« Dérivons lentement dans un rayon de lune
Jusqu’au cœur de l’étang
Avant de partir pour une autre dérive
En trinquant,
Ivres de notre vin et du parfum des fleurs »
(Dérive, L’ivresse des immortels, Les Solitudes)
André Velter est un poète-arpenteur, dont la poésie sonde la nature et les hommes. Un écrivain, qui s’aventure dans des contrées lointaines, où se nouent des amours et des amitiés électives dans une solitude partagée : Afghanistan, Inde, Népal, Tibet, Chine, dans des rencontres littéraires qui affinent ses goûts et ses intérêts : Luis de Góngora y Argote – figure de proue de la goélette Les Solitudes –, Arthur Rimbaud – écrire en dansant –, Pierre Reverdy, Henri Michaux, Aragon, Hölderlin – Après avoir tutoyé les dieux, Il n’en fallait pas davantage – ou encore Apollinaire et Bernard Noël, qui figurent dans ses 271 nominations, le dictionnaire des noms qui me sont propres. André Velter est un aventurier des lettres et du corps, qui se nourrit du granit du sol qu’il foule, des éclats solaires qui l’éblouissent, du ciel et des sommets enneigés où se glisse parfois l’ombre de Chantal Mauduit – vigie de notre sur-vie –, de toute cette géométrie de l’espace qu’il fait sienne, qu’il apprivoise, avant de l’écrire, comme il écrit son Tao du Toreo. Il écrit, il s’envole, il marche, il galope, s’expose aux lignes de crête, favorise les alliances– Adonis, Zéno Bianu, Alain Borer, Ernest Pignon-Ernest, la guitare flamenco de Pedro Soler… –, note des instants où surgit la vérité d’un ciel étoilé, d’un désir vif, d’un abime qui tient du miracle. Il met sa poésie au galop au contact de Bartabas et de ses chevaux, accompagne Ernest Pignon-Ernest à Rome, Ostie, Naples et Matera en mémoire de Pier Paolo Pasolini – … Oui je suis un impossible Christ, Mais frère pénitent dans l’infamie des temps… –, ou assiste à Nîmes à la corrida du siècle.
« Oh Billie si tu te sens perdue,
égarée même quand tu es sur les rails,
si seule si seule que ta voix s’exténue
à caresser des fantômes, des étoiles,
comme une femme de série noire et blues
qui porte la mort aux épaules ».
(Si tu te sens perdue, N’importe où)
André Velter est un observateur silencieux, à la manière du torero José Tomás. S’il sait beaucoup de choses de la poésie, de son histoire, de son art et de ses secrets, il n’en montre rien, il n’en dit rien, il écrit et il édite, comme le torero de Galapagar torée, en deux naturelles et trois derechazos (1), son immense savoir se révèle, et offre cette saveur particulière de l’unique. Il écrit comme s’il savait que ses poèmes résonneraient demain, par leur vérité, leur naturel, leur lyrisme profond, sur une scène de théâtre en compagnie du violoncelliste Gaspar Claus, que leur écho s’entendrait dans une rue de Séville, comme le souffle d’un cante jondo (2). Là, ses phrases croisent celles d’Adonis face à la terreur – J’entends l’écho silencieux de cette fleur coupée –, plus loin, il célèbre le vin aux côtés du peintre chinois-provençal Ji Dhai – Alors je bois à ce qui en moi est sans fin… –, ici, il prend la mer sous la protection de Pierre Reverdy – … du sel sous les ongles / j’ai caressé tes lèvres / dans ce havre de guerre / où rien ne finissait… – et enfin, salue Laurent Terzieff – J’ai aimé, nous avons tous aimé, ce corps et ce verbe qui marchaient ensemble. Marcher comme l’on écrit, écrire comme si l’on marchait, embrasser le chant du monde, voilà son projet poétique, son chant, fait de sable et de feu.
« Droit devant frère d’aventure
Sans jamais rien se refuser
Que ce soit futur ou passé
On a choisi le feu verbal »
(Ce que je dois à Guillaume Apollinaire, N’importe où)
Philippe Chauché
(1) passe de muleta tenue par la main droite
(2) chant le plus pur et le plus épuré du flamenco
http://www.lacauselitteraire.fr/andre-velter-trois-livres-par-philippe-chauche
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