jeudi 26 juillet 2012

Per El Yiyo



" Combien en avons-nous vu d'étoiles tourner
au ciel comme un rosier
dans notre esprit comme une cuisse
dans notre poitrine comme le feuillage
et de l'esprit jusqu'à la poitrine comme une corne
et de l'oeil jusqu'à la main ouverte
on croirait que ciel tourne tout entier
mais ce n'est que l'aller et retour du Destin et du noir. "





Visiblement note-t-il tout un chacun ne sait plus qui est Bernard Manciet et peu se souviennent du Yiyo, au bout du compte cela n'a que peu d'importance ; les mots de l'écrivain tournent dans le ruedo comme le taureau embarqué par la muleta du bordelais-madrilène, la musique seule, le sens du calme et l'embrassement des phrases, un temps, un temps seulement déjouent les cornes.


à suivre

Philippe Chauché

lundi 23 juillet 2012

Loin du Monde


" Sam le Bègue, qui chevauchait l'étalon moucheté de blanc, descendait vers Burnt Crick. Le précédant, Vienna et Johnny Guitare fonçaient, côte à côte, vers l'avenir.
" Ils ne se sont pas retournés une seule fois, pensa Sam le Bègue. Ils ne se retourneront plus jamais : le passé est le passé. Ils ne sauront pas quel camp, dans cette bataille rangée, l'a emporté : ils s'en fichent, des bandits et de la milice ! Et jamais non plus, ils ne sauront ce qu'il est advenu de l'argent que Bart enfouissait dans son coffre.
Malgré tout, je parierais bien qu'ils ne se sentiront plus jamais seuls : ni elle, ni lui ! " (1)



à suivre
 
Philippe Chauché



(1) Johnny Guitare / Roy Chanslor / traduc. André Algarron / Phébus / 1998

vendredi 20 juillet 2012

En Attendant la Nuit


Seul contre tous ?

à suivre

Philippe Chauché

lundi 16 juillet 2012

Et de l'Imaginaire

Eugène Delacroix

L'imaginaire du peintre est le réel du curieux.

à suivre

Philippe Chauché

dimanche 15 juillet 2012

Du Réel



Qui douterait qu'il s'agit là du Mouvement du Temps.

à suivre

Philippe Chauché

samedi 14 juillet 2012

Présence de Pleynet



" J'entends, lointain, le cliquetis des armes. La pensée en guerre dans ses conquêtes. La nuit, en secret, la danse, la musique d'un éternel banquet. Rien ne vaut les festins, la musique, la danse, les chants, l'alcool dans l'amour. La musique et la danse font s'arrêter un étrange qui passe... Comme une île et comme un continent, l'univers, le ciel se déclarent... la vue s'embellit...  Nous n'avons pas qu'un seul soleil - la révolution de l'esprit engendre le mouvement. " (1)

" C'est un poète qui pense, qui passe par la peinture quand il veut (et notamment Cézanne), par la musique, dans ce lieu où tous les sens doivent être en effervescence, qui est Venise. " (2)

" Depuis quinze ans Pleynet écrit des poésies, depuis quinze ans il tient également son journal, depuis quinze ans enfin il développe une infatigable activité de critique et d'historien d'art. A la longue, l'unité de ces travaux devrait finir par se dégager aux yeux de tous. Il s'agit de constater un retard, d'enregistrer une stagnation, une longue et pesante nécrose. Prenons l'histoire de l'art : dans son Journal, Pleynet démontre à quel point elle piétine en arrière des sciences humaines du XX° siècle, à quel point elle mijote dans son XIX° siècle viscéral. Même chose pour la poésie et pour la littérature. Sortir du XIX° siècle est urgent, c'est une affaire de goût et c'est un changement colossal puisque c'est aussi une affaire politique. D'immenses continents parlent et vivent encore dans le dix-neuvième. Bien des écrivains qui se croient des contemporains bayent aux corneilles d'un dix-neuvième irréparable, on ne le répétera jamais assez. " (3)

" De mémoire
quand les eaux montent jusqu'à nous
sur l'heure
la mare trouble des sentiments
colore la nuit
et l'horizon marin " (4)

" Si la poésie est une occupation esthétique, alors Pleynet n'est pas un poète. La poésie ne consiste pas à fabriquer de belles images, mais à étudier la folie des hommes à la lumière de certaines métaphores comme Lautréamont étudiait son époque à la lueur du roman noir. Écouter la déraison sous les analogons relève d'une science infiniment plus précise que ne le laisseraient accroire nos modernes Aliénistes. Le mésusage d'une métaphore est une affaire grave, qui intéresse l'humanité entière. " (5)




Vu d'ici, au centre de l'agitation, dans le tumulte, l'orage et les bruits, il ouvre le livre nouvellement installé sur son bureau, et se souvient de quelques échanges un soir d'hiver, " Présence de Pleynet ", victoire de la peinture, de la littérature, de la poésie sur la modernité, ce bluff permanent.


Pierre Nivollet

Robert Motherwell
à suivre

Philippe Chauché

(1) Itinéraires de Marcelin Pleynet / Faire Part - revue littéraire - / La rive de tous les saints /  Marcelin Pleynet / 2012
(2)                                                   d° /    Philippe Sollers
(3)                                                   d° /    Philippe Muray
(4)                                                   d° /    Margaret Tunstill
(5)                                                   d° /    David Di Nota

dimanche 8 juillet 2012

Présence du Théâtre



" Ô dieux, dieux ! Comme la terre est triste, le soir ! Que de mystères, dans les brouillards qui flottent sur les marais ! Celui qui a erré dans ces brouillards, celui qui a beaucoup souffert avant de mourir, celui qui a volé au-dessus de cette terre en portant un fardeau trop lourd, celui-là sait ! Celui-là sait, qui est fatigué. Et c’est sans regret, alors, qu’il quitte les brumes de cette terre, ses rivières et ses étangs, qu’il s’abandonne d’un cœur léger entre les mains de la mort, sachant qu’elle – et elle seule – lui apportera la paix.

