samedi 7 janvier 2017

Manuel Arroyo-Stephens dans La Cause Littéraire



« C’est dans sa petite boutique de la ruelle de Preciados que j’avais commencé à acheter des éditions originales des poètes de la génération de 27, et des livres publiés avant la guerre civile ».
 
Parmi les cendres est le roman de l’Espagne, l’Espagne marquée à jamais par la guerre et la dictature. Un roman des livres – un art secret de la résistance –, des toreros, les trois Rafael : El Gallo, Ortega et de Paula, des écrivains, José Bergamín, Rafael Alberti, mais aussi Antonio Machado, Miguel de Cervantès, des libraires clandestins, des collectionneurs, des livres rares, des villes, Madrid, Saint-Sébastien, Séville, des rues et des hommes qui durant la dictature faisaient passer les livres, de mains en mains, de villes en villes, comme des chargements d’or clandestins venus du Nouveau Monde, des travailleurs de la nuit, comme l’on dit en basque des contrebandiers.
Parmi les cendres est un roman familial, roman d’une trace laissée dans la cendre des disparus par une main invisible et clandestine. Parmi les cendres est aussi un roman de la mémoire, des mémoires qui surgissent, comme des fleurs d’été qui poussent sur les cendres des oubliés, le roman élégant du souvenir vivace de celles et ceux qui ont traversé le regard de l’auteur.

 
 
« Lorsqu’on le prenait en photo, il s’arrangeait toujours pour qu’elles fussent bien en vue. Il existe une série remarquable de clichés pris alors qu’il se trouvait derrière un des burladeros des arènes de Ronda : ses mains pendent par-dessus les planches, comme les serres d’un oiseau immense, tandis que ses yeux observent au loin, intensément, on ne sait qu’elle corrida imaginaire ».
 
Parmi les cendres est un grand roman de l’amitié, celle que l’auteur porte à José Bergamín, l’écrivain en exil permanent après la victoire de Franco. Mexique, Venezuela, Uruguay, France, et au Pays Basque, le clandestin absolu, définitivement fâché avec le pouvoir – Dans cette Espagne-là, il n’y a pas de place pour moi ; je ne tiens pas à m’y retrouver. C’est dans cette éblouissante régioncette mélancolie du torero, que se dessine le portrait de l’écrivain de la génération de 27, souvenir de celle de 98, Unamuno, Baroja, Machado, Valle-Inclán. L’écrivain, le poète, l’aficionado, le jongleur, l’acrobate, le révolté, le républicain, l’ami de Picasso, devenu basque d’adoption, nationaliste des derniers instants. Une fin de vie partagée avec Manuel Arroyo-Stephens, la mort rode sous la cendre, José Bergamín perd pied, gardant ce regard vif et profond, regard projeté sur la ligne claire des Pyrénées, loin de sa terre première, loin des arènes, de ses amis gitans, loin de Madrid et de Séville, face à l’océan, à quelques pas des Peignes du Vent du sculpteur Chillida. – Là-bas, la mer calme se brisait paisiblement contre les rochers et les fers de Chillida, rien ne semblait l’affecter. Derniers instants de l’écrivain, sous le regard et la plume de l’ami éditeur, c’est le roman de la fraternité des lettres, le roman de celui qui fut éditeur de haut vol – Turner.



 
 
« Ma mère pratique le monologue avec beaucoup de naturel, comme si c’était elle qui l’avait inventé. Elle appelle ça penser à haute voix. C’est ce que font beaucoup d’Espagnols : un dialogue avec eux-mêmes et un monologue avec autrui ».
Manuel Arroyo-Stephens monologue son histoire Espagnole, sa traversée de l’Histoire ibérique, celle de ses amis et de leur passions, de sa mère, des livres qu’il a lus, découverts chez ces collectionneurs de l’ombre, ces antiquaires des lettres, des livres et des hommes qui ne cessent de l’accompagner, dans un dialogue permanent entre les pages, et les lignes, telle une pensée à haute et belle voix.
 
Philippe Chauché







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