« Elevez-vous, Velázquez, je vous soutiendrai toujours. »
Vitalité
du 17° siècle espagnol, vitalité de Velázquez et de ses Ménines, de La Famille. Le tableau prend vie à l’Alcázar, la demeure royale, il illumine
aujourd’hui Le Prado, Palais des peintres, et n’aura cessé d’interroger Picasso,
58 toiles peintes en 1957 s’en inspirent directement. Tout espagnol sait que
« la vie est un songe »,
Velázquez n’en a jamais douté et François Rachline en bon romancier ne saurait
s’en défaire. Songez donc à cette
improbable rencontre entre le carrosse du peintre et un mendiant, Mendigo. Songez que le peintre va
l’inviter à s’installer à ses côtés à
L’Alcázar,
un palais où les plus grands peintres dialoguent avec le sévillan, à devenir son modèle, son confident, son
allié. Songez à ce qui se joue là, dans
l’entourage de Philippe IV, les hommes de
cour qui voient d’un œil noir ce peintre qui intrigue pour porter la croix
de Santiago, et ce manant qui désormais le suit comme une ombre.
«Velázquez, sans quitter des yeux son ouvrage, se plut
à évoquer des souvenirs. Il expliqua où et en quelles circonstances il avait
acquis les œuvres rapportées dans la capitale, comment certains grands
personnages s’étaient évertués à rendre plus difficile ses démarches –
notamment le secrétaire de Francisco d’Este, Gimignano Poggi. Il relata sa
rencontre avec le peintre français du nom de Nicolas Poussin, dont il admira la
technique, l’invitation de Claude Lorrain à venir en France, sa visite à son
ami Ribera, dont la santé l’inquiétait vivement, ses discussions avec le
célèbre Bernin, qui tournèrent à l’aigre au sujet de Raphaël, et bien d’autres
rendez-vous plus ou moins utiles. De ses échanges naquit l’idée d’un tableau
différent de tous les autres, dont la nouveauté ne frapperait peut-être pas
aussitôt, mais dont il estimait, lui, qu’il ouvrirait une voie nouvelle. »
Vitalité du style de François Rachline, qui croit
aux belles manières de l’intrigue, de la description acérée, du dialogue
aiguisé, du trait de moraliste, qui a lu et bien lu ses illustres maîtres
classiques. Il n’est ainsi pas interdit de penser à Cervantès. Mais ici le
maître n’a d’autre chimère que celle d’achever ce tableau inouïe, mais il faut
pour cela développer une stratégie d’alliance fine avec le pouvoir royal, Mendigo en sera le témoin actif. Songez un
instant que l’on croise dans ce roman, un jésuite inspiré qui connaîtra l’exil
pour avoir mis en lumière l’art de gouverner dans la vérité, l’homme du Criticón, observateur de la
Roue du Temps, de l’Auberge de
la Vie, et les Caves de la Mort. Songez au temps qu’il faudra pour que ce
tableau du théâtre de la cour prenne corps, qu’il dévoile sous les pinceaux et
les brosses, le tempo.
« Il ne suffit pas de saisir la perspective, la
lumière, l’attitude, il faut encore pénétrer dans l’esprit du sujet, savoir ce
qu’il dirait en face de toi. »
Songez que La
Famille ou Les Menines va non
seulement bouleverser pour les temps futurs l’art de la peinture, mais aussi
plus directement la vie du peintre – il aura sa croix rouge et une éternelle
reconnaissance, celle de son mendiant complice qui va perdre la tête, au
risque, on ne le saura pas, d’y laisser la vie, et du roi saisi par tant de
vérité, ou de songe ainsi mis en lumière ?
« Le roi tendit sa main au maître, qui la prit
humblement, et ajouta :
- Je vous ai vu concevoir cet enfant, mais, comme
chaque fois que Dieu consent à nous octroyer un bienfait, je tombe d’admiration
devant le miracle de sa naissance.
Sa Majesté eut alors un geste inattendu. Il envoya
de sa main gantée un baiser à son peintre.
- Vous seul m’apportez de la joie. »
« Elevez-vous, Velázquez, je vous soutiendrai toujours. »
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