samedi 5 novembre 2011

De l'art de peindre


Mark Rothko - Hommage à Matisse - 1954

" Rotkho a voulu, c'est incontestable, laisser attaché à son oeuvre ce signe, cette référence explicite à un peintre français et, je dirais même, au plus français des peintres : Matisse. On peut bien entendu par ailleurs débattre de la connaissance que Rothko avait de l'oeuvre de Bonnard. Mais, une fois encore, si l'on ne s'en tient pas à la vulgarité anecdotique des analogies formelles, ou chromatiques, on peut comprendre comment, et pourquoi, Rothko s'est employé à associer à son oeuvre le nom de Matisse... c'est une fois encore dans un état d'esprit où la peinture est d'abord prise en compte comme ce qui dans l'oeuvre est à l'oeuvre et traverse la peinture : ce qui traverse l'oeuvre de Matisse, comme ce qui traverse l'oeuvre de Rothko, ce qui de l'oeuvre de Matisse comme l'oeuvre de Rothko fait signe à la vérité ; à cette étonnante et fabuleuse découverte déclarative de Cézanne : " Je vous dois la vérité en peinture et je vous la dirai ". N'est-ce pas d'abord cela qui s'impose, et avec qu'elle hauteur, au seuil du XX° siècle, dans la peinture de ce vrai " primitif d'un art nouveau " qu'est Paul Cézanne ? N'est-ce pas d'abord cela qui dans l'oeuvre est à l'oeuvre, pour toute oeuvre qui mérite ce nom ? " (1)



Matisse, Cézanne, Picasso, et pour certains Bonnard - quoi qu'en pense Marcelin Pleynet, seul peintre, note-t-il, qu'il semble ne pas avoir su ou voulu voir, et pourtant les liens entre Bonnard et Matisse sautent aux yeux et au coeur : le manifeste de la couleur confronté à celui de la nature - il est heureux de voir à quels points ils ont été essentiels et nécessaires à ces artistes qui ont donné aux États Unis, les oeuvres les plus bouleversantes du XX° siècle, ils ont pour nom : de Kooning, Rohtko, Motherwell, Pollock, puis plus tard, Rauschengerg, Mitchell et Stella. Cette situation unique vérifie l'exceptionnelle vitalité, la superbe, l'éclat, et l'invention permanente de la peinture française - traversée de deux siècles - et la clairvoyance des américains libres de la liberté libre de la peinture française.
Et aujourd'hui : vide sidéral, absences d'admirations et blabla généralisé d'un art de boutiquiers sans mémoire.



" La couleur est le lieu où notre cerveau et l'univers se rencontrent, c'est pourquoi elle apparaît toute dramatique au vrai peintre. "
Paul Cézanne cité par Marcelin Pleynet (1)

La couleur, donc, ces couleurs, pôle autour dequel tourne le peintre, et qui va de soi dans sa troublante réalité, dans sa dramatique apparition, comme le dit si justement Cézanne, note-t-il, la couleur dont on ne défait jamais, révélation, action - comme cela se dit au cinéma avant que les comédiens ne jouent la scène qui leur est demandée - et admiration, la couleur à prendre toujours avec la bonne distance qui convient à l'artiste - le motif toujours le motif - car elle se dérobe souvent, la couleur comme état du monde, voyez-mes couleurs et leurs compositions, vous saurez où j'en suis, et où en est le monde. Les couleurs du XXI° siècle : invisibles !

à suivre

Philippe Chauché


(1) Rothko et la France / Marcelin Pleynet / Les Éditions de l'Epure / 2005

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