jeudi 29 mai 2008

Les Frégates Noires

" Chères hirondelles,
Un autre printemps !
Voici que je vous ai vues revenir comme pour m'assurer que le monde tourne et que, par-dessus tout, le devenir persiste.
Vous êtes la joyeuse écriture d'une lettre quand déjà l'humanité s'est faite au régime des condoléances et qu'il faut continuer à vivre et avoir de l'espoir.
Vous écrivez vos lettres avec l'encre neuve de cette année et vous savez, bien sûr, que vous présidez le concert du monde civilisé, mais plus paisiblement que les autres.
D'abord je vous ai vues rentrer dans votre foyer de l'an passé et la première chose que vous allez faire, c'est couver vos hirondelles, pour qu'en votre absence elles sachent retrouver le chemin de leur nid sous mon auvent.
Votre sens de l'orientation est merveilleux, car, dans l'ignorance du nom et du numéro de la rue, l'homme lui-même, qui suit à pied les chemins, ne saurait trouver ce trou caché parmi les toits que, vous, vous trouvez toujours.
Je m'aperçois que vous êtes l'unique consolation de l'homme, l'affirmation tenace d'un doux anniversaire...
J'ai compris ce que vous me disiez en déchiffrant les signes que vous me faisiez hier : " Vis dans l'onde sereine et pour l'onde vague, lumineuse et éthérée et ainsi tu sauras aller vers ce que tu ne sais pas, comme tu as su entrer dans la vie à partir de ce que tu ne savais pas."...
Vous m'offrez l'enchantement de la richesse contenue dans un peu d'espace et un peu de temps, l'urgence de remplir les heures d'inquiétude, à griffonner des pages, écrire des lettres aux confidences les plus simples, à prodiguer d'architecturaux coups d'oeil aux gâteau de mariage à cent étages, colonnes de lumière pleines de symboles, arbres de poétiques fleurs d'oranger, volutes de caprices et de coeurs qui battent..." (1)

Vous êtes ces croches noires sur la partition du ciel, des messagers qui cachent sous leurs ailes nos lettres de vie et d'amour, des chandeliers gracieux qui éclairent nos rêves, vos cris sont des haïkus invisibles qui chassent le diable, vos dérives célestes inventent une autre géographie amoureuse du ciel.

" Dans le ciel je vois de nombreux et beaux oiseaux, mais c'est à vous que j'écris toujours parce que vous appartenez à l'union postale universelle de la pensée... " (1)

à suivre

Que mille martinets dessinent ton visage de déesse.

Philippe Chauché

(1) Lettres aux hirondelles et à moi-même / Ramon Gomez de la Serna / André Dimanche Éditeur / 2006



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