vendredi 14 août 2020

Lire Richard Millet

" L'imparfait me désigne aussi comme " dernier écrivain ", ce que des imbéciles ont pris pour de la vanité, alors que cette position concerne, de façon quasi impersonnelle,  le petit nombre d'écrivains qui refusent les mots d'ordre du divertissement général et du dispositif trans-humain : position par laquelle l'écrivain brigue l'intempestif, l'inactuel, l'anachronique, et où l'ultime n'est encore qu'une hypothèse inchoative : écrivant, lisant, méditant, je suis le contemporain de toute œuvre qui fait entendre l'originel dans la langue et dont l'originalité littéraire serait l'écho, d'Homère et Isaïe jusqu'à Paul Claudel. Claude Simon et quelques écrivains à venir, finalement d'outre-tombe, quoique non encore nés, et qui, en recourant à l'origine, se dresseront à leur tour contre les zombis post-littéraires, sur la grande scène farcesque qu'est devenu l'espace littéraire, et où la nuit n'existe plus, puisque la mort même est niée, et que le monde  n'est plus qu'un grand transparent - un écran romanesque sur lequel projeter une réalité de substitution. " L'Anti-Millet
" Langue prostituée - hors toute dimension sacrificielle. " Français Langue Morte


" Je me battais, je tuais (si tant est que je tuasse) aussi consciencieusement que lorsque je râlais le foin dans les près de Siom, élevé dans l'idée que ce qui doit être fait mérite d'être bien fait. " La confession négative


" Hanté par l'innocence et la pureté, je ne suis rien, homme las, chrétien de peu stricte observance, écrivain étranglé par lui-même, amant abandonné, silencieux musicien ayant lâché la proie pour l'ombre et devenu ombre parmi les ombres. " L'Orient désert


" Il y a une morale du murmure comme  il y a une vulgarité du cri ou de l'éclat. Le murmure n'est pas le plus secret de la voix ; il n'est pas le silence ; il est au plus près du silence que nos bouches sont presque toujours impropres à trouver ou à tenir. Le murmure est la réserve, la politesse du lien obscur que nous entretenons avec autrui comme avec nous-mêmes, l'ombre où la vérité point comme le jour - le point de la vérité, la clarté qui se fait jour à la pointe la plus discrète de notre voix. " Le point du jour - La Voix et l'ombre
Depuis 2012, depuis la publication de De l'antiracisme considéré comme terreur littéraire, et d'un essai, Langue fantôme suivi d'Éloge littéraire d'Anders Breivik, Richard Millet est devenu un écrivain invisible, illisible même, et tellement dangereux que les journalistes et les chroniqueurs littéraires, font comme s'il était mort et définitivement rejeté en Enfer. Ses livres aujourd'hui n'existent que par la fidélité de certains éditeurs : Léo Scheer, Pierre-Guillaume de Roux, Fata Morgana, La Guêpine, Les Provinciales, et de ses lecteurs, qui ne l'entendent pas de cette oreille. C'est le dernier exemple en date, d'un écrivain exécuté sur la place littéraire publique par d'autres écrivains dont un futur prix Nobel de Littérature, rien de dit que demain d'autres écrivains qui manient symboliquement et singulièrement,  le poignard et l'épée, ne seront à leur tour sacrifiés.
Philippe Chauché

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