Fatigués eux aussi, les chevaux enchantés avaient considérablement ralenti leur allure, et la nuit inéluctable les rattrapait. La sentant derrière son dos, même le turbulent Béhémoth se tient coi. Les griffes accrochées au pommeau de sa selle, il volait, silencieux et grave, la queue étalée.

La nuit commença à couvrir d’un noir linceul les bois et les prés, et tout en bas, au loin, elle alluma de petites lumières tristes, - de petites lumières étrangères, désormais inutiles et sans intérêt pour Marguerite et pour le Maître. La nuit rattrapa la cavalcade, descendit sur elle et l’enveloppa, tout en semant çà et là, dans le ciel mélancolique, de petites taches de lumière pâle – les étoiles.

La nuit se fit plus dense, ses ténèbres roulèrent côte à côte avec les cavaliers, happèrent les manteaux, les arrachèrent des épaules, et révélèrent les déguisements. Et quand Marguerite, rafraîchie par le vent, ouvrit les yeux, elle put voir quels changements étaient survenus dans l’aspect de ceux qui volaient autour d’elle, chacun vers son but. Quand, par-delà la crête lointaine d’une forêt, le disque pourpre de la lune monta à leur rencontre, tous les faux-semblants avaient disparu, éparpillés dans les marais, les oripeaux fugaces de la sorcellerie s’étaient noyés dans le brouillard. » (1)



Anne-Christine Poujoulat - afp

Présence du Théâtre, présence de Boulgakov, présence des comédiens, de la mécanique des corps et des images de synthèse, présence au Théâtre, présence à la Cour d'Honneur du Palais des Papes, présence à l'Histoire et aux histoires, l'imaginaire est d'abord celui des corps et des voix, Simon McBurney y joint, en montreur d'ombre, des éclats d'envolées lyriques - la scène tourne et un cheval ailé s'élève sur la pierre du mur du Palais, en peintre, il y inscrit le corps supplicié du Christ - Zurbaran vivant - et finit par le faire exploser, final d'apocalypse, et comme McBurney est tout sauf un poser chic et toc, pas une seconde, il n'oublie le sens de la marche de ses comédiens, tous plus éblouissants les uns que les autres, unis et désunis et armés de toutes les certitudes du beau mouvement et de la volupté des phrases fussent-elles les plus terribles.





à suivre

Philippe Chauché

(1) Le Maître et Marguerite / Mikhaïl Boulgakov / traduc. Claude Ligny / Robert Laffont / 2012

jeudi 5 juillet 2012

Clara


Pour qui sait écouter, pour qui sait être saisi par l'art du saisissement, pour qui porte grande attention à Mozart et à ses pianistes, il existe une artiste - peut-on autrement la nommer ? - qui a traversé le siècle passé comme un astre noir, chutant et se relevant, doutant et incendiant, tremblant et donnant à la lettre sa netteté première, sa juste mesure, sa réelle portée, sa profonde force, sa nécessité, sa gloire secrète, son alchimie première, ses doutes et sa vérité, son nom : Clara Haskil. 
Pour s'en convaincre, si besoin est, il faut écouter, non comme l'on écoute ce qui aujourd'hui s'impose dans le bruit assourdissant dominant des fâcheux, mais dans la tension qu'impose Mozart, il faut écouter précise-t-il, les 4 sonates pour Piano et Violon, qu'elle a enregistré en 1958 avec Arthur Grumiaux, musique d'une intérieure incandescence, musique qui se saisit du Mouvement du Temps et le porte au point rare de la liberté libre du musicien, ce qui veut dire à ce qui est écrit : " Je ne conçois pas Mozart, je le joue tel qu'il est écrit. " (1), toutes les interprétations frivoles, guindées ou vulgaires s'en trouvent à jamais oubliées, et il en vient à rêver à un metteur en scène de théâtre qui ne dirait pas autre chose, et qui " s'en tiendrait à ce qui est écrit " chez Molière, Racine ou Shakespeare, sans s'obliger à nous obliger à supporter de vieilles inventions prétentieuses dont le seul objectif caché est de nous faire oublier, ajoute-t-il, le texte, ce qui est écrit, et tellement bien écrit - les mauvais lecteurs font toujours les mauvais metteurs en scène - Clara Haskil savait mieux qu'aucun autre lire ce qui s'ouvrait devant ses yeux troublants et troublés, et ses interprétations en sont d'une transparence des plus admirables, elle fait corps de son corps douloureux avec l'art absolu de la musique, qui en d'autres temps plus anciens troublait le plus musicien des philosophes.  



Ce mois de juillet Diapason a la bonne idée de consacrer quelques belles pages à notre pianiste, lisons :

" On aimait chez elle la fragilité, ce qu'on appelait la pureté esthétique, la limpidité du style, le fait que jamais elle ne s'interposait entre l'oeuvre et son auditeur. Commentaires, en réalité, qui étaient plutôt une façon de voir que d'entendre : Haskil était relativement âgée, de santé précaire, bossue, et le public pensait qu'elle allait mourir avant même d'arriver au piano. ll entendait donc ce qu'il voyait. " (1) Mais ceux qui l'ont entendu en la voyant, ceux qui l'ont vu en l'entendant, savent ce que voir veut dire et ce qu'écouter signifie, le réel est toujours mille fois plus troublant que l'imaginaire, Clara Haskil était pianiste du réel de la musique.  








à suivre

Philippe Chauché


(1) Clara Haskil - Le soleil noir du piano - Diapason - n° 604 - Été 2012