samedi 7 mai 2016

Les voyages d'André Velter dans La Cause Littéraire




« Et notre chant invente ses raisons chimériques, ses emprunts cadencés, ses combats volontaires. Etre plus que soi en tout lieu, à toute heure, à toute force, chevalier qui a pris d’assaut ses rêves et n’a pas renoncé… » (Loin de nos bases).
« Du sable, du sel, de l’eau et du vent : désert qui mène à l’océan comme si deux horizons étaient venus se fondre sur une ligne d’écume. Rien que ce rien qui hisse la grand-voile et dispense de tout », Île de Sal, 7 janvier 1998 (Le jeu du monde).
 
L’écrivain voyage, le poète écrit, marche, chevauche, danse entre les collines et les fleuves. Double regard, double vision, l’une sur les traces de Saint-John Perse, chant, cante jondo, l’autre d’un bout à l’autre du monde, glissant ses mots au fil du territoire. 52 cartes pour se souvenir, pour écrire ce souvenir, cette présence. Où sommes-nous ? A Pékin – mémoire prise au débotté –, à Lisbonne – spleen de soleil perdu dans les embruns – ou encore à Amsterdam – le ciel occupe presque tout l’espace –, à Séville – pour donner des ailes à la vie et mettre un soleil dans le sang –, mais aussi à Amman – je cherche en vain un seul grain de la poussière levée jadis par Lawrence d’Arabie –, c’est ainsi que se questionne le monde et que s’écrivent les jours de l’écrivain voyageur, et il y a toujours une carte postale pour en témoigner.
 
 

 
André Velter ne tourne pas autour de sa chambre, mais autour du monde, et le monde s’invite dans son atelier d’écrivain. Il semble que pour bien voyager, il faut savoir écrire, et pour bien écrire, avoir su voyager – faire un tour de soi en se jouant du monde. Ses mots et ses phrases portent les traces de déserts et de parfums, de rues et de ports, de regards et de brumes, d’avions et de chevaux, de chants et de faenas. Et sous les mots et la plume, la voix, l’auteur se fait chanteur de ses récits – le cantaor se tient droit, pieds rivés à la terre, mains tendues –, parleur de sa poésie, musicien de son roman, épistolier pour son ami Yanny Hureaux, l’ermite des Ardennes.
« Si loin de nos bases, nous avons cessé de vaciller, d’hésiter, d’échanger en tous sens et hors de propos. Il n’y avait qu’à gravir, rejoindre un glacier à la nuit tombée, traverser les torrents jusqu’à l’encolure des chevaux, ramasser des éclats de lapis-lazuli et garder le silence » (Loin de nos bases).
« Je veux que cet état de sidération physique et mentale, ce duende au goût de syncope éclatante, me dure et m’accompagne infiniment », Mexico, le 20 septembre 2012 (Le jeu du monde).
 
 
Les fuseaux horaires tapissent Le jeu du monde, les cartes postales qui se glissent de portes en portes, de mains en mains en sont la géographie secrète, main à la graphie aventureuse qui s’avance en silence pour tracer des haïkus sur le sable de l’Ovale Nîmois, la main du Tao du toreo* et qui deviendra celle qui écrit de Mexico, de Pékin ou de Cologne. La fièvre nomade hisse Loin de nos bases sur les sommets du chant porté, du cante jondo sur le chemin de la haute Asie, à l’oreille de Saint-John Perse, comme une envolée de sable. André Velter a le talent de saisir en deux phrases ce qu’il voit, ce qu’il ressent, ce qui s’invite en sa mémoire, les pierres et les ciels parlent. L’écriture comme le vent n’est jamais empêchée par quelque douanier de la littérature, par quelque barrière de bois ou de pierre, elle file son chemin, glisse entre les doigts de l’écrivain, et il écrit d’un trait, d’un jet, d’une envolée, porté par une aventureuse nécessité**.
« Levez la tête et comptez depuis quand vous n’avez pas consenti à l’appel des astres ni à l’exemple des météores ! » (Loin de nos bases).
« Les pas dans les pas, avec la poussière comme seule mesure d’éternité », Delhi, 11 décembre 2009 (Le jeu du monde).
 
 
Philippe Chauché
 
Tao du toreo, dessins d’Ernest Pignon-Ernest, Actes Sud
** Josyane Savigneau, Le Monde

http://www.lacauselitteraire.fr/andre-velter

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