vendredi 13 septembre 2013

Courbet se Baigne

 

Lire c'est écrire, notait un écrivain girondin, alors écrivons :
 
Une nouvelle fois Courbet doit s'expliquer, alors il s'explique, même si cela lui paraît inutile. On lui pose des questions, il tente de gagner du temps, et finit par répondre. Il faut bien répondre un jour aux curieux, alors que cela soit maintenant, ce sera fait, après il ira se baigner et traversera le champ en fleur qui le sépare de la rivière :
- votre profession : peintre
- votre passion : la peinture et la nature
- votre philosophie : je viens de vous répondre
- votre religion : vous venez de la noter
- pourquoi la Suisse : un exil, pas surprenant lorsque l'on est peintre
- et la cause : le renversement de la Commune et la surdité de mes semblables
- votre avenir : la nature et la peinture, la peinture et la nature,arrangez-vous avec ça, j'ai du travail !
 
Il est des livres qui forcent avec style votre porte, qui s'invitent sans que l'on sache de prime abord pourquoi, qui prennent leur aise, alors votre bonne éducation vous pousse naturellement à les accueillir, à les feuilleter dans un premier temps, pour voir de quoi ils sont faits. Puis à tout reprendre au début, à lire à page à page leur nature, à reprendre, à hésiter, à ouvrir vivement les yeux, à les fermer et à écouter avec une grande attention, pour finir par secrètement se dire, qu'ils ont eu raison ne pas vous prévenir, la surprise est parfois affaire de plaisir, comme ce petit livre de David Bosc qui roule comme le Gave et vous éclabousse en passant. Il est plaisant de se faire mouiller par un tel styliste.
 
" Passé la frontière, Courbet ne cessa ni son industrie - la peinture à l'huile, principalement travaillée au couteau à palette - ni le plus grand plaisir de sa vie : il s'est baigné dans tous les courants, ruisseaux, fleuves et lacs qui n'étaient pas saisis par le gel ou annulés par la sécheresse. "
 
" Devant un objet, une femme, un vallon encaissé, le peintre est-il celui qui ne s'est pas coupé la chique en disant à voix haute : que cela est beau ? Il touche au miracle quand il descend dans le labyrinthe, quand il accepte de se mettre au pouvoir de la chose, de prêter le flanc à son mystère : en de tels moments, Courbet se laissait peindre par le lac aux couleurs d'eau, en reflets d'or, il se faisait cracher le portrait par la forêt, barbouiller par la bête, aquareller par le vagin rose. "
 
Courbet vivant, voilà un constat qui doit en gêner plus d'un, et pas seulement, cela va s'en dire du côté de ceux qui le vouaient aux enfers lorsqu'ils l'apercevaient aux côtés de ses amis communards et le croisaient avec Baudelaire. Courbet vivant, et quel vivant, nageant, marchant, suant, sautant, saisissant son couteau comme d'autres leurs idées. Courbet peignant sans se plaindre, - laissons cela aux têtes molles avons-nous envie d'écrire - Courbet peignant encore et toujours alors que l'on aimerait tant qu'il devienne une icône de la révolution retournée, mais il est trop joueur, il danse trop justement, comme Céline, il est insaisissable, c'est cet insaisissable qu'écrit David Bosc sans en faire une toile, mais mille toiles plus éblouissantes les unes que les autres.
 
 
 
à suivre
 
Philippe Chauché
 
 











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