mercredi 12 mai 2021

Un été à Miradour de Florence Delay dans La Cause Littéraire

« Aussitôt arrivés à Biarritz, ils se dirigent vers la plage du Miramar, plage sur laquelle donne l’ancienne villa Roussel, devenue villa Begoña. Haute villa à plusieurs étages reliés à l’extérieur par un escalier tournant, balcons tournés vers l’Océan, balustrades cintrées, tout semble danser ». 


Un été à Miradour est le roman d’une famille, d’une tribu, d’une troupe, qui se retrouve pour quelques semaines dans cette maison, lumineusement baptisée Miradour. Une maison de famille, transmise de père en père, qui domine l’Adour de sa colline, qui a traversé le siècle et les passions, a fait sienne les joies et parfois les doutes, qui se sont glissés dans les chambres, sans jamais obliger ses pensionnaires d’un jour, d’un été, à se départir de leurs civilités et de leurs bonnes habitudes. Un été à Miradour de Paul, le père, l’homme des savoirs et des transmissions, qui a toute sa vie étudié la mémoire et les maladies mentales, et se penche désormais sur l’avant mémoire, celle des grands-parents. On y croise également Madeleine la mère, Madelou, grande lectrice d’Hölderlin, qu’elle traduit patiemment – « Penchée sur l’épaule de sa mère, Marianne voudrait bien l’aider mais elle est en terre inconnue ». C’est aussi un été sur les collines landaises, aux portes du Pays basque, aux portes des arènes de Bayonne et des parties de pelote basque à Hasparren, la patrie de Francis-Jammes. Un été inspiré par Raymond Roussel, Octave, le mari de Marianne, écrit cet été-là un film qui lui sera consacré. Les heureux souvenirs, les moments partagés sur la terrasse de Miradour, les escapades à Bayonne, à Hasparren, ou encore à l’abbaye de Belloc – « Pour avoir accueilli les indésirables entre 39 et 45, le père abbé et le prieur furent déportés ». 
Un été à Miradour est le roman du temps suspendu, retrouvé, un temps heureux, qui nourrit ce roman léger et dansant. 

« Bains de soleil sur la terrasse, lectures à l’ombre, balades dans la propriété, les après-midi on flâne. Sauf Paul qui, après la sieste, se remet au travail une couple d’heures. Comme ni Albert à cause de ses jambes qui le font souffrir, ni Octave que la monotonie du paysage ennuie en sont amateurs de promenades, les couples se défont ». 

Florence Delay possède l’art de composer une subtile romance littéraire, toute en finesse et en légèreté. Son roman est admirablement composé, à la manière des Suites françaises de Jean-Sébastien Bach, qui pourraient ici s’appeler les suites basques et landaises, d’une famille admirable et d’invités choisis. La suite n°4 par exemple (que l’on peut écouter sous les doigts inspirés de Glenn Gould), qui tourne comme une danse d’enfants, avec ses déclinaisons, ses changements de rythme, ses petits éclats soyeux et joyeux, son temps qui se ralentit, ses belles respirations inspirées, le tout dans une grande rigueur d’écriture. Cette rigueur légère nourrit ce petit roman de 112 pages, 112 pages de bonheurs partagés, de joie transmise, d’histoires qui se donnent, et témoignent d’un temps présent, où le passé semble n’être qu’une inspiration du futur. La maison qui ne dort jamais, Miradour, veille sur ses visiteurs, ses admirateurs, ses gardiens, et Florence Delay qui sait ce que transmettre veut dire, en est l’un des flambeaux. L’écrivain a recomposé sa famille, recomposé les gestes, les habitudes, les coutumes, les secrets, les escapades, les plaisirs partagés, les rires, avec admiration. Florence Delay, écrivain de l’admiration, que nous aurions tort de ne pas admirer. 

Philippe Chauché 

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