« Perpétuel printemps du temps. A travers et
par-delà les saisons, les pays, les années. Immortalité individuelle
reconquise.
Vraie vie secrète, solitude radicale,
communication véritable, à l’infini. »
L’Infini, collection imaginée et dirigée par Philippe Sollers, n’a jamais aussi bien porté son nom. Car c’est
bien d’infini dont il est question avec ce roman de Frank Charpentier, infini
de la langue, de la poésie, du roman, qui prennent leur source au cœur même du
Livre des livres, celui qui a lu et bien lu Rimbaud. C’est disons-le, l’enfance des choses, et les miracles
qui nous occupent sont ceux de la langue et du style, de la poésie au roman,
contagion divine, colorée et musicale.
Il
s’agit de prendre tout cela à la lettre,
et d’accorder ses phrases au mouvement infini du corps, du verbe et du temps,
saut dans le temps, de la Genèse au siècle de Baudelaire « le premier
voyant, roi des poètes, un vrai Dieu »
qui a sa réponse, et quelle réponse : «
Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne
pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche
vers la terre, il vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De
vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. »
La
musique est cette part d’ivresse qui nous saisit, complément d’objet direct,
direct de l’âme au corps, du corps à l’âme. Pour se faire, se lever et écrire,
marcher et écrire ce que l’on vit et ce que l’on vivra dans les siècles et des
siècles.
Et si
Rimbaud, soi-disant poète éphémère de la jeunesse révoltée et insouciante, qui a disent-ils cessé d'écrire dans sa fuite trafiquante, trafiquer les phrases ou les armes ? Mais si Rimbaud
était pour qui sait le lire de face ou de biais, un homme de l’immersion dans
une langue et sa mécanique sacrée, un poète qui en sait beaucoup sur la mesure
du silence et la couleur des phrases ? Rimbaud : écrivain de l’escapade
vagabonde au centre du Livre, où tout déplacement dans le temps est un
mouvement dans l’espace. Ici et maintenant à Paris. C’est aussi ici et maintenant,
au Harar, de nouvelles Illuminations
livrées par la poste et décachetées par Frank Charpentier. D’une lettre l’autre,
comme l’on passe de l’enfer au paradis, de Verlaine à Noé, de l’Occident à
l’Orient, une dernière lettre, toutes les lettres.
Comme
chez le gnostique Philippe, Rimbaud expérimente un retournement : la
résurrection durant la vie, - scandale des scandales –. Immersion permanente
dans le Livre, autrement dit dans la liberté libre. Je fais ce que
j’entends et n’attends rien de ce que l’on veut que je sois - l’inverse de la
domination sociale -. Le narrateur du roman de Frank Charpentier met l’œuvre du
poète au diapason de sa vie et inversement. Ayant tout connu de l’état des
hommes et de leur surdité, il peut musicalement traverser l’aventure de la
poésie, et l’illuminer d’une autre lecture : l'alchimie du verbe. Prendre
chaque phrase, chaque poésie à la lettre. A. R. – Arthur Rimbaud, mais aussi A
Réaliser –, L… – le Lien, elle seule -, sans s’encombrer des fariboles fumeuses et
funestes que véhiculent les gloseurs assis. Roman évènement, La Dernière Lettre
de Rimbaud est aussi un roman avènement, comme on le dit du printemps.
Philippe
Chauché
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