« Ton enthousiasme est extraordinaire, c’est la chose la plus précieuse chez toi, cette électricité rieuse, cette acceptation par principe de toute proposition, et la façon dont tu me salues quand j’arrive ensuite : en faisant de la main, paume ouverte dressée à la verticale dans ma direction et oscillant de droite à gauche, comme ces dizaines de mobiles de carton en forme de mains que j’avais vus une fois, accrochés avec une ventouse sur la baie vitrée de l’aéroport Marco Polo de Venise, face aux pistes d’envol… ».
La vie princière est une lettre à l’aimée, L.
Une adresse romanesque, ciselée, ouvragée, où chaque mot, chaque phrase semble pesée par une balance Trébuchet – il y a de la poudre d’or dans ce roman. Le narrateur séjourne au Domaine, lieu où se côtoient des chercheurs, des scientifiques, des universitaires et un écrivain. Le soir de son arrivée, le narrateur tombe sur L. « – Oh, pardon, je ne vous avais pas vue », un éclair traverse sa vie, la foudre qui s’abat sur son regard et enflamme sa peau. Elle, travaille « sur la figure du Christ chez les auteurs du XXe siècle ». Lui, écrit des livres, l’un sur « un pays lointain, ou plutôt ma succession de projets autour de mon impossible roman sur ce thème ».
La vie princière est le roman de leur éphémère rencontre, la musique légère de leurs croisements, de leurs regards, des frôlements, de leurs échanges sur la terrasse du Domaine, et de leur séparation, une expérience divine.
« Chaque seconde de ce dîner sera donc pour moi sacrée, jusqu’à la dernière, celle qui nous séparera puisque toujours je finis par être séparé des femmes dont je tombe amoureux. La séparation est devenue une constance de mon existence qui m’a forcé à changer de vie, et c’est pour ça que je me suis retrouvé romancier : je veux tout transformer en légende, créer une boucle continue, doubler l’éternité ».
La vie princière est un roman où la vie est « portée à son maximum, le lieu idéal, les trois mille oliviers et les trois mille cyprès, les pins parasols et les amandiers », un roman qui saisit le mouvement de la vie, ses éclairs, ses éclats et ses silences. La vie princière est un roman où le narrateur s’accorde à ce qu’il voit, et il ne voit qu’Elle, à ce qu’il ressent, il ne ressent qu’Elle, à ce qui s’ouvre sous ses yeux : la vie romanesque vécue au Domaine et la vie imaginée avec L., qui s’accorderait à la langue de Dante – « J’aurais tellement voulu que nous puissions, mine de rien, glisser dans l’italien… ». Ce beau roman est cette boucle d’éternité partagée avec L., et lorsqu’elle disparaît à jamais, comme elle était apparue, la vocation pour la joie l’emporte sur les démons qui font les mauvaises pensées.
« … il y a en français une expression que tu connais peut-être, parce que tu connais presque tout du français, c’est “boire les paroles de quelqu’un”, eh bien, je fais exactement ça : je bois tes paroles et elles me font escalader le ciel ».
Marc Pautrel a l’art d’écrire sur le fil de l’histoire, sur l’onde du Mascaret – on ne naît pas Bordelais pour rien –, de réduire sa narration comme on le fait d’une sauce, pour n’en garder que les sucs premiers des mots, les parfums les plus subtils des phrases, le cœur tendre de l’écriture.
Philippe Chauché
http://www.lacauselitteraire.fr/la-vie-princiere-marc-pautrel
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