" Au début des années 2000, apparut José Tomas. Il représente les valeurs dont notre monde est en quête. Ses gestes entraînent la charge des taureaux dans des accords dont le temple et le duende sont dignes des plus lumineuses symphonies. Quelle que soit l'intensité des clameurs, José Tomas demeure solitaire. Il ne semble exister que pour accomplir son œuvre. Dès qu'il apparaît dans la lumière du soleil, il ignore la foule et s'enferme avec la bête dans un ghetto de tristesse. Alors avant chaque passe, s'échappe de ses lèvres un soupir pareil à un dernier souffle, et son engagement est si profond que sa vie semble s'arrêter dans chaque segment de sa faena. Lorsqu'il torée, José Tomas suspend le temps, la vie et la mort se fondent en une unité à la grâce inconnue. José Tomas nous transporte au-delà des angoisses que la mort impose. "
Il y a ce 16 septembre 2012, pas au passé mais au présent, cette corrida parfaite, unique, qui ne cesse d'occuper nos pensées et notre vie, de la transformer irrémédiablement, comme l'écrit avec tant de justesse, de sitio, Simon Casas.
Le très médiatique directeur des arènes de Madrid et de Nîmes a retrouvé sa vie réelle de Madrid à Nîmes durant ces minutes suspendues, durant cette incroyable geste, sa vie de torero avec Alain Montcoucquiol, l'homme qui fume ses souvenirs taurins et littéraires. L'un dans la lumière, l'autre dans l'ombre, le silence de l'un, les éclats et les colères de l'autre, le visible et l'invisible, et la vive lumière, qui comme une corne vous remet à votre juste place.
Il a donc fallu que cela ait lieu, pour que tout s'accorde, il a fallu l'incroyable pour voir le croyable.
La corrida est toujours une affaire personnelle, privée, et ce qu'elle découvre ne se partage qu'après, lorsque les clameurs cessent, lorsqu'il ne reste que le silence du geste, que la phrase des passes, que l'intense mélodie secrète.
La corrida parfaite réactive le temps, les temps passés, présents et futurs, deux hommes qui se croisent un instant, deux vies qui se saluent, et qui s'écrivent alors que sur le sable du ruedo, un héros devient ce je ne sais quoi, seuls ceux qui le comprennent voient leur vie.
" Alain avançait dans l'ombre sous les voûtes romaines, il s'est approché de moi. Notre échange s'est réduit à un courtois " ça va ? " José Tomas venait d'affronter six taureaux, quinze mille spectateurs, sa solitude, sa peur et, tel un empereur solaire, il avait dominé tout cela. Sorti de son exil pour deux heures seulement, il venait de résoudre une équation impossible : se livrer corps et âme à la mort et que cette dernière l'épargne. "
Philippe Chauché
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Laissez un commentaire