« J’ai toujours cru au destin. Pour elle, j’ai été le premier. Et elle m’a dit, bien après, que j’étais resté le seul. Je ne lui avais rien caché de ma vie en France. De mon triste mariage. De mes drôles d’enfants. Avec elle, le présent devenait un temps précieux, inestimable ».
L’officier de fortune est le roman du destin d’un militaire engagé sur tous les fronts de l’ancien Empire français. Il est au Maroc, au Tonquin, en Indochine et en Algérie, on le suit, au cœur de ses missions et de son engagement dans la France Libre, il ne perdra pas de temps à soutenir le Général. C’est une guerre totale où il se donne sans compter. Il ne compte d’ailleurs jamais, il agit, c’est un homme de l’action permanente, au verbe vif et aux décisions sans appel.
Tout va très vite dans ce roman aux phrases vives et brèves, au style racé. Ce roman est celui d’un destin français, d’un destin de mari, de père et d’amoureux. L’officier raconte sa vie qui défile comme les images d’un travelling que filme une caméra embarquée dans une voiture qui roule à vive allure. L’officier de fortune fait corps avec son histoire, avec l’Histoire, avec ses combats, ses principes, ses certitudes, la perte d’une très jeune fille, mais aussi le silence de ses enfants, ses fidélités, ses infidélités guerrières, et sa passion absolue, inestimable : Jeanne, aimée, perdue de vue, puis retrouvée, quand les armes se sont tues.
L’officier de fortune est le roman de l’amour retrouvé et du fils entrevu, le roman d’une tristesse qui tend la peau de l’officier, comme un coup de soleil trop violent. Un roman hommage au père invisible, roman de la réconciliation avec un père absent, un père perdu et un officier retrouvé.
« J’ai essuyé bien des coups de feu pendant ma vie militaire. Ça a bardé pas mal fois. Je m’en suis sorti indemne, sans imaginer une seconde en rendre grâce à Dieu, ni à ses saints. J’aurais dû. Mais à chaque fois, le danger passé, je me sentais un peu plus fort, victorieux de je ne sais quoi, invincible ».
L’officier de fortune est un roman bref, comme on le dit d’une vie, un roman ciselé, admirable de force et de nerfs à vif. Un roman portrait d’un insaisissable militaire, qui passait d’une colonie à l’autre, sans rêve de gloire, mais habité de certitudes patriotes. Un roman tendu, comme l’était la vie de l’officier, avec ses blessures anciennes, ses deuils qui parfois resurgissent, ses remords, et ses offrandes à la vie qui vient et qui le comble. Un admirable hommage littéraire à un homme hors-normes, hors système, qui n’en fait qu’à sa tête, et qu’avec l’idée qu’il se fait de la défense des intérêts de son pays, la France.
Xavier Houssin cultive l’art de faire fondre ses phrases, pour n’en garder que le muscle premier, les nerfs, les tendons. Son roman est juste, car jamais il ne juge, persuadé que son héros a toujours eu ses raisons, les raisons de la fortune, tel un gentilhomme. L’officier de fortune est un hommage à un père en fuite permanente, sur les théâtres où parle la poudre, un militaire peu bavard, comme le fut son propre père, rattrapé par son passé, par sa vie amoureuse, et son fils, qui deviendra écrivain, pour dire et écrire ce que son père n’a pu lui murmurer. L’officier peut dormir tranquille, son fils veille admirablement sur sa mémoire.
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