
Henri Matisse 1869-1954
Autre mouvement, ce 30 mai, chaleur accablante, gris bleu du ciel, léger vent, pas un bruit, la rue peut vivre son silence en toute quiétude. Rien à l'horizon, pas un rêve, pas d'envie, pas d'ennui, seulement le silence, et puis Mozart, une nouvelle fois, nécessité de Mozart (2), immersion dans l'Instant et dans le Mouvement du Temps.
Point de ruse, jamais de calculs, pas de projets, la douceur de la douleur qui vient d'une rose achetée le matin même devant les Halles, rouge, instantané de joie qui se fane dans l'absence.
Point de ressentiments, pas de doutes, mais un éblouissement de certitudes, avec la juste distance qu'il convient, finalement se satisfaire de l'incompréhension.
Croire plus que jamais à la beauté d'une offrande.
Habiter son silence, comme l'on habite son corps, certitude que le détachement délivre, que toute envie n'est qu'illusion, sauf celle d'écouter une nouvelle fois Mozart.
Ne jamais désespérer de ce que l'on a donné, quoi qu'on vous en dise.
" Donner c'est donner, reprendre c'est voler !" s'amusent à dire les enfants, ils ont raison.
Se contenter d'une saveur, de la musique d'un regard et d'une voix.
Devenir invisible pour ne plus troubler le petit jeu social, dont le ridicule devrait tuer.
Se savoir définitivement inutile, et s'en amuser.
Croire plus que jamais que les miracles naissent du regard d'une femme particulière, tout le reste n'est que balivernes.
Croire que seul l'amour sauve de la mort dominante, et sourire de son absence.
Ne jamais se lasser d'entendre une voix, même enregistrée.
S'installer dans la nuit, comme l'on s'offre à un corps désirant.
Décider un jour d'en finir, mais avec la délicatesse du pinceau de Matisse.
Brûler ses vaisseaux, et ne rien regretter.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Roland Barthes par Roland Barthes / Écrivains de toujours / Seuil / 1975
(2) Concerto pour violon et orchestre en si bémol majeur / Orchestra Mozart / Claudio Abbado / Giuliano Carmignola / Archiv Priduktion