dimanche 7 juillet 2013

Par la Cour et les Villages


Peter Handke - photo Serge Picard

" Demain nous serons peut-être rien. Après-demain nous serons morts et enterrés et ne serons pas même une note dans les livres d'histoire. Mais, loin là-haut, les tombeaux de nuages blancs ne cesseront d'être nos lieux du souvenir. Nous sommes ceux qui n'ont pas de père, acquittés, débarrassés du pays natal, les beaux étrangers, les grands inconnus à la sage lenteur, les hommes de tous les temps. Ainsi nous utilisons la force de l'énigme. "

" Faites votre chemin dans le vide. Mettez votre masque de feuillage et renforcez le bruit du réel. Votre regard ne devient aigu que dans le bouleversement. Le visible c'est la loi et la loi est grande et elle vous redresse. Le ciel est grand. Le village est grand. La paix éternelle est possible. Suivez le son qui pénètre tout, englobe tout, rend compte de tout, redressez-vous tout en mesurant et sachant, voyez vers le ciel. Voyez danser les pulsations du soleil et fiez-vous à votre coeur qui bout. Le tremblement de vos paupières c'est le tremblement de la vérité. Laissez s'épanouir les couleurs. Suivez ce poème dramatique. Allez éternellement à la rencontre. Passez par les villages. "

En d'autres temps en peinture on appelait cela la composition, tout participait de la réussite du tableau final, sa préparation, ses fonds et ses pigments, son dessin premier, son ébauche, sa touche, ses couleurs, sa lumière, ses lumières, son repos. Un seul défaut, et la toile s'évanouit, une seule faute de goût, une infime absence de beauté et c'est l'effondrement.
Si nous étions sévère, c'est ce que nous dirions de la création de Par les villages par Stanislas Nordey dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes pour le Festival d'Avignon, si nous étions sévère ! Nous préférons écrire, qu'une absence de corps, de voix, de diction précise - mon beau souci - trouble la joie annoncée, qu'une comédienne a fait vaciller le bel agencement, la belle mécanique théâtrale. Qu'à trop s'abstraire, à trop se mettre à distance d'un texte et d'un personnage on finit par se noyer et par entraîner dans sa chute l'ensemble de l'édifice théâtral. Hier soir ce corps absent, cette voix souvent incompréhensible, notamment dans le dernier monologue, avait un nom :  Jeanne Balibar. Mains dans le poches, voix sans nuance, sans relief, sans corps, corps absent, mort né, dévidant ses monologues sans passion et sans raison, alors qu'à deux pas d'elle, Laurent Sauvage, Stanislas Nordey, alors que sur scène, Emmanuelle Béart, Véronique Mercier, trouvèrent la juste mesure, le juste accord des monologues du poème dramatique de Peter Handke, s'inscrivant dans le coeur de l'adresse au spectateur - à l'unique, c'est bien à vous que je parle !  - dans la matière organique de la phrase, comme un glacis dont on sait la nécessité, comme un fond dont on devine la raison profonde, comme un pinceau qui n'est que pinceau, mais quel pinceau, encore faut-il le savoir et y croire.
Le théâtre intime-monumental de Stanislas Nordey avait tout pour réussir la conquête des villages, mais dans la belle compagnie des diseurs de mots et d'aventure, il y avait une fausse note, un faux corps, une absence qui a fait trébucher les diseurs de belle aventure.



à suivre

Philippe Chauché 

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