La Dernière Lettre de Rimbaud, Frank Charpentier
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« La Providence fait quelque fois reparaître le
même homme à travers plusieurs siècles » (A. R.)
Rien ne t’oblige à entendre dans « lève-toi et
marche » de la Bible, « lève-toi et écris ce que tu es en train de vivre », mais
aussi « marche et écris ce que tu as vécu dans les siècles et des siècles et ce
que tu vivras ». Si tes phrases savent s’accorder au mouvement du verbe et du
temps, de la Genèse au Grand siècle, alors une nouvelle lecture est possible,
une nouvelle aventure est là, il faut la saisir et ce livre étrange t’y
invite.
Et si Rimbaud, soi-disant poète éphémère de la
jeunesse révoltée et insouciante, était pour qui sait le lire de face ou de
biais un homme de l’immersion dans une langue et sa mécanique sacrée, un poète
qui en sait beaucoup sur la mesure du silence et la couleur des phrases ?
Rimbaud : écrivain de l’escapade vagabonde au centre du Livre, où tout
déplacement dans le temps est un mouvement dans l’espace. Ici et maintenant à
Paris. C’est aussi ici et maintenant, au Harar, de nouvelles
Illuminations livrées par la poste et décachetées par Frank Charpentier.
D’une lettre l’autre, comme l’on passe de l’enfer au paradis, de Verlaine à Noé,
de l’Occident à l’Orient… Tout un roman !
« Définition de l’enfer : le centre est nulle
part et la circonférence partout, ça s’appelle aussi l’enfer-me-ment ! Le
paradis : la circonférence n’est nulle part, le centre est partout chez lui,
infracassable noyau de lumière nature, et ensuite pas de limites, de
mauvaises limites ».
Comme chez le gnostique Philippe, Rimbaud
expérimente un retournement : la résurrection durant la vie – scandale des
scandales. Immersion permanente dans le Livre, autrement dit dans la
liberté libre. Je fais ce que j’entends et n’attends rien de ce que l’on
veut que je sois – l’inverse de la domination sociale. Le narrateur du roman de
Frank Charpentier met l’œuvre du poète au diapason de sa vie et inversement.
Ayant tout connu de l’état des hommes et de leur surdité, il peut musicalement
traverser l’aventure de la poésie, et l’illuminer d’une autre lecture : l’hébreu
en son jardin. Prendre chaque phrase, chaque poésie à la lettre. A. R. – Arthur
Rimbaud, mais aussi A Réaliser –, L… – le Lien, elle seule –, sans
s’encombrer des fariboles fumeuses et funestes que véhiculent les gloseurs
assis. Roman évènement, La Dernière Lettre de Rimbaud est aussi un
roman avènement.
« L… est assise en face de moi. Deux
vodkas-pamplemousse, d’abord ; et, évidemment, une cigarette, plus une autre,
pour moi, chaque fois savourée comme chacune des Muratti que j’allume,
ces cigarettes italiennes que je fume depuis l’âge de dix-sept ans, c’est-à-dire
depuis que j’ai décidé d’être sérieux exclusivement à ma façon mais aussi
fidèle, et depuis plus longtemps encore jusque dans les plus petits détails très
tôt choisis ».
Très tôt choisis, les poètes vous prennent au
sérieux.
Philippe
Chauché
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