dimanche 8 mai 2022

L'initié suivi de La Libre étendue et L'incandescence de Thibault Biscarrat dans La Cause Littéraire

« Viens et vois : je parle de plus loin que mon nom. Je parle d’une autre contrée, d’un nouveau domaine et la grâce indivise nous sera faveur du temps ». 
« Voici : je suis présent au monde mais à distance. Viens et vois : ingurgite ces rouleaux qui me sont doux comme la manne, comme le miel ». 
« Les livres sont plus vivants que les vivants. Ils deviennent leur propre destinée. Les livres se lisent eux-mêmes dans la gloire du dieu révélé ». 

Thibault Biscarrat appartient à cette société secrète d’écrivains, de poètes, qui écrivent sous de belles influences, celle du Livre, des écrits gnostiques, des textes fondateurs traversés par une lumière divine, mais aussi celle du corps, et de la voix. Et il donne de la voix à chaque page. Écrire est chez lui une incantation, incarnation, une résurrection, une inspiration et une expiration. Savoir écrire, c’est savoir respirer. Ces trois cahiers s’ouvrent sur trois citations, signées Kafka, Hölderlin, et tirée du Deutéronome, les trois piliers inspirants de ce livre inspiré. Il aurait pu aussi citer Rimbaud, Claudel, Quignard et Sollers, autres écrivains de cette confrérie où le Verbe est tenu en odeur de sainteté, où le savoir des textes fondateurs ont la saveur d’un poème, où les corps sont en mouvement constant. Ce triptyque s’ouvre sur la lumière (qui) scintille au firmament, et s’achève sur le langage (qui) est souverain ; l’œil du dieu est ardent, de la lumière au langage, il n’y a qu’un pas, un livre ouvert sur l’étendue de la poésie. D’une phrase à l’autre, l’écrivain a sculpté le nouvel opus d’une épopée qu’il conduit la main sur le cœur, dans la lumière et la langue. Imaginons l’écrivain au travail, il est seul, à la manière de Bashô, le Seigneur ermite, il s’arme de la parole, pour saisir les instants qu’il vit et voit, écoutons : Les fleurs dressent leurs drapeaux d’étamines, d’extases. Elles se déploient en corolles, parfums, pétales. Thibault Biscarrat a l’audace de la liberté libre, il ne se fie qu’au savoir en mouvement permanent, à la simple présence au monde, à l’aimée, à la nature enchantée, à l’inspiration divine, à la beauté. Le ciel brille dans les phrases de l’écrivain, les éclairs de l’orage les traversent, elles cheminent sur les sentiers, comme la musique qui ne cesse de les éclairer. Son écriture est une adresse au lecteur attentif, au dénicheur de mots et de phrases sacrés. Cet ensemble de textes est d’une grande clarté, d’une grande transparence, d’une grande simplicité, d’une vibrante musicalité. 

« Viens et vois : déjà mon nom parcourt la terre. Il existe une ode à chaque couronne. Vie. Mort. Vie. Voix. Lumière ». 
« Le Verbe est l’origine, il dit la naissance des mondes, leur mouvement. Ce souffle est ardent, il embrase les empires, l’épée à deux bouches, le char qui trône ». 
« Je suis le fils de ces voix qui tournent en écho dans ma tête. Je suis le fils des odes, des strophes, des versets ». 

Thibault Biscarrat publie également une version audio musicale de Chant Continu* son ouvrage précédent dont Didier Ayres avait ici salué la force**. Cette interprétation de Chant Continu fait entendre le verbe de l’écrivain, qui passe en finesse et dans une grande justesse de ton, d’âme à âme entre l’auteur, la comédienne Maud Andrieux et le joueur de oud, Mostafa Harfi. Cette lecture musicale, cette incarnation, aux voix justes et profondes, est le plus bel écho dont puisse rêver un auteur. 

Philippe Chauché 


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