jeudi 14 avril 2011
Visages du Roman (21)
" Joie de Picasso dans le soin quasi obsessionnel qu'il apporte à dater ses tableaux. A ne surtout pas prendre les dates inscrites sur ses toiles comme les marques au fer rouge de ses hontes. " (1)
Fixant le bleu tendre du ciel, il se dit qu'ici, les dates marquent ces histoires à l'encre sympathique, à la seule condition de savoir les lire dans la permanence du mouvement musical du Temps.
Il aime à penser que des peintres ont fait la même chose dans un coin de leurs toiles, ou sur la face invisible le leurs tableaux, et ajoute, que chaque corps enlassé porte à jamais l'instant de cet éclat permanent. Quant aux écrivains, il faudrait être sourd pour ne pas voir que les plus grands agissent avec la même nécessité.
Dater, ajoute-t-il, c'est aussi savoir où nous en sommes sur l'instant avec le Temps, et donc avec la vie. Jamais les dates ne trompent, mais elles mettent au clair, un éclairage saisissant.
" 9 juin 1841, Baudelaire embarque de Bordeaux sur le Paquebot-des-Mers-du-Sud. Témoignage d'un marin. Pendant la traversée, il se signala pr des attudes excentriques. Une liaison s'établit entre lui et une laya ( non indien pour une bonne d'enfant ), belle et ardente négresse qui avait accompagné une famille créole en France et se rapatriait. Cette liaison fut cause de scènes étranges : la négresse poursuivait Baudelaire d'une tendresse tellement ardente que, d'accord avec le capitaine, on consigna cette femme, pour la durée de la traversée, dans la cabine étroite qu'elle habitait à bord. Cité par Sollers qui ajoute ce commentair : on est content d'apprendre que le jeune Baudelaire plaisait aux femmes de couleur. Elles sentent d'instinct si un homme vit en musique. " (1)
L'histoire de Baudelaire et de sa laya mérite largement sa place ici, question de date, d'art de se saisir d'un corps étranger, étranges étrangers qui effaient tant les bourgeois qui entourent l'écrivain. 13 avril 2011 cherchez le corps étranger !
à suivre
Philippe Chauché
(1) La scandaleuse beauté du mal / Jacques Henric / L'Infini n° 114 / Printemps 2011 / Gallimard
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