samedi 8 décembre 2012

Cénitz




" Les stations balnéaires ne sont pas uniformes. Chaque plage de la Côte basque possède sa personnalité propre. La grande plage de Biarritz est notre Croisette cannoise, avec le Palais en guise de Carlton rose, et le Casino comme un Palm Beach défraîchi. On pourrait se croire aussi sur les planches de Deauville, quand on s'assied en terrasse pour commander des huîtres et du vin blanc, en regardant déambuler des familles en bermuda qui n'ont jamais entendu parler des bals du marquis de Cuevas. La plage de Bidart est plus familiale, c'est la même bourgeoisie à pulls sur épaules qu'à Ars-en-Ré. A éviter si l'on n'aime pas les cris d'enfants noyés, les serviettes de bain Hermès ou les prénoms composés. Surnomée " la bâtarde des basque ", la plage de Guéthary est plus sauvage,  prolétaire ; elle à l'accent du pays et rassemble beaucoup d'ex-toxicomanes en désintox. Elle sent la friture et l'huile solaire bon marché ; on s'y déshabille dans des tentes rayées rouge et blanche louées pour la saison. Même les vagues diffèrent de baie en baie : plus droites à Biarritz, plus dangereuses à Bidart, plus hautes à Guéthary. A Biarritz, les vagues se cassent le dos sur le sable, à Bidart les baïnes t'aspirent vers le large, à Guéthary les rouleaux te broient sur les rochers. A Saint-Jean-de-Luz la digue a castré la houle, c'est pourquoi les vieux, assis sur des bancs, ne commentent que le vol des goélands et le passage des hélicoptères de secouristes. A Hendaye se trouvent les plus gros rouleaux, dont la célèbre " Belharra ", une vague de15 à 18 mètres que les surfeurs les plus psychopathes affrontent tractés par un scooter des mers. La plage des Alcyons, c'est carrément la grève bretonne, avec des embruns en guise de brumisateur, et les galets comme " foot massage " ; la Chambre d'Amour est un refuge pour romantiques indépendantistes et dragueurs nostalgiques de la Rolls Royce d'Arnaud de Rosnay ; la Côte des Basques sert de rendez-vous pour conducteurs de minibus Volkswagen remplis de fumée rigolote et de bikinis qui sèchent ; la Madrague est snob, tropézienne comme son nom d'emprunt. La plage préférée des habitants du coin se nomme Erretegia, cirque naturel splendide entre Ilbarritz et Bidart. Sa qualité principale : les Parisiens ne la connaissent pas. Pourquoi ma mémoire ne retient-elle que Cénitz ? "

Et vous voudriez que je me passionne pour la Méditerranée ?

Sur ces mêmes plages, les baisers volés ne s'écrivent jamais qu'au passé composé.

à suivre

Philippe Chauché

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