lundi 24 décembre 2012

Delacroix



" Delacroix était passionnément amoureux de la passion, et froidement déterminé à chercher les moyens d'exprimer la passion de la manière la plus visible. Dans ce double caractère, nous trouvons, disons-le en passant, les deux signes qui marquent les plus solides génies, génies extrêmes qui ne sont guère faits pour plaire aux âmes timorées, faciles à satisfaire, et qui trouvent une nourriture suffisante dans les oeuvres lâches, molles, imparfaites. Une passion immense, doublée d'une volonté formidable, tel était l'homme.
Or, il disait sans cesse :
" Puisque je considère l'impression transmise à l'artiste par la nature comme la chose la plus importante à traduire, n'est-il pas nécessaire que celui-ci soit armé à l'avance de tous les moyens de traduction les plus rapides ? "
Il est évident qu'à ses yeux l'imagination était le don le plus précieux, la faculté la plus importante, mais que cette faculté restait impuissante et stérile, si elle n'avait pas à son service une habileté rapide, qui pût suivre la grande faculté despotique de ses caprices impatients. Il n'avait pas besoin, certes, d'activer le feu de son imagination, toujours incandescente ; mais il trouvait toujours la journée trop courte pour étudier les moyens d'expression. " (1)




La question du déploiement d'un corps sur la toile, n'a jamais note-t-il été autant d'actualité, à voir ce qui s'expose ici ou là - même si des résistances au vulgaire dominant et marchand se font jour dans des espaces les plus improbables - il suffit de regarder ce qu'en fait Delacroix, le peintre y croit simplement, et cette croyance est un acte lumineux de vie, cela devrait inviter les maquilleurs à ranger pinceaux et couteaux, s'ils savent encore ce que ces mots veulent dire, et à changer de passion, si la moindre passion les habite, le regard des corps de Delacroix en dit beaucoup du regard passé des maîtres vivants, épousé par un art absolu du trait, de la courbe, de l'espace, leçon d'art total, si ce que je peins dérange mon siècle - et des siècles des siècles  - c'est non seulement pour les situations, mais aussi comment mes corps y vivent et se déploient, y prennent leur autonomie de pensée et d'action, yo Delacroix pourrions nous écrire, et nous l'écrivons. Delacroix croit au mouvement interne des corps exposés qui vivent sous nos yeux, rien n'y est définitif, il suffit d'être attentif et d'attendre que la nuit ne tombe, on voit alors ses femmes se déplacer dans la toile, et leur mouvement déchaîne leurs passions secrètes et la nôtre en est comblée.






à suivre

Philippe Chauché 


(1) Oeuvre et vie d'Eugène Delacroix / Curiosités esthétiques / Charles Baudelaire / Édition d'Henri Lemaitre / Classiques Garnier / 1962

6 commentaires:

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  3. Phrase 3017 de Cédric26 décembre 2012 à 04:55

    Je n'aime pas louer ni être loué.

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  4. Tiens, voilà que les phrases que je n'ai pas encore écrites parlent !

    Cédric est perplexe mais réjoui par cette perplexité.

    Cédric salue à son tour comme il se doit à qui de droit !

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