêvé / De plus même que la musique, puis se taire / Comme l’enfant qu’envahit le chagrin / Et qui se mord la lèvre, et se détourne », Yves Bonnefoy.
« Je bâtis ma demeure / sur l’écho aux pinceaux de nacre / et la rétine des halos éblouis », Edmond Jabès.


Regards sur deux poètes et pas des moindres qui habitent cette Petite bibliothèque – ce Tour de la Poésie en 12 Mondes, pour paraphraser Julio Cortázar et Jules Verne – Yves Bonnefoy et Edmond Jabès. Un juif égyptien qui a préféré bâtir sa demeure sur du sable, et un compagnon des surréalistes qui privilégie une approche poétique du réel. Tous les deux prennent très au sérieux la poésie. Ils savent ce qui fait la force et parfois la douleur de l’agencement magique des mots et des phrases. Ils ne se détournent jamais du savoir des pierres et des verbes, des plantes et des ombres portées, des regards et des mots rares qui résonnent dans leurs verbes élancés – Ils gravaient le grain dans l’haleine du vent / de la solitude – (E.J.) – Et le rossignol chante une fois encore / Avant que notre rêve ne nous prenne – (Y.B.). Ils affirment là, toute la fulgurante beauté du ballet des mots qui dansent entre eux et pour eux.

« Je m’alimente d’un feu de pierres / je renonce / il y a une main / tendue / dans l’air / tu la regardes  / comme si tu la tenais de moi », André du Bouchet.
« Je me plais à la neige, à la grêle, au tonnerre, / Je ne méprise rien qui concoure à la terre », Henri Pichette.

Trois écarts, trois éclats : Jaccottet, Pichette, du Bouchet, qu’il est heureux de voir ici figurer, trois manières de vagabonder. Trois belles manières de se laisser surprendre et saisir par la poésie, ce ressac, cet orage, cette éclaircie, cette note tenue et parfois ténue, cette deuxième peau, ce troisième œil, cette flamme leste, ce geste, cette geste, tout un monde en quelques phrases, tout une phrase qui n’en finit jamais.

« Cette lumière de fin d’été, / si elle n’était que l’ombre d’une autre, / éblouissante / j’en serais presque moins surpris », Philippe Jaccottet.

Philippe Chauché 


http://www.lacauselitteraire.fr/petite-bibliotheque-de-poesie-contemporaine

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