lundi 2 mars 2020

Izzo - Matalon dans La Cause Littéraire





« Au lycée du Rempart, Jean-Claude s’ennuie. On lui apprend à tordre des bouts de fer alors que ce qu’il aime par-dessus tout, c’est usiner les mots, ciseler les phrases, aiguiser les idées. » Jean-Marc Matalon
« Une brume de chaleur enveloppait Marseille. Je roulais sur l’autoroute, vitres ouvertes. J’avais mis une cassette de B.B. King. Le son au maximum. Rien que la musique. Je ne voulais pas penser. Pas encore. Seulement faire le vide dans ma tête, repousser les questions qui affluaient. Je revenais d’Aix et tout ce que je craignais se confirmait. Leila avait vraiment disparu. » Total Khéops – Jean-Claude Izzo – Série Noire Gallimard – 1995
 
Il y a vingt ans disparaissait l’écrivain et journaliste Jean-Claude Izzo, marseillais comme l’était Jean-Patrick Manchette, deux comètes de la littérature policière, du nouveau roman noir. Jean-Marc Matalon qui s’est déjà glissé dans la peau romanesque de l’auteur de Chourmo (1), lors d’une talentueuse effraction littéraire, nous offre une biographie fidèle, précise et brillante de l’écrivain, une immersion dans son histoire, ses filiations, ses amours et ses amitiés.
 
Jean-Claude Izzo est fidèle à ses passions : le journalisme et le quotidien La Marseillaise – Le soir, Izzo n’est jamais pressé de quitter le journal. Après avoir rendu sa copie au chef des Informations locales, il traîne dans les bureaux où flotte en permanence un nuage de fumée bleutée. -, le militantisme au Parti Communiste – En lieu et place du discours millimétré rédigé dans la traditionnelle langue de bois léniniste, Jean-Claude se met à déclamer des vers. -, ses amours tumultueux – Toute sa vie, Jean-Claude sera scrupuleusement fidèle au dogme de l’infidélité conjugale. -, Marseille qui finira par lui glisser entre les doigts, avant de retrouver ce navire blanc prêt à prendre la mer, le temps de ses escapades à Saint-Malo et à Paris, et l’envie dévorante d’écrire, de la poésie, la vie révolutionnaire du Félibrige Clovis Hughes, et des romans policiers inspirés et protégés par la Bonne Mère. Jean-Marc Matalon est fidèle à un écrivain qui ne l’était guère, où qui plutôt partageait ses fidélités amoureuses, en adepte du double, ou du triple jeu, comme dans un roman. Fidèle à ses passions, ses éclats, ses livres, ses révélations et ses douleurs, Jean-Marc Matalon nous en livre l’aventureux récit.
 
« A Saint-Malo, Izzo écrit un chapitre nouveau de son existence. Tout semble lui réussir enfin. Sa vie amoureuse le comble, même s’il doit joueur sans cesse de mensonges, de silences et de faux-semblants pour maquiller ses escapades parisiennes. Il se passionne pour son travail au sein des Etonnants Voyageurs, ses problèmes d’argent sont derrière lui désormais. L’écriture, seule, lui manque. »

La biographie de Jean-Claude Izzo, ne cherche pas à épater le lecteur, par son style, ses trouvailles, ses secrets dévoilés, Jean-Marc Matalon préfère suivre l’écrivain sur la pointe des pieds, pas à pas, sous les yeux de son père, lors de ses premiers éclats politiques et poétiques, ses premiers articles pour la Marseillaise, au pied de l’Etang de Berre qui se transforme, dans ses doutes, ses fuites et ses enthousiasmes, dans la maladie qui le terrasse. Il se glisse dans l’ombre vacillante d’un écrivain qui épouse Marseille, ses dérives et ses folies, dans trois romans racés que publie Patrick Raynal dans la Série Noire chez Gallimard, la plus prestigieuse collection d’orpailleurs de romans noirs. Jean-Claude Izzo – Les vies multiples du créateur de Fabio Montale est aussi le roman de Gennaro, et d’Isabelle, ses parents – La vie à le goût des bonheurs simples que l’on croit éternels. -, celui du Panier et de l’Amicale ajaccienne, le quartier détruit, ses habitants chassés par les gendarmes, les miliciens et l’armée allemande – Un silence irréel recouvre la butte où, quinze ans plus tôt, un adolescent prénommé Gennaro avait imaginé se construire une vie « dolce come una mattina d’estate ». Le livre des amitiés, ces flammèches qui par instant illuminent la vie de Jean-Claude Izzo, ce solitaire intempestif.
 
 
 
Il y a Alain Dugrand correspondant de Libération à Marseille, le musicien Jean-Guy Coulange, Michel le Bris, l’inventeur des Etonnants voyageurs – Devant les bières alignées sur les comptoirs, Dugrand, Izzo et Le Bris échangent leurs souvenirs militants, ils se racontent leurs voyages, leurs passions littéraires, débattent à l’infini d’un roman et d’un label de jazz… -. Cette biographie est aussi le livre des amours de l’écrivain, qui vont jusqu’au bout, l’illuminer, le transcender et lui faire perdre la voix et celui de son fils Sébastien, fidèles des fidèles, même si l’écrivain ne lui a rien légué (2). Il y a vingt ans disparaissait un romancier devenu célèbre, par sa trilogie marseillaise, et les aventures de son double romanesque Fabio Montale. Jean-Marc Matalon réveille toutes ces histoires marseillaises, ces passions, ces inspirations, avec la justesse et la finesse d’un ami qui n’a rien oublié. La mémoire est une affaire sérieuse, tout autant que les romans policiers de Jean-Claude Izzo, dont le parfum troublant n’est pas près de s’évanouir dans la Méditerranée au-delà de la Pointe Rouge.
 
« Des relents de mémoire aux essences violentes – thym, résine et sarriettes mêlées – attisent la sève qui monte en moi. Le soleil m’accueille dans un ressac de silence. » Jean-Claude Izzo – Loin de tous rivages
 
Philippe Chauché

http://www.lacauselitteraire.fr/jean-claude-izzo-les-vies-multiples-du-createur-de-fabio-montale-jean-marc-matalon-par-philippe-chauche

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