L'art d'écrire est un art de la légèreté, parfois même un certain art d'aimer, rien ne mérite que l'on ne s'acharne sur les scènes agitées du monde, tout mérite que l'on ouvre les yeux sur les mouvements du Temps, sur une fleur, un arbre, une lune, un sein, une plage, un dos, un livre, un dessin, un lapin sauvage, tout mérite de notre amusante inutilité et notre douce futilité.
L'art d'écrire dans la folie fâcheuse et parfois monstrueuse du monde, est un art de la distance distinguée, un art profondément solitaire. Vivre dans une solitude luxueuse et soyeuse, pourrait être sa devise, et il lui arrive de la partager, ou plus précisément de croiser une autre solitude joyeuse qui se laisse faire par ce qu'elle écrit.
" La plage est à l'origine de mes plus sûres découvertes, de celles dont je continue de vivre, malgré leur ancrage en un terrain friable, sur lequel, par définition, rien de durable ne s'édifie. "
" Traînée à l'échafaud, la proximité du supplice ne provoque chez Mme du Barry aucun sursaut d'héroïsme. Sur la charrette elle gémit, se débat, crie qu'il s'agit d'une erreur. Au lieu de se projeter dans une image plus grande qu'elle - ce que, la précédant, on su si bien faire Charlotte Corday, Marie-Antoinette, ou Mme Roland -, elle se ratatine de terreur, fond en larmes, tombe en faiblesse. Elle n'a pas de dignité et démontre avec éclat qu'une existence abonnée à la volupté n'est pas meilleure préparation de la mort. Mme du Barry a perfectionné d'autres talents ; elle a su jouir et faire jouir. Elle a aimé les parfums, les rubans, les bijoux, le regard des hommes, leur sexe, leurs mains. Et c'est de ce fond délicieux de frémissements, de caresses, d'orgasmes qu'au moment d'être précipitée sous le couperet de la guillotine monte en elle cette supplication : " Encore un petit moment, monsieur le Bourreau. "
" Dans ces années studieuses, dédiées à l'art d'aimer et d'habiter sans lendemain, le voyage me paraissait la seule vocation possible ; une activité dont l'objet était si vaste qu'il excédait les ressources d'une vie. "
" Vous avez passé la journée dans les cafés, à calmer une soif que rien n'apaise. Et maintenant, sans hésiter, sans lire les lettres éteintes de son enseigne de néon, vous entrez dans le premier hôtel venu. Vous demandez une chambre. On vous dit que la chambre 34 est libre, voulez-vous la visiter ? Ce n'est pas la peine. On vous tend la clef avec un sourire absent, tandis qu'au dehors, dans le tournoiement des hirondelles, le carillon des vêpres se déchaîne... Vous notez, par réflexe, qu'il n'y a aucun éclairage pour lire. C'est une chambre comme une autre. Une chambre où l'on ne fait que passer. "
à suivre
Philippe Chauché
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