samedi 30 janvier 2016

Le Saint-Simon d'Olivier Baumont dans La Cause Littéraire



« Saint-Simon sut écouter son temps, et s’il ne fit peut-être qu’en entendre la musique, il eut soin cependant de tout mémoriser. Les échos musicaux qui nous parviennent aujourd’hui sont magnifiés par son génie littéraire ; ils ne laissent d’être passionnants, surprenants, et riches de perceptions nouvelles tant sur la période que sur l’auteur lui-même ».
 
L’écrivain des Mémoires danse et écoute. Le mémorialiste de la Cour se fie tout autant à sa mémoire qu’à son corps. Il écrit comme l’on danse à Versailles – Savoir danser chez le roi, c’était savoir y vivre. Olivier Baumont le lit en admirateur de son siècle et de son art, et le traduit en musicien. Saint-Simon a toujours une oreille aux aguets et une main prête à saisir ce qu’il entend et ce qu’il voit, à la volée dirions-nous, comme un compositeur. Il se glisse au centre de ces divertissements qui font le sel de la Cour, où l’on doit être vu, où se jouent des parties d’échecs invisibles, où se nouent des conquêtes, où se règlent des comptes. Saint-Simon qui n’est jamais dupe de rien, sait les avantages et les risques d’être au cœur du volcan, au centre tellurique du pouvoir, ses Mémoires en prolongent l’écho. Il faudra pour ce livre d’Histoire et d’histoires miser sur l’esquive, mais aussi les sauts et les bonds, tout en gardant l’oreille éveillée et la plume accordée.
 
« Danser était montrer à tous que l’on est vivant, que l’on était à sa juste place, que l’on tenait son rang, et que l’on défiait guerres, maladies, soucis et tracas ».
 
 
 
« Un jour même, le Roi voulut que tout ce qui étoit à Marly de plus grave et de plus âgé se trouvât au bal, et masqué, hommes et femmes ; et lui-même, pour ôter toute exception et tout embarras, y vient, et y demeura toujours avec une robe de gaze par-dessus l’habit ; mais cette légèreté de mascarade ne fut que pour lui seul, le déguisement entier n’eut d’exception pour personne ».
L’écrivain passe d’un siècle à l’autre, du Grand Siècle à celui des Lumières, d’un bal à l’opéra, d’une messe à Versailles à Notre-Dame d’Atocha avec force tambours, il collectionne des partitions, il écoute ces timbales sonnantes, il note et ne cesse de noter tout ce qu’il voit de son siècle sans se douter qu’il ne cessera d’être lu et relu, par Chateaubriand, Stendhal et Proust – l’auteur consacre dans son Final quelques lignes au Pastiche Dans les Mémoires de Saint-Simon, mais aussi Philippe Sollers, qui ne manque jamais d’en faire un Héros et qui aujourd’hui publie cet Opéra. Saint-Simon musicien ? Saint-Simon amateur au diapason des musiques qu’il croise et qu’il entend ? Olivier Beaumont répond aux questions qu’il se pose, en cadence, comme le Mémorialiste. Le danseur de la cour est familier dans branles, menuets et contredanse, il a assisté à l’opéra d’Issé qu’il juge fort beau et très bien joué, il a encore dans l’oreille les musiques des musiciens du roi à la Chapelle, et les mots de la musique deviennent sous sa plume de justes métaphores – le bruit de leur canon étoit une musique piquante à entendre. Saint-Simon sait que la cour est un théâtre permanent, il en va de même des affaires du Monde, l’écrire c’est le dévoiler, alors il l’écrit. Sa plume, si elle sait être acide, se coule aussi dans l’encre de la douleur, il voit comme personne et saisit comme d’aucuns une perte qui s’annonce : (à propos de la duchesse de Bourgogne) Avec elle s’éclipsèrent joie, plaisirs, amusements mêmes, et toutes espèces de grâces. Les ténèbres couvrirent toute la surface de la cour.
 
« Cette belle moisson dans les Mémoires est principalement un corpus avec musique plutôt qu’un corpus de musique. Là n’est pas son moindre intérêt : peu d’auteurs peuvent en apprendre autant sur les conditions dans lesquelles celle-ci était perçue, écoutée, entendue et interprétée, dans les nombreux lieux où elle avait sa place. Saint-Simon ne fait pas que rendre compte, il donne aussi son avis en un constant mélange de bienveillance et de malveillance ».
 
