dimanche 13 novembre 2011

Les Peintres


Giorgio de Castelfranco dit Giorgione - 1477-1510

" Combien ça dure la peinture ? Autant que ces corps en train de fondre ? Pas même. Le temps d'une brève déflagration et ça rentre dans l'ombre d'où ça n'aurait jamais dû sortir. Dans l'ombre des musées, dans l'ombre des foules à pieds soudés qui les visitent, dans celle de notre propre nuit marmiteuse où nous retournons vite fait. " (1)

Durée de la mémoire d'un tableau : de l'instant de l'éclair de l'oeil - appendre à regarder d'un seul oeil, jamais le même - à celui parfois fumeux de la mémoire - cimetière où l'on ne sait donner de la tête - ce qui n'est jamais très éloigné de l'idée de l'amour.

" Delacroix : " Pour peindre, nécessité d'avoir la fièvre. "
Poussin : " Peignant, je me sens enflammé. "
La vitesse. Pas celle qui se déplace d'un point à un autre, mais celle qui fait du sur place, vous cloue au sol, et c'est le monde alors qui vous traverse. La vitesse que vous communique une forte fièvre, une joie intense, ou la douleur... " (1)


Nicolas Poussin - 1594-1665

Dans toutes les situations, garder toujours un oeil sur les classiques, ne jamais s'en défaire, leur être d'une fidélité croissante, et embrasser les modernes sans pudeur. Etre de son siècle, ne doit jamais sauter aux yeux.

" L'humour de De Kooning : sa plus sûre parade face aux agressives, aux monstrueuses contorsions de ses épouvantails numérotés. Je veux parler de ceux qu'on entretient à demeure, à l'intérieur de soi-même, qui font dire à la plupart des peintres, sur le ton de la naïveté et de l'extase : " Tiens ! je suis habité par un espace sans mesure, par un temps sans limites ", alors qu'il s'agit plus prosaïquement, encore et toujours, du bon gros nucléus de l'être enfermé dans son étroit meublé de viscères, dans cette flasque ceinture de fertilité, résidu d'un très vieux et très gluant cordon ombilical avec quoi l'espèce nous a insensiblement garrottés. Cet assemblage de deltas et de marécages sanglants dans quoi le moi se désaltère, De Kooning ne les ripole pas, comme le font les grands rouleurs de mécaniques avant-gardistes, à l'aide des Grandes Primaires. A la différence des Léger, Mondrian, Malevitch, Kandinsky, Newman. Les bleus, les rouges, les jaunes ne lui font ni chaud ni froid, ni peur, ni jouir. C'est un réaliste, De Kooning. Il peint ce qu'il voit, en toute humilité, et ce qu'il voit a de drôles de couleurs : ça brille ou c'est complètement plat, ce sont des tons indescriptibles, des orange, des violets, des roses pas possibles, des gris-brun, des gris acier et surtout la teinte la plus affectionnée, celle ( the fleshy part ) dite du " foie cuit coupé "... " (1)


Willem de Kooning - 1904-1997

Le peintre : au dessus du Volcan, toutes les couleurs du mouvement de la lave, sans craindre d'y sombrer.

à suivre

Philippe Chauché

(1) La Peinture et le Mal / Jacques Henric / Exils - essai / 2000

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