samedi 12 octobre 2019

L'Ovalie de Daniel Herrero dans La Cause Littéraire




« Blanco inventa des trajectoires loufoques qu’il rendit lumineuses sans effort apparent, créa des figures originales comme autant de pieds de nez aux règles du rugby classique et sema le danger aux quatre coins du terrain. Son jeu aux formes inimitables lui valut tous les honneurs et les surnoms les plus flatteurs. Blanco le magicien, l’artiste, le funambule… » Serge Blanco.



 
Le Dictionnaire amoureux de l’Ovalie ne pouvait être imaginé et écrit que par un troubadour de la langue, un détrousseur de mots, un sudiste, un flibustier des pelouses toulonnaises, un pirate méditerranéen des vestiaires, un jongleur des métaphores et des coups de gueule. Daniel Herrero n’en est pas à son premier essai, la Passion ovale qui l’enflammait sur les terrains et dans les vestiaires, cet Esprit du jeu, où le savoir n’a rien perdu de sa saveur originelle, s’est mué en passion littéraire, et il sait comme d’aucuns faire voler ses phrases comme un ballon, les faire swinguer, leur offrir de réjouissantes métaphores. Daniel Herrero sait tout de ce jeu solaire et terrien, de ce ballon aux rebonds aléatoires, des corps et des cœurs qui chantent.
 
Le rugby, comme le vélo (1) inspire et aspire les écrivains, ses mots et ses noms deviennent des mots et des noms de romans : Ellis Park la « fosse aux lions », Aplatir, après tant d’efforts pour rejoindre la terre promise, le ballon est alors symboliquement « aplati » : vidé de ses forces, crevé. Le Maul est brouillon, il s’improvise, s’ébauche, s’enroule et se déroule comme une œuvre expérimentale. Le Dictionnaire amoureux de l’Ovalie est plus qu’un dictionnaire, avec ses 261 entrées, c’est un roman aventurier du savoir faire et du savoir être, un voyage savoureux et savant dans le monde du rugby, sur ses rives les plus lointaines, au cœur battant de ses pays, de ses villages, de son histoire, de ses héros, de ses rituels secrets, et de ses règles qui fondent sa liberté de mouvement, et des aventures rusées qui se déploient des avants aux ailes, des ouvreurs aux arrières.

 
 
« Leur style imprévisible et classieux portait le germe de l’insolite. André et Guy confirmèrent sur le terrain que le beau jeu est aussi affaire de sentiments, et que, quand on s’aime, on est plus fort », Les frères Boniface.
 
Le Dictionnaire amoureux de l’Ovalie est un livre gouleyant, aux milles parfums et saveurs, un livre pétillant qui fait vivre et revivre les noms qui ont enflammé stades et petit écran : Tana Umaga – Ses cheveux tressés flottent en vrac, coiffe éminemment poétique au temps des athlètes au crâne d’œuf ; Richard McCaw – Il est ce que j’appellerais un « empanaché flamboyant », capable d’aller dans le sombre, mais toujours en faisant preuve d’élégance ; Jean-Pierre Rives – Capable d’arrêter tous les chars d’assaut se trouvant sur la route du XV de France, il plaqua la terre entière, et bien plus s’il l’avait fallu ; Gareth Edwards – Aussi rapide qu’endurant (on disait qu’il avait trois poumons !), téméraire et inventif, il avait surtout une excellente vision panoramique ; Frédéric Michalak – Il cueillera un bouquet de Boucliers et soulèvera la Coupe d’Europe. Il tordra les Blacks à lui tout seul. Il fera un temps la guerre en Afrique du Sud où sévissent les mâles dominants.


 
Ce bel ouvrage met le rugby aux lèvres : mêlée, essai (il est merveilleux de se rappeler qu’au rugby un but se dit un essai, qu’il faut ensuite transformer), touche, plaquage, ses équipes les plus prestigieuses, ses stades, ses hommes de lumière (comme on le dit des toreros, Daniel Herrero ne se cache pas cette passion commune), son école et ses complices.
 
« Blondin le gringalet côtoya les vestiaires et les tribunes, essaima les pubs et traîna ses rêves dans d’interminables cascades d’anis. Guy Boniface, l’enfant sauvage aux courses échevelées, l’accompagna dans de nombreux méandres nocturnes, et Jean-Pierre Rives le sortit de l’oubli sur ses épaules généreuses, alors qu’Un singe en hiver et Monsieur Jadis qui avaient fait sa gloire n’étaient plus que des œuvres inestimables, enfouies », Antoine Blondin.




 
 
Comme l’on parle de beau jeu, on peut dire de ce dictionnaire qu’il s’agit d’un bel ouvrage, d’un livre affuté, qui raffute les mots de l’Ovalie et leur donne les mêmes éclats que Serge Blanco ou Jonah Lomu donnaient à leurs fulgurants débordements, comme autant d’éclats de douce folie conquérante.
 
(1) http://www.lacauselitteraire.fr/rencontre-philippe-chauche-et-christian-laborde

Philippe Chauché

ttp://www.lacauselitteraire.fr/dictionnaire-amoureux-de-l-ovalie-daniel-herrero-par-philippe-chauche

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