A l’Opéra, monsieur ! est cette belle moisson dans les blés et les chaumes des Mémoires, et Olivier Baumont en lecteur musicien est fidèle à la lettre et aux mots. Il donne à entendre et à voir ce que Saint-Simon a saisi, ce qui l’a troublé, agacé, ce qu’il a ressenti et senti, ce qu’il a esquivé et résumé. Les danses et les chants, les notes et les mots qui ont nourri le récit d’une vie, d’un siècle à la cour, dans les bals et les loges royales. Il nous donne a entendre – et nous invite à lire et à relire les Mémoires sous un nouveau jour, et à entendre de ce siècle : la voix inspirée et splendidement indépendante de l’un de ses auditeurs privilégiés.
 
Philippe Chauché
 
 
 

dimanche 24 janvier 2016

Pascale Petit dans La Cause Littéraire





« comme si d’emblée on connaissait la fin et qu’on faisait semblant de se concentrer sur le comment le pourquoi
un scénario si impeccablement logique qu’ils n’en ont plus eux-mêmes le véritable usage
aucun mobile »
 
 
Les équations comme les romans recèlent des inconnues, des variables, et le lecteur se doit de tenter de résoudre, de se prêter à ce réjouissant jeu littéraire. Pascale Petit s’emploie tout d’abord à brouiller les règles de la ponctuation, de la composition littéraire, point de virgule, ni de point-virgule, perdus les points qu’ils soient uniques ou de suspension, point de point pour fragmenter le roman, pour le relancer, pour qu’il se pose, qu’il retrouve des forces. Seuls perdurent parfois quelques exclamations ! Cette équation introuvable et inachevée, enquête sur la narration, sur la naissance du roman, sur l’auteur et ses propres équations impossibles, sur ses hésitations, ses doutes, ses rêves et ses envies. Les phrases de cette équation du roman s’allongent comme les vagues d’un dialogue, échange d’associations et de mots que l’on aurait pu entendre dans un film romanesque de Jean-Luc Godard, ou sur la scène d’un théâtre. Un roman dialogué sur le fil du rasoir, sur le fil de la rencontre amoureuse, de l’image, de la perte et du saisissement.
 
« un sac de voyage   un plan de ville    un paquet de cigarettes rouge et blanc    un jeu de cartes    une lettre un livre ouvert à la page tant   comme une page dans une machine à écrire dans un film  on l’arrache   on la lit   on la froisse  comme la photo d’une femme qu’ensuite on défroisse et replace un peu plus loin dans le livre chapitre tant »
 
L’équation du nénuphar est un jeu de piste où les phrases se suivent et se ressemblent parfois, privées de virgules et de points, elles gagnent en légèreté, en espace, comme si elles avaient été écrites pour être lues à haute voix. Comme si l’auteur ne cessait de nous dire : respirez, respirez, respirez quand vous lisez ! Ces phrases esquissent le mouvement circulaire d’un dé que l’on jette et qui roule et tourne sur une page blanche avant de dévoiler son six attendu ou son noir absolu. Cette équation est aussi une histoire d’amour, le rêve d’un film d’amour, celle d’un inconnu qui se dévoile, de phrases qui s’écrivent seules à même la nuit, d’un sourire, d’un silence, des images qui se saisissent des phrases, des mots qui échappent à la routine, une immersion dans l’océan romanesque, comme une chanson qui parle des oiseaux du paradis.
 
« dis-moi que la pierre est toujours dans ta poche   dis-moi ce qu’il y a d’écrit    dis-moi ce qu’il y a d’écrit  dis-moi ce qu’il y a d’écrit au dos des images  parle-moi parle-moi parle-moi dans le dos   parle-moi des oiseaux et de la rose de cayambe  ne me dis pas qu’on ne peut pas passer d’un visage à l’autre  d’un corps à l’autre »
 
L’équation du nénuphar a l’ampleur d’une odyssée, la force d’une adresse, elle se déroule comme un manuscrit ancien, d’où jaillissent des voix qui se répondent, roman nouveau, comme on le dit d’un vin jeune qui déploie ses arômes dans un beau verre en cristal et qui porte en lui les traces des milliers de vins déjà tirés, des millions de grappes de raisins foulées, il en va ainsi de l’art du roman. Pascale Petit pèse ses mots et ses phrases comme s’il s’agissait de poudre d’or, et les assemble avec la précision d’un joaillier, et son équation les met en lumière.

Philippe Chauché

http://www.lacauselitteraire.fr/l-equation-du-nenuphar-pascale-petit




jeudi 21 janvier 2016

Dictionnaire amoureux de la Tauromachie : Magnan (Jean-Marie)

Jean-Marie Magnan

Jean-Marie Magnan, Lucien Clergue et El Cordobès


Ecrire le Roman de la Corrida, comme celui de Jean Genet, de Picasso, de Cocteau, croiser Paco Ojeda et Michel Tournier, se glisser dans des arènes, comme l'on se faufile dans un roman, c'est tout l'art de Jean-Marie Magnan. Il a tant de vu de toreros et de toros, qu'il pourrait entrer à l'Académie du Ruedo si elle existait. Il tant entendu, tant écouté, tant admiré, tant craint lorsqu'une corne s'aventure au plus près du fil de la vie, qu'il en a fait un Roman, une aventure céleste : " Avec Atrevido (audacieux), mythique taureau blanc d'Osborne, l'incarnation fut complète et sa ville se rendit à lui. Madrid avait perçu le raffinement de sa manière, son charme mélancolique et vulnérable, sujet à éclipses. Reste que, cette fois encore, son départ silencieux resta inaperçu. " (Antonio Chenel Albaladejo Antoñete)
 
Philippe Chauché
 
 

dimanche 17 janvier 2016

Dictionnaire amoureux de la Tauromachie : Zumbiehl (François)

François Zumbiehl


 
La diplomatie s'applique aussi à la tauromachie. François Zumbiehl, le plus madrilène des français qui l'a exercée notamment en Espagne, a su mettre son savoir au cœur de sa passion : faire parler les toreros et surtout les écouter - Des taureaux dans la tête -. Il voit sa première vraie course à Bayonne en 1956, sur le sable de Lachepaillet : " Aparicio - visage impassible avec je ne sais quoi de vulnérable, peut-être à cause de ses paupières lourdes et de son nez aplati comme celui d'un boxeur - ; Litri, au costume de pénitence (violet "nazaréen" et or), faisant virevolter la mase noire, tandis que son regard était dans les nuages ; Antonete, dont la figure un peu molle était cependant tendue par la concentration. " (Taurines)
Il reste de ce qu'il a vu, des livres, traces de ses tauromachies décomposées. Il écrit sous l'inspiration d'une saeta flamenca, au plus près du doute, du drame et parfois du triomphe, au cœur d'un battement, d'une respiration, d'un silence, comme les toreros on le rassure des barrières, on lui souffle le mot, la phrase, une métaphore :  bien, bien torero !
 
Philippe Chauché

samedi 16 janvier 2016

Blaise Pascal dans La Cause Littéraire





« En l’absence de son père et ignorant des secrets, Blaise trace ses triangles et ses cercles à la craie sur le sol, assis pendant des heures sur le carrelage de la salle à manger devenu pour lui une immense ardoise de calcul ».
Cette jeunesse est le roman d’un génie, l’enfance romanesque d’une aventure qui va transformer le monde, ou, pour le moins, le regard que ses contemporains et leurs descendants vont porter sur lui. Ce roman est celui de l’enfance d’une pensée en mouvement – un trait continu (…) efficace et incontestable – qui va très vite sauter aux yeux de son père et de ses amis mathématiciens. Cette jeunesse est l’enfance d’un mouvement, le geste ample de Blaise Pascal, qu’éclairent les phrases souples, vives et élégantes de Marc Pautrel. Cette jeunesse est aussi celle de l’absence, de la perte, d’un trouble profond, Baise Pascal ne cessera de se demander où se trouve sa mère, pourquoi est-elle morte, quel mal l’a traversée et terrassée, pourquoi n’était-il pas là pour la sauver. Cette douleur habitera sa jeunesse, comme celles qui ne cesseront de l’assaillir, jusqu’à la dernière qui fécondera ses Pensées.
« Parce qu’il a lui-même un corps en lambeaux, qui certains jours le porte et d’autres jours l’entrave, Pascal pense que tous ceux qu’il côtoie sont dotés d’une force supérieure et sont indestructibles ».
Le jeune Blaise Pascal dessine, il projette ses cercles, ses droites et ses angles dans un siècle qui l’attendait. Il conçoit et fait fabriquer la pascaline, sa machine arithmétique qui a libéré son père du poids des calculs quotidiens. Il expérimente et fait expérimenter ses théories, le vide le passionne, il ne cesse de vérifier ses gestes d’enfant surdoué, de prouver qu’il est un génie, et son nom résonnera de mille éclats dans les bulletins de la météo marine, de pascal en hectopascal – son nom devient alors aventure marine. De mathématicien il se fera philosophe, penseur, écrivain, maître de sa langue, celle du 17° siècle, il fixa la langue que parlèrent Bossuet et Racine*.
« Les flammes lui ouvriront la voie, des formes particulières de lumière, un brasier délicieux envahira son être, et pendant deux heures qui sembleront deux ans ce feu habitera son crâne ».
Cette jeunesse est un roman qui met à nu les secrets du mathématicien et du moraliste, comme il l’avait fait avec Ozu, Marc Pautrel s’y livre ici avec justesse, finesse et précision. Il dessine ce visage, ces mains, ce corps, ces pensées en ébullition avec cet art du trait et de l’esquisse, l’art du trait est ici l’art du roman. Les faits commandent la plume. Les faits et les situations font de cette jeunesse un roman de l’épure, de la vision, de la passion et de la langue. Elle va jaillir dans son infaillibilité avec l’accident que l’on connaît, cette suspension dans l’espace, pendu par les pieds Blaise Pascal est saisi par une autre révolution – un Feu –, elle ne sera pas mathématique cette fois, mais théologique et philosophique, et sa portée sera tout aussi exceptionnelle.
« Pascal écrit, il note à grande vitesse tout ce qu’il vient de voir, très exactement ce qu’il a vécu, les versets de la Bible, Feu, la langue vivante, le fleuve des mots français, éternellement en joie pour un jour d’exercice sur la terre, il n’y a rien d’autre à ajouter ».
Philippe Chauché
* François-René de Chateaubriand

samedi 9 janvier 2016

Thomas Vinau dans La Cause Littéraire


« Nuits rouges. Murs bleus de glace. Le sol est une peau, je n’ai pas froid. Un homme me souffle une fumée épaisse sur le front et la poitrine. Il frôle ma bouche et mon ventre avec ses doigts dans le geste de chasser une mouche » : Blanc.
 
« Ce jour-là, à cet instant, le jour ne ressemblait pas à un compte à rebours. Ce jour-là, à cet instant, Cioran n’écrivait rien » : Bleu de travail.
 
« Les jeunes martinets redescendent en piqué vers le champ de luzerne. Leur vol est encore approximatif, deux ou trois moniteurs expérimentés piaillent les recommandations de route. Leurs cris sont comme des clous dans le ciel » : Autre chose.
 
Il faut toujours prendre au sérieux et avec le sourire les petits livres de Thomas Vinau. A chaque nouvelle parution, il nous invite à un Tour du jour en 80 mondes – les livres sont des mondes qui éclairent ou assombrissent le Monde. Il écrit toujours avec un temps d’avance, question de rythme, de la lune au soleil de midi, des étoiles à la terre – d’un pays où la lumière marche sur les murs –, sur un tempo renversant, comme chez Julio Cortázar. Les romans de Thomas Vinau sont des fils qui se tissent de page en page, il faut les tirer un à un, pour en découvrir la trame subtile, le drame intérieur, la fureur, la stupeur, la révolte – Tous ceux qui cassent les murs m’intéressent. Que ce soit au marteau-piqueur ou à la cuillère*. L’écrivain est un tisseur d’histoires – Mes yeux m’affûtent en grisaille –, un diseur d’aventures, un lieur de couleurs, du bleu du ciel au gris du monde. Un air frais et vif souffle sur ses romans.





« Manger nos bravoures sans éclats. Nos petits pains. Nos petits matins. Mordre dans l’eau froide du temps qui passe. Laper l’onde glacée » : Bleu de travail.
 
« Je fais quelques pas. L’immensité et la densité de la blancheur m’aveuglent » : Blanc.
 
« La nuit fut assourdissante. Des rêves remplis d’explosions. De fusées cinglantes. De cratères. De sang et de lymphe. Toutes les aubes sont des carnages » : Autre chose.


Il faut toujours être sur ses gardes lorsque l’on lit un livre de Thomas Vinau, c’est d’autant plus vrai avec ces trois derniers, BlancBleu de travail et Autre chose, le temps de quitter sa lecture du regard, et de nouvelles péripéties s’installent.

Blanc est une nouvelle glacée et glaciale, une traversée sanguine où le corps du narrateur s’enneige et frissonne. Blanc est un rêve qui saigne, habité par le Grand Nord et les chiens, un cauchemar où tout est blanc, chaque phrase coupante comme du cristal. C’est vif, net et brillant, effrayant par instants, un rêve blanc qui retourne le cœur – Je suis pauvre des autres. Je suis vide. Je suis blanc. Je n’ai plus d’histoire.
 
Bleu de travail, c’est l’art du scat, des mots qui sonnent et résonnent, qui se mesurent et s’affrontent, tout un art de bouche à bouche pour dire ce qui se joue et s’écrit sous les yeux de l’écrivain – Je nage entre les nuages. Entre les nuances et les nuisibles. Scrute la tendresse de l’horizon, qui brille, sur la solitude de chaque brindille. Thomas Vinau porte des attentions très particulières à la rosée du matin, aux oiseaux, au(x) ciel(s), aux matins piquants et aux nuits extravagantes. Il ne cesse de donner del’air aux mots. Il joue aux dés, et multiplie avec la chance du talent les double six. Tout est évident chez cet écrivain, en deux phrases, en trois mots, en six points, il embrasse et embrase chaque petite histoire qu’il va déployer et qui vont fonder son roman. Ses personnages, ses témoins aux aguets sontdes lucioles qui grignotent le crépuscule. Thomas Vinau fait tourner les mots dans sa bouche et sur sa feuille, en une valse perpétuelle.

Autre chose, est placé sous la protection de Franz Kafka et Lucien Suel, et sous les yeux du monde, de ce monde qui griffe, gifle, vibre, chante sous son regard plongeant – Le soleil fait scintiller les draps de son lit. La poussière qui danse dans la lumière lui laisse une impression de présence. La nature est toujours à portée de plume – comme chez Francis Ponge – avec ses bruits et ses fourmillements, ses insolences et ses éclats, ses secrets et ses accoutrements, celle qui foisonne et celle des hommes, naturellement humains, ils sont le cœur vibrant de cette narration intime*.
L’écrivain est un colporteur de mots et d’histoires, il se contente parfois d’arpenter son jardin, de vagabonder dans sa maison, à d’autres reprises, la fièvre romanesque l’entraîne sur une place, une colline, un café, sur les bords desrus toniques – la pluie fait souvent des claquettes dans les livres de Tomas Vinau –, dans sa musette une collection de mots simples et rares, de phrases vibrantes et coupantes comme des haïkus, frémissantes comme la queue d’un serpent. Douloureuses, drôles, tendres, surprenantes, fragiles, des histoires à lire et à dire debout en plein vent, sous l’ombrage d’un platane, des histoires légères et tranchantes, soyeuses et rugueuses, tremblantes, à couper le souffle ou à le rendre par instants plus puissant, des histoires de colporteur, de vagabond bondissant.

Philipe Chauché

http://www.lacauselitteraire.fr/trois-livres-de-thomas-vinau-blanc-bleu-de-travail-autre-chose

jeudi 7 janvier 2016

Dictionnaire amoureux de la Tauromochie : Montcouquiol (Alain)

Alain Montcouquiol

Son visage est à jamais lié à celui de son frère Christian, Nimeño, le torero disparu le 25 novembre 1991 après son terrible accident dans les arènes d'Arles où un toro de Miura a fracassé son destin. 
Avant d'accompagner son frère sur la planète des toros, Alain Montcouquiol a lui aussi porté l'épée et la montera. Aujourd'hui,  il écrit avec la même science et la même ferveur, le même doute et la même grâce.
Alain Montcouquiol continue d'accompagner son frère par ses livres - ces anges de sollicitudes -, il y a Recouvre-le de lumière, Le sens de la marche, Le fumeur de souvenirs, il y a des souvenirs qui nourrissent l'imaginaire et des imaginaires qui naissent des souvenirs. 
" La corrida est finie. Le lit est défait, les draps froissés, tous les tiroirs et les portes des armoires sont ouverts, les cendriers sont pleins... il y a du sable sur la moquette à l'endroit où Christian s'est déshabillé, une serviette encore humide pend au robinet du radiateur... il flotte dans la chambre une tiède odeur de lessive : c'est la buée de la douche, l'odeur du shampooing et la fumée du tabac brun mélangées... Aujourd'hui, comme l'a répété Federico en débarrassant la chambre : " La chance n'était pas là. " 

Philippe Chauché 

dimanche 3 janvier 2016

Dictionnnaire amoureux de la Tauromachie : Joselito


Joselito ( José Miguel Arroyo Delgado )


Lorsque l'on se souvient de ses faenas à Nîmes, à Bayonne ou à Dax dans les années 90, on se demande s'il n'a pas toujours été là au cœur des arènes, il faut  dire que ce surnom habite la tauromachie depuis le début de l'ancien siècle, l'âge d'or de la tauromachie qui voyait s'opposer José Gómez Ortega (Joselito) à Juan Belmonte. Dans les années 90, Joselito défilait souvent aux côtés d'Enrique Ponce, deux épures qui se toisent. Il avait cette élégance discrète, ou ce discret savoir qui le rendait inimitable. Un après-midi à Bézier alors que la Présidence invitait la musique à accompagner sa faena, avec la fermeté nécessaire, il demanda le silence, glissant simplement à quelques mots près, que la musique vient de là, du ruedo, du sable,  du toro et de sa muleta. Sa tauromachie était ce silence musical. Récemment il a raconté tout cela dans un petit livre.
 
Philippe Chauché