samedi 28 janvier 2017

Pautrel - Chardin dans La Cause Littéraire

 
 

 
« Chardin sait ce qu’il doit faire, il sait ce qu’il doit peindre. Le travail est long mais la destination très claire. Il y a un autre monde, caché et plus grand que le monde actuel, ce qui est mot n’est pas vraiment mort, les objets, les simples reflets, sont aussi vivants que les plus animés des êtres ».
 
Les livres de Marc Pautrel sont toujours des rencontres au sommet, des rencontres au sommet de la vie, de la pensée et de l’art. Des rencontres physiques, où les corps se livrent entre les lignes. Leur mouvement plaît à l’écrivain, comme il se plaît à les faire vivre. Marc Pautrel se plaît à écrire le mouvement d’une main, d’un regard, d’une idée, d’une pensée, d’une jambe, des corps et des objets, l’éclat d’un fruit, le silence d’un lièvre que l’on pense mort. Il nous livre vases et cruches, fleurs et pêches qu’éclairent les toiles de Chardin. Leur âme s’élève sous le pinceau du peintre des natures mortes, des natures si vivantes, endormies – Still Life –, qui n’attendaient qu’une couleur, une touche, un trait, une phrase pour s’éveiller et qui à nouveau s’éveillent dans la sainte réalité, autrement dit à la vie. Le peintre est au travail, comme l’écrivain, il s’isole, laisse la lumière du printemps flirter avec ses toiles et sa feuille, la main sait ce qu’elle veut, elle est ferme, elle trace ligne à ligne l’aventure d’un peintre d’un temps ancien et finalement très contemporain. La main de l’écrivain est habitée par la même force, sa feuille blanche est une toile en mouvement permanent où se brisent ses phrases, vagues qui se lèvent sous le vent de l’inspiration.
 
« C’est la vie qui choisit pour lui, Chardin n’a presque rien à faire, la peinture s’élit d’elle-même, elle se montre, l’appelle, lui fait signe, il n’a plus qu’à répondre ».
 
La sainte réalité est le roman d’une vie, celle d’un peintre, fils d’un menuisier du Roi, un inconnu qui va séduire les académiciens – un jeteur de sort, une espèce de sorcier pacifique, un saint –, et finir par s’imposer dans le monde. Il s’installe au Louvre – peut-on rêver d’un lieu plus propice à l’invention que la fréquentation quotidienne de ce musée vivant ? – et cumule plusieurs pensions royales, en restant fidèle à sa peinture, à son art unique. Il entre à l’Académie sans être académique, les éloges et la reconnaissance fleurissent sans que jamais il ne perde de vue sa peinture, son art du détail, son geste, son attention à la couleur, et donc à la lumière. Il peint avec la lenteur de l’écrivain, attentif à ses compositions, ses natures endormies, ses fleurs, ses pommes, ses pêches, ses citrons, son gobelet d’argent, le monde s’ouvre sous ses yeux et vit sous son pinceau – Le temps est fugitif, chaque fruit doit être dégusté.
 
« Vous peignez ? Non, j’impressionne ».
« La fidélité est un leurre, seule importe la fidélité sensorielle, la saturation de signes et de couleurs, de formes espacées ou enchevêtrées, d’espaces au-dessus, au-dessous, à droite, à gauche, de déséquilibres successifs et de perspectives faussées et accumulées (…) et que tout penche pour faire pencher aussi le spectateur ».
 
La sainte réalité s’ouvre ainsi, on voit Chardin, et l’on s’imagine entendre Pablo Picasso ou Willem de Kooning, une même fidélité sensorielle. Peindre sans relâche, pour quelques amateurs – Diderot voit Chardin comme personne en son temps –, peindre ce qui s’offre là sur l’instant, ces natures endormies qui n’attendent que son pinceau pour renaître, pour trouver une autre vie dans l’agencement voulu par le peintre. Marc Pautrel décrit cet exercice spirituel – comment l’appeler autrement ? – avec l’œil d’un peintre, éclairant par mille détails ce foisonnement d’objets et de couleurs. Il voit juste et voit tout – la mort qui frappe, le monde qui change –, et nous fait tout voir et donc tout ressentir – fidélité sensorielle. Sous sa main leste, les objets s’assemblent comme ils le faisaient sous l’œil du peintre. Sous son pinceau, naissent des toiles, puis des pastels, des portraits, des natures miraculées, des autoportraits. Le trait est léger, les ombres vivantes, les couleurs incendient le papier – la laque, les cendres d’outre-mer, la terre de Cologne, le stil de grain d’Angleterre –, comme elles incendient le roman.
 
 
Philippe Chauché 
 
 

http://www.lacauselitteraire.fr/la-sainte-realite-vie-de-jean-simeon-chardin-marc-pautrel

samedi 21 janvier 2017

Arnaud Le Guern dans La Cause Littéraire




« L’enfance : figure biographique ennuyeuse. Beigbeder heureusement facilite notre tâche. Il est dans chacun de ses textes. A peine masqué. Il suffit de lire. Reflet déformé, juste ce qu’il faut. Pour tout savoir sur l’enfance de Frédéric Beigbeder, ouvrir Un roman français. Prix Renaudot 2009. Son meilleur livre. Mise en bouche parfaite d’une vie de feu follet ».
 
Voici le livre plus inutile publié ces derniers temps, pourrions-nous écrire en souriant, un livre inutile sur un écrivain qui ne l’est pas moins, pensent les observateurs vigilants et autres critiques littéraires aguerris – les gardiens de la Librairie. Inutile écrivain mondain, corrupteur de jeunes lectrices et de vieux barbons de prix littéraires. Animateur bavard qui sévit sur des chaînes câblées, complice publicitaire de la disparition de la littérature française, amuseur public qui ne fait rire que ses admiratrices corrompues et ses éditeurs lorsqu’ils gagnent de l’argent. Arnaud Le Guern pourrait être son jeune frère caché, amateur de plages et d’espadrilles, admirateur de Brigitte Bardot, de Maurice Ronet et de Paul Gégauff, en un mot, un amuseur, qui prend plaisir à écrire des livres tout aussi éphémères qu’un dessin tracé à la main sur le sable d’une plage basque à marée basse, en attendant que les vagues ne le recouvrent.
 
« De mon enfance ne demeure qu’une seule image : la plage de Cénitz, à Guéthary ; on devine à l’horizon l’Espagne qui se dessine comme un mirage bleu, nimbé de lumière ; ce doit être en 1972 avant la construction de la station d’épuration qui pue, avant que le restaurant et le parking n’encombrent la descente vers la mer » (Un roman français, Grasset).
 
Voilà le livre le plus pétillant publié ces temps derniers, pourrions-nous ajouter. Un livre à lire, une coupe de champagne, un mojito ou une vodka Zubrowka glacée entre les doigts de la main gauche, à lire – il suffit de lire ! – comme l’on feuillette un album souvenir d’écrivains admirés et célébrés – Antoine Blondin, Françoise Sagan, Bernard Franck et Scott Fitzgerald –, que Beigbeder et Le Guern fréquentent depuis longtemps. Des désenchantés talentueux – d’autres s’invitent sur la pointe des pieds dans Beigbeder l’incorrigible –, passionnés de vitesse, d’hôtels de luxe, de jeunes femmes ou de jeunes hommes, de jeux de hasards, d’alcools, d’ennuis et de démesures, histoire de penser que Paris et Guéthary valent bien un roman. Beigbeder l’incorrigible est la biographie d’un feu follet par un autre feu follet, pas étonnant que les phrases y dansent et y chantent nuit et jour, et finalement qui s’en plaindrait ?
 
« En 2002, Beigbeder s’est amusé, mais il a morflé. C’est souvent ainsi. Il faut faire payer le succès. Depuis 99 francs, Beigbeder la ramène trop. On le voit partout. Il est dans les journaux, passe à la télé. Il parle trop fort, rit comme une hyène. Ça suffit. Il s’agit de le calmer. En finir avec cet enfant trop gâté. Tout est mis en œuvre pour lui nuire. Ne rien laisser passer de ses outrages ».
 
Voici Beigbeder l’incorrigible romancier, chroniqueur – Voici, Playboy, Le Figaro Magazine – et noctambule flottant, écrivain entêté, qui sait lire, et faire lire. Il prend ses livres à la légère, ce qui ne veut pas dire qu’il les bâcle. A les lire, à les relire, sous l’œil aiguisé et la plume bondissante d’Arnaud Le Guern, autre noctambule lettré, on comprend mieux la colère qu’ils suscitent chez quelques jaloux ronchons, ou chez deux ou trois fâcheux. Ses petits livres naissent tous d’une chansonnette, d’une mélodie – qui parfois devient rugueuse – que l’on fredonne – comme l’on peut s’imaginer quelques Girondins en chantonner lorsque les serviteurs de l’Etre Suprême les traînaient vers l’échafaud –, des livres légers et flottants, rapides et vifs et parfois désenchantés. Beigbeder ne laisse jamais la langue s’attarder, elle virevolte, il l’entraîne sur une piste de danse où évoluent quelques troublantes jeunes femmes, des amoureuses en partance, d’autres qui s’invitent, des traîtres et des jaloux, des mondains perplexes, des cinéphiles, des russes tendus, et où les dialogues claquent et les répliques clignotent comme les gyrophares des voitures de police dans la nuit parisienne. Au bout du compte, ce sont des romans follement français.
 
« En éternel gamin de Guéthary, où il passe désormais la moitié de son tems, Beigbeder parle aussi de Paul-Jean Toulet : “Orphelin de mère, il a cherché sa beauté toute sa vie, partout, l’a retrouvée parfois, et perdue souvent”. Beigbeder, jamais, n’oublie Toulet. Son ancre poétique du Pays basque ».
 
Voici la biographie la plus réjouissante de l’année (passée), et ce n’est pas très surprenant lorsque l’on sait qu’elle succède à celle consacrée à Roger Vadim – beau, désinvolte, paresseux, joueur, dilettante –, même ton, même style, pour être heureux faisons bref, pourrait-il écrire en ouverture de chacun de ses opus. Du cinéaste à l’écrivain, il n’y a qu’un pas. Un pas de danse, l’élégance du surfeur ou du joueur de pelote basque à main nue, en équilibre permanent, jambes souples, bras qui s’envolent et embrassent l’espace, vivacité, légèreté, tout un art du jeu, du plaisir de jouer, et d’écrire.

Philippe Chauché


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dimanche 15 janvier 2017

Richard Millet et Philipe Sollers dans La Cause Littéraire

 


« 11 heures. Entrée du Phedra (Minoan Lines) : Racine sur l’eau, en direct de Grèce. Juste derrière, la navette bleu et blanc Princess of Dubrovnik », Philippe Sollers, Automne.
« Sans écrire, je ne suis plus qu’un arbre dont le feuillage se déchire dans le vent de la nuit », Richard Millet, Journal (1991-1992).
 
Deux revues, deux revues littéraires que tout semble opposer, de la rive gauche à la rive droite de la Seine, dirigées par deux écrivains, Philippe Sollers et Richard Millet. Deux passions partagées pour la langue, deux regards sur le monde, qui souvent s’opposent, mais deux certitudes affichées, et hautement défendues : le style. Deux éditeurs : Gallimard et Léo Scheer. Des positions, des colères, des ruses, des stratégies, des écrivains en leur sein qui parfois s’ignorent mais avant toute chose défendent un style, une manière – la matière du roman –, et un œil, deux yeux perçants, pour voir et donc entendre une certaine musique littéraire, un art du récit, un saisissement du temps et des Temps, et au bout du compte, une éclairante alchimie littéraire.
 
Ils se sont longtemps croisés dans les coursives du Navire Amiral. Deux écrivains qui savent lire, deux éditeurs qui savent écrire. Et puis Richard Millet est parti, le solitaire intempestif a trouvé un autre port d’attache. Voilà ce qu’il écrivait à Philippe Sollers, l’absolu isolé, en août 2010 : « Diviser les justes, multiplier les méchants, voilà à quoi travaillent nos ennemis, multipliant les pierres en lieu et place du pain, et nous reprochant, à vous comme à moi, de trop publier, c’est-à-dire d’exister. Ils voudraient que notre royaume se divise ici-bas et que nous n’atteignions pas au Royaume du Père. Ils prétendent que nous nous haïssons. Je suis pour ma part dépourvu de haine, mais non d’armes » (L’Infini, Hiver 2011). Et tout cela ne serait qu’anecdote, s’il n’y avait les livres, les textes et les revues, qui les lient d’une rive à l’autre de la Seine, du Nord au Sud et du Sud au Nord. De Venise à Beyrouth.
 
 
 
« Abandonner la “mère patrie”, pour moi, a d’abord signifié abandonner la “langue maternelle”, et avec la langue ce sont également les références culturelles et le regard sur les choses qui ont changé, c’est-à-dire tout ce qui entre en contact avec la matière profonde de l’écriture, dont se nourrit inévitablement le plaisir de raconter, et même avant cela le désir de le faire » (Onan, les Alpes et Pirandello, Giuseppe Schillaci, Le Cartel).
 
La belle idée de La Revue Littéraire est d’ouvrir son dernier opus par Le Cartel, des écrivains italiens à Paris qui participent à un projet littéraire né en 2003, basé à Milan et baptisé Nazione Indiana (1), des écrivains qui ont à cœur de mettre la langue et le style au centre de leurs écrits. Ils se définissent comme orgueilleusement différents et orgueilleusement libres.
C’est ainsi également que s’affirme Cristina Campo, dont Jérôme Michel dresse le portrait littéraire, portrait de cette insulaire de l’esprit – Elle n’a pas écrit de romans mais des proses biseautées, extraordinairement modulées sur les contes de fées, les tapis d’Orient, la pensée de Simone Weil, la sprezzatura, des poètes impardonnables comme elle, les Pères du désert, la liturgie, les villas florentines.

Il en va ainsi aussi de l’aventure éditoriale – écrire et éditer – de Guillaume Basquin (2) confronté, écrit-il dans La Revue Littéraire, à la petite bourgeoisie d’aujourd’hui, entendez les journalistes qui n’ont pas voulu lire la réédition de Carrousels de Jacques Henric. Il publie les notes inédites – Carrousels, livre de peintre, ou mieux livre pour peintres, est à la fois la période bleue et la période rose d’Henric : « Eau pourpre et bleue le rose de l’accord parvenant à l’œil par le bleu comme il arrive à l’inverse dans une rose qui fane que le bleu de l’accord s’exprime par la modulation rose ». Le livre est une ronde, ronde littéraire dont les éclairs étourdissent.
« Le monde est un triangle. Une grande géométrie, un équilibre parfait et très secret, un nombre d’or sans cesse recommencé, tout cela peut se prouver » (Marc Pautrel, La sainte réalité).
Une sainte réalité qui laisse ici entrevoir le nouveau roman de cet écrivain qui en a déjà publié cinq dans la collection L’Infini. Instants de l’histoire d’un mathématicien, d’un homme pacifique, d’une orpheline, et aujourd’hui d’un peintre : Chardin.
 
La revue de Philippe Sollers est ce laboratoire littéraire, d’intelligence vivace, d’où jaillissent des livres en devenir, des éclats anciens, des cheminements, des passions et des fidélités. Marcelin Pleynet est toujours là. De Tel quel à l’Infini, secrétaire de la revue, ami de 50 ans, écrivain, poète, historien de l’art, témoin, de ce qui s’écrit, s’édite et se vit à Venise et à Paris : « Les discussions quotidiennes pendant plus de cinquante ans n’ont pas manqué d’être des sources d’inspiration. Je pourrai vous fournir mille exemples de cela. Je retiendrai d’abord mon rapport à la philosophie, c’est-à-dire à la pensée, à la langue et aux pensées qui déterminent mes livres » (entretien avec Fabien Ribery) (3).
 
Laboratoire ouvert sur l’Histoire, Frans De Haes est l’un des fidèles de la revue, grand lettré du Livre, il offre ici son Ezéchiel pornographe ? dont il traduit Le Livre, Claude Minière ouvre quant à lui le livre, les noms de Melville, et Patrick Besson joue et se joue de la dernière rentrée littéraire.
De L’Infini à La Revue Littéraire il n’y a qu’un fleuve à traverser, entre les mots coule la Seine, vienne la nuit sonne l’heure, les jours s’en vont, je demeure, ne cessent de nous dire Philippe Sollers et Richard Millet.
 
Philippe Chauché
 

http://www.lacauselitteraire.fr/la-revue-litteraire-n65-et


samedi 7 janvier 2017

Manuel Arroyo-Stephens dans La Cause Littéraire



« C’est dans sa petite boutique de la ruelle de Preciados que j’avais commencé à acheter des éditions originales des poètes de la génération de 27, et des livres publiés avant la guerre civile ».
 
Parmi les cendres est le roman de l’Espagne, l’Espagne marquée à jamais par la guerre et la dictature. Un roman des livres – un art secret de la résistance –, des toreros, les trois Rafael : El Gallo, Ortega et de Paula, des écrivains, José Bergamín, Rafael Alberti, mais aussi Antonio Machado, Miguel de Cervantès, des libraires clandestins, des collectionneurs, des livres rares, des villes, Madrid, Saint-Sébastien, Séville, des rues et des hommes qui durant la dictature faisaient passer les livres, de mains en mains, de villes en villes, comme des chargements d’or clandestins venus du Nouveau Monde, des travailleurs de la nuit, comme l’on dit en basque des contrebandiers.
Parmi les cendres est un roman familial, roman d’une trace laissée dans la cendre des disparus par une main invisible et clandestine. Parmi les cendres est aussi un roman de la mémoire, des mémoires qui surgissent, comme des fleurs d’été qui poussent sur les cendres des oubliés, le roman élégant du souvenir vivace de celles et ceux qui ont traversé le regard de l’auteur.

 
 
« Lorsqu’on le prenait en photo, il s’arrangeait toujours pour qu’elles fussent bien en vue. Il existe une série remarquable de clichés pris alors qu’il se trouvait derrière un des burladeros des arènes de Ronda : ses mains pendent par-dessus les planches, comme les serres d’un oiseau immense, tandis que ses yeux observent au loin, intensément, on ne sait qu’elle corrida imaginaire ».
 
Parmi les cendres est un grand roman de l’amitié, celle que l’auteur porte à José Bergamín, l’écrivain en exil permanent après la victoire de Franco. Mexique, Venezuela, Uruguay, France, et au Pays Basque, le clandestin absolu, définitivement fâché avec le pouvoir – Dans cette Espagne-là, il n’y a pas de place pour moi ; je ne tiens pas à m’y retrouver. C’est dans cette éblouissante régioncette mélancolie du torero, que se dessine le portrait de l’écrivain de la génération de 27, souvenir de celle de 98, Unamuno, Baroja, Machado, Valle-Inclán. L’écrivain, le poète, l’aficionado, le jongleur, l’acrobate, le révolté, le républicain, l’ami de Picasso, devenu basque d’adoption, nationaliste des derniers instants. Une fin de vie partagée avec Manuel Arroyo-Stephens, la mort rode sous la cendre, José Bergamín perd pied, gardant ce regard vif et profond, regard projeté sur la ligne claire des Pyrénées, loin de sa terre première, loin des arènes, de ses amis gitans, loin de Madrid et de Séville, face à l’océan, à quelques pas des Peignes du Vent du sculpteur Chillida. – Là-bas, la mer calme se brisait paisiblement contre les rochers et les fers de Chillida, rien ne semblait l’affecter. Derniers instants de l’écrivain, sous le regard et la plume de l’ami éditeur, c’est le roman de la fraternité des lettres, le roman de celui qui fut éditeur de haut vol – Turner.



 
 
« Ma mère pratique le monologue avec beaucoup de naturel, comme si c’était elle qui l’avait inventé. Elle appelle ça penser à haute voix. C’est ce que font beaucoup d’Espagnols : un dialogue avec eux-mêmes et un monologue avec autrui ».
Manuel Arroyo-Stephens monologue son histoire Espagnole, sa traversée de l’Histoire ibérique, celle de ses amis et de leur passions, de sa mère, des livres qu’il a lus, découverts chez ces collectionneurs de l’ombre, ces antiquaires des lettres, des livres et des hommes qui ne cessent de l’accompagner, dans un dialogue permanent entre les pages, et les lignes, telle une pensée à haute et belle voix.
 
Philippe Chauché







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