mercredi 25 juin 2014

De Jean-Louis Bailly, d'Antoine Bréa, de l'Infini et de José Tomás.



Jean-Louis Bailly qui ne manque jamais d’humour et d’affabulation se livre là à un exercice stimulant d’écriture sous contrainte, ouvrant grand le livre des mots d’argot, rares, drôles et pétillants, qui bousculent les poèmes d’Apollinaire avec la folle envie de