« En
retard pour l’école, Jean Thinez court de toutes ses jambes d’enfant. Allez Zátopek lui lance un voisin au
passage. Jean Thinez accélère. »
« Tout
dans la course est révolution, le circuit qui ramène invariablement au point de
départ, les jambes et les pensées, tout tourne en rond. »
Après
La Chanson du Mal-Aimant de Jean-Louis
Bally (recensé ici même), les Editions Louise Bottu publient un nouvel opus
sous Contraintes. La contrainte est
ici un tweet, 140 signes et 140 tweets pour faire gazouiller les
lendemains, qui on le sait ne chantent plus depuis bien longtemps. Marc-Emile
Thinez a plus d’un tour dans les tweets qu’il attribue à Jean Thinez, son
double romanesque, et sous ses chaussures de sport. S’il court ce n’est pas pour
distancer le vieux monde, c’est pour forger
son âme tout en musclant ses mollets et ses aphorismes, sans manquer entre
deux accélérations d’en rire.
« La
course est automatisme. Les jambes tournent, l’esprit vacant. Le sage,
Montaigne et le champion le disent, lorsqu’on court on court. »
« Répété
à l’envi, n’importe quel geste. Courir, tourner les pages, écrire… Tout geste,
quel qu’il soit, par sa répétition recrée le monde. »
« Adieu
transition, Conseils, autogestion… L’idée de Révolution d’année en année
s’améliore. Comme Sylvie Vartan. J.
Thinez, fan de variétés. »
Jean
Thinez met la Révolution au risque de ses tweets,
de la course à pied, et inversement, ce qui ne manque pas de piquant. Il court,
il tweete, le furet des temps
modernes, passe par Montaigne, repasse par Marx, Cioran – grand spécialiste de
la propulsion de l’aphorisme -, sans oublier Céline et ses tweets de châtelain,
Echenoz et son Zátopek, dont le corps au
carré se glisse entre les pages. Il s’amuse des répétitions de l’Histoire,
des illusions, du bavardage, et des
écrivains qui croient filer droit vers leur destin, alors qu’ils tournent en
rond sur leurs phrases, ce qui pour un coureur à pied est une aubaine.
« S’identifier
à l’homme archaïque et à Jean Thinez, se voir en Emile vu par Jean Echenoz,
citer à tout va… ce qu’on appelle être singulier. »
« Tu
peux toujours courir disait Jean Thinez qui ajoutait, le point de départ n’est
pas l’origine. Tourner en rond vers l’objectif imaginaire. »
« Un
jour l’Histoire ne repasse pas les plats ; le lendemain elle se répète… On
ne sait plus quoi inventer pour se faire bien voir du Temps. »
Marc-Emile
Thinez ne cherche pas midi à quatorze
heures, la contrainte des 140 signes l’amuse, il ne pose pas pour la
postérité, c’est la postérité qui lui tourne autour. Il n’invente pas un genre
littéraire nouveau, tel un coucou il s’ébroue dans l’art du roman bref, avant de reprendre sa course en 140 foulées,
et de le laisser tout froissé.
Philippe
Chauché
RépondreSupprimerTrès joli et intéressant !
Comme on le dit sur un autre réseau social appelé "le livre des visages" : j'aime !
Une confirmation, s'il en fallait une, que j'aime les formes courtes.
Ces formes courtes de l'écrit dont les idées sont souvent longues.
Au plaisir, cher Philippe.
Très heureux de vous lire à nouveau ici.
RépondreSupprimerBien à vous
Ph