dimanche 25 mai 2008

La saveur et le Savoir

à P.A.B.

" Au commencement est le silence. " (1), le verbe viens plus tard, s'il vient, rien ne l'y oblige, rien ne presse finalement, rien n'oblige le verbe à être, alors que tout vient de ce silence, tout passe par lui, il y a ainsi des silences qui en disent long et des mots qui sonnent aussi creux qu'une cruche de terre rouge qui sort du four. Pour mieux savoir où nous en sommes avec avec le verbe, il est heureux de l'exposer au silence, un petit jeu très instructif constituerait à rendre silencieux les premiers mouvements de toute aventure amoureuse.
Au commencement est le silence, le corps en sait quelque chose, ou en tout cas devrait le savoir, l'évidence éclate dans l'amour, dans la musique et dans l'écriture, c'est bien d'un corps que nous parlons et pas seulement, on saisit tout de suite s'il tient le coup face au silence, ou s'il disparaît, il en va de même du corps du torero, il en va de même de celui qui regarde de son tendido, regarde et attend en grand silence, cela devrait en tout cas être ainsi.

Au commencement est le dessin au fusain, il s'agit de saisir le mouvement, d'esquisser ce que seront les esquives, de présager de l'immobilité. Le corps amoureux du torero offre sa toile jaune aux éclats de peau et de cornes. L'art de l'accord et du désaccord, la saveur et le savoir, tout un art conjugué !

" Dans la vie et dans le monde des toros il est nécessaire qu'il y ait des brouillons. Je dirais même que dans les bonnes faenas j'aime que tout à coup il y ait quelque chose qui ne sait pas la perfection. " ... " Je n'aime pas ce qui est parfait ; j'aime ce que je sens. "... " L'important est d'embarquer le toro jusqu'à la fin de la passe de muleta. Jusqu'à ce que cela semble ne pas se terminer, et qu'on prolonge la charge du toro au-delà de ce qui est normal. C'est cela l'idée que j'ai de ma faena rêvée, que chaque passe de muleta n'a pas de fin. " (2)
Au commencement est le silence, et le mot vient, l'image surgit, il s'agit de dire et de redire, ce qui a été vu, de dire et de redire ce qui est invisible.
à suivre
Que mille redondos soulignent ta grâce.
Philippe Chauché

(1) Le discours de la corrida / François Zumbiehl / Verdier
(2) Curro Romero, Morante de la Puebla, Miguel Abellan in Le discours de la corrida / François Zumbiehl / Verdier

1 commentaire:

  1. Au commencement est aussi la ténèbre, et vient... la Lumière !
    Sombra y sol...
    La Lumière toujours à la merci de l'ombre...
    Cornada !
    A bientôt.
    Amitié.
    Gilles

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