dimanche 4 mai 2014

François Rachline dans La Cause Littéraire





« Elevez-vous, Velázquez, je vous soutiendrai toujours. »
 
 

Vitalité du 17° siècle espagnol, vitalité de Velázquez et de ses Ménines, de La Famille. Le tableau prend vie à l’Alcázar, la demeure royale, il illumine aujourd’hui Le Prado, Palais des peintres, et n’aura cessé d’interroger Picasso, 58 toiles peintes en 1957 s’en inspirent directement. Tout espagnol sait que « la vie est un songe », Velázquez n’en a jamais douté et François Rachline en bon romancier ne saurait s’en défaire.  Songez donc à cette improbable rencontre entre le carrosse du peintre et un mendiant, Mendigo. Songez que le peintre va l’inviter à s’installer à ses côtés à

L’Alcázar, un palais où les plus grands peintres dialoguent avec le sévillan, à devenir son modèle, son confident, son allié.  Songez à ce qui se joue là, dans l’entourage de Philippe IV, les hommes de cour qui voient d’un œil noir ce peintre qui intrigue pour porter la croix de Santiago, et ce manant qui désormais le suit comme une ombre.

 

«Velázquez, sans quitter des yeux son ouvrage, se plut à évoquer des souvenirs. Il expliqua où et en quelles circonstances il avait acquis les œuvres rapportées dans la capitale, comment certains grands personnages s’étaient évertués à rendre plus difficile ses démarches – notamment le secrétaire de Francisco d’Este, Gimignano Poggi. Il relata sa rencontre avec le peintre français du nom de Nicolas Poussin, dont il admira la technique, l’invitation de Claude Lorrain à venir en France, sa visite à son ami Ribera, dont la santé l’inquiétait vivement, ses discussions avec le célèbre Bernin, qui tournèrent à l’aigre au sujet de Raphaël, et bien d’autres rendez-vous plus ou moins utiles. De ses échanges naquit l’idée d’un tableau différent de tous les autres, dont la nouveauté ne frapperait peut-être pas aussitôt, mais dont il estimait, lui, qu’il ouvrirait une voie nouvelle. »

 

Vitalité du style de François Rachline, qui croit aux belles manières de l’intrigue, de la description acérée, du dialogue aiguisé, du trait de moraliste, qui a lu et bien lu ses illustres maîtres classiques. Il n’est ainsi pas interdit de penser à Cervantès. Mais ici le maître n’a d’autre chimère que celle d’achever ce tableau inouïe, mais il faut pour cela développer une stratégie d’alliance fine avec le pouvoir royal, Mendigo en sera le témoin actif. Songez un instant que l’on croise dans ce roman, un jésuite inspiré qui connaîtra l’exil pour avoir mis en lumière l’art de gouverner dans la vérité, l’homme du Criticón, observateur de la Roue du Temps, de l’Auberge de la  Vie, et les Caves de la Mort. Songez au temps qu’il faudra pour que ce tableau du théâtre de la cour prenne corps, qu’il dévoile sous les pinceaux et les brosses, le tempo.

 

« Il ne suffit pas de saisir la perspective, la lumière, l’attitude, il faut encore pénétrer dans l’esprit du sujet, savoir ce qu’il dirait en face de toi. »

 

Songez que La Famille ou Les Menines va non seulement bouleverser pour les temps futurs l’art de la peinture, mais aussi plus directement la vie du peintre – il aura sa croix rouge et une éternelle reconnaissance, celle de son mendiant complice qui va perdre la tête, au risque, on ne le saura pas, d’y laisser la vie, et du roi saisi par tant de vérité, ou de songe ainsi mis en lumière ?

 

« Le roi tendit sa main au maître, qui la prit humblement, et ajouta :

- Je vous ai vu concevoir cet enfant, mais, comme chaque fois que Dieu consent à nous octroyer un bienfait, je tombe d’admiration devant le miracle de sa naissance.

Sa Majesté eut alors un geste inattendu. Il envoya de sa main gantée un baiser à son peintre.

- Vous seul m’apportez de la joie. »

 
Philippe Chauché  

 


« Elevez-vous, Velázquez, je vous soutiendrai toujours. »

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