" Le bourreau et ses aides veulent me lier les pieds. Je refuse. La loi l'exige. Dura lex, sed lex. Alors, je me laisse faire. Et puis on me coupe les cheveux. J'enfile ensuite la chemise rouge, réservée aux condamnés à mort pour crime d'assassinat. J'avais pensé garder mes gants mais le bourreau m'a assuré qu'il saurait me lier les mains sans me faire aucun mal. Il serre le moins possible. Je prends congé du citoyen Richard et de sa femme, qui ont été si bons pour moi.
On sort dans la cour.
La charette m'attend. On me donne un tabouret, mais je sais déjà que je resterai debout. Je veux regarder la foule dans les yeux. On ne meurt qu'une fois. C'est la fin qui couronne l'oeuvre. "
On ne meurt qu'une fois. On n'écrit qu'une fois un tel livre. Je veux regarder la foule dans les yeux. L'écrivain regarde la Terreur dans les yeux, comme il regarde le roman dans les yeux, avec un talent rare, un art du saisissement de ces femmes et de ces hommes qui passent dans ces pages lumineuses leurs derniers jours, leurs dernières heures, avant d'être livrés à la folie meurtrière des spectateurs, lorsque le peuple devient spectateur de ses propres turpitudes, lorsque la folie terroriste du pouvoir s'arme de haine sauvage, l'écrivain de talent est là, loin cela va s'en dire, de ce que l'on marchande ici et là sous le nom de roman historique.
L'art romanesque se saisit de ces mouvements du Temps, dans ce roman, il est habité d'ombres que les révolutionnaires ont voulu fondre dans les raisons de la Révolution, leur disparition était leur programme, pas de chance pour ces vampires fâcheux, l'écrivain écoute, regarde, il voit, il entend, il écrit et c'est admirable, comme le regard de Charlotte Corday.
à suivre
Philippe Chauché
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