samedi 7 mai 2011

Visages du Roman (33)



- La vie étant un théâtre, puissions-nous, cher ami, lui donner la grâce d'une comédie !
- Permettez-moi alors d'y choisir mon masque. Lisons :

" Suivant ce que j'avais ouï la veille, elle devait bientôt rentrer dans sa chambre à coucher, où était le lit de repos dont elle avait parlé. Je n'hésitai pas à m'y couler et à me cacher dans la ruelle de son lit, où je m'assis sur le plancher, le dos appuyé contre le mur, à côté du chevet. J'avais le rideau du lit devant moi, que je pouvais entr'ouvrir au besoin, pour avoir en entier le spectacle du petit lit, qui était dans le coin opposé de la chambre, où l'on ne pouvait pas dire un mot sans que je l'entendisse
Ainsi posée, l'impatience commençait à me faire appréhender d'avoir manqué mon coup, lorsque mes deux acteurs rentrèrent.
- Baise-moi comme il faut, mon cher ami, disait madame C... en se laissant tomber sur son lit de repos. La lecture de ton vilain PORTIER DES CHARTREUX m'a mise tout en feu ; ses portraits sont frappants ; ils ont un air de vérité qui charme ; s'il était moins ordurier, ce serait un livre inimitable en son genre. Mets-le-moi aujourd'hui, abbé, je t'en conjure, ajouta-t-elle : j'en meurs d'envie, et je consens à en risquer l'événement.
- Non pas moi, reprit l'abbé, pour deux bonnes raisons : la première, c'est que je vous aime, et que je suis trop honnête homme pour risquer votre réputation et vos justes reproches par cette imprudence ; la seconde, c'est que M. le docteur n'est pas aujourd'hui, comme vous le voyez, dans son brillant ; je ne suis pas Gascon, et...
- Je le vois à merveille, reprit madame C... ; cette dernière raison est si énergique, que vous eussiez pu, en vérité, vous dispenser de vous faire un mérite de la première. Ça ! mets-toi du moins à côté de moi, ajouta-t-elle en s'étendant lascivement sur le lit, et chantons, comme tu dis, le petit office. " (1)

- Amusant, fort amusant, cher ami, je constate que vous ne perdez ni votre argent ni votre temps en lectures fâcheuses !
- Si vous le souhaitez, je peux agrémenter nos échanges d'autres petites perles, qui pimenteront vos rêveries, et qui s'il le fallait vérifieront que ce théâtre là, peut par instant, offrir quelques savoureuses fables.
- Je ne résiste pas !
- Qu'on se le dise ! Qu'on l'écoute et qu'on le fasse :

" Mme de Saint-Ange. - Ce spectre de Vénus, que tu vois sous tes yeux, Eugénie, est le premier agent des plaisirs en amour : on le nomme membre par excellence ; il n'est pas une seul partie du corps humain dans laquelle il ne s'introduise. Toujours docile aux passions de celui qui le meut, tantôt il se niche là ( elle touche le con d'Eugénie ) : c'est sa route ordinaire... la plus usitée, mais non la plus agréable : recherchant un temple plus mystérieux, c'est souvent ici ( elle écarte ses fesses et montre le trou de son cul ) que le libertin cherche à jouir : nous reviendrons sur cette jouissance, la plus délicieuse de toutes ; la bouche, le sein, les aisselles lui présentent souvent encore des autels où brûle son encens ; et quel que soit enfin celui de tous les endroits qu'il préfère, on le voit, après s'être agité quelques instants, lancer une liqueur blanche et visqueuse dont l'écoulement plonge l'homme dans un délire assez vif pour lui procurer les plaisirs les plus doux qu'il puisse espérer de sa vie. " (2)




- Quel théâtre ! Quelle vie !
- Cela dit, lu et fait, chère amie, convenons, que la comédie de l'amour, reste une kômôdia, et lorsque le rideau tombe, le caveau s'ouvre !
- Un caveau qui s'ouvre, quel théâtre !

à suivre

Philippe Chauché

(1) Thérèse Philosophe / Mémoires pour servir à l'Histoire du P. Dirrag et de Mademoiselle Eradie / Le Terrain Vague 1954
(2) La Philosophie dans le boudoir / Donatien Alphonse François, marquis de Sade / P.O.L. / 1993

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