dimanche 12 juin 2016

Vadim dans La Cause Littéraire

 
 
 
« Ça commence par un adieu. À la légèreté, au dilettantisme, à l’élégance par-dessus la jambe. Un enterrement et, en larmes derrière leurs lunettes fumées, des femmes. Les siennes. L’homme qui aimait les femmes, c’est lui : Roger Vadim ».
 
Vadim, le nom seul est déjà roman. Et quel roman ! Un roman cinématographié. Un roman très français et qui flirte parfois avec les Amériques. Premier acte : Et Dieu… créa la femme, clap de fin : And God Created Woman. Plus de trente ans séparent les deux films, Vadim a fait le grand écart, les studios ont des raisons que les artistes ignorent. Vadim un playboy français est le roman de cette aventure, de cette vie virevoltante, soyeuse, joyeuse et par instant rugueuse, où l’on croise Brigitte Bardot – De toutes les armes que nous offre la vie quotidienne pour régler ses comptes à la sottise, la jeunesse et l’impudeur d’une femme sont les plus douces* –, Saint-Germain-des-Prés, Maurice Ronet – Ronet se lance dans le cinéma par désœuvrement. Il faut bien s’occuper, gagner sa vie sans trop se fouler, Paul Gégauff, Saint-Tropez, mais aussi Françoise Sagan, Roger Vailland, Catherine Deneuve ou encore Thelonious Monk.
 
Si la vie est un roman, la vie de Vadim est un film. Alors, soyons légers, misons sur la beauté, la souplesse, l’élégance, jouons, dansons, oublions les dettes et les insultes, écrivons, comme si la vie était beaucoup trop sérieuse pour que nous la prenions vraiment au sérieux.
 
« Revoir Et Dieu… créa la femme. Et relire Bonjour tristesse, autre diablerie tropézienne. Deux parures assorties… (Mais) Sagan vise juste. Le film de Vadim prolonge l’écho du roman. Nous voilà bien, dans la peau d’un gandin, au milieu des années 50, hésitant entre Cécile qui de l’amour ne connaissait que des rendez-vous, des baisers et des lassitudes, et Juliette. Nous ne choisissons pas. Nous retrouvons les deux, sur une plage ou en terrasse. Nos déjeuners de soleil ».
 
Vadim un playboy français est un roman enchanté où parfois se glissent quelques esquisses de désenchantement, un rien de mélancolie, comme dans une chanson de Françoise Hardy. Vadim est le roman d’un playboy. Et Arnaud Le Guern qui déteste le blabla et le chichi**, sait qu’il convient d’être bref, net et précis. Les phrases, ces esquisses vivantes du roman en mouvement, doivent claquer, comme les claps sur un tournage. Alors, moteur : C’est acquis. BB est une étoile danseuse, ou encoreVadim a failli gagner sa place au paradis des cinéphiles, et plus loin, Saint-Tropez hors saison : le bonheur, et puis, Ne pas s’attarder. Vadim est sur un autre tournage. Arnaud Le Guern sait son Vadim sur le bout des lèvres, et l’écrire semble être un jeu d’enfant, un enfant qui prend parti. Il défend le cinéaste, tout en passant vite sur ses échecs, ses nanars, ce que d’ailleurs ne manquait pas de faire le cinéaste. Il braque ses phrases en éclairagiste doué, sur les scènes de la vie de Vadim, son théâtre amusé, ses passions, ses raisons, ses doutes discrets, ses retraits, ses douleurs sagement dissimulées, ses échecs et ses joies. Vadim un playboy français, en 24 phrases-seconde.
 
 
 
« La dernière image de La Curée bouleverse. Jane est seule dans une pièce de l’hôtel particulier de Saccard. Ses cheveux courts et mouillés. Son visage en larmes. Lui parviennent les bruits de la fête. Maxime et Anne célèbrent leurs fiançailles. On se dit, en fixant Jane, qu’on aimerait qu’un film aujourd’hui soit aussi mélancolique et beau qu’un Vadim cuvée 66 ».
 
Vadim un playboy français plonge et nous plonge dans les films de Vadim, y vagabonde, saisit une image, un visage, un regard, quelques mots. C’est un pays qui s’invite, des villes, des plages, des rues, les années 50 et leurs voisines, des étoiles naissent sous son œil, la pellicule révèle leurs corps et leurs visages, les répliques s’impriment et avec elles, les jupes et les robes dansent, comme les titres de ses films, Et Dieu… bien sûr, mais aussi, Les Liaisons dangereusesLe Repos du guerrierLa Ronde, et de ses livres, de Mémoires du diable, au Goût du bonheur. Vadim ou le Goût du Bonheur, tout un roman. Et quel roman !
 
 
Philippe Chauché
 
* François Nourissier
** Frédéric Schiffter


http://www.lacauselitteraire.fr/vadim-un-playboy-francais-arnaud-le-guern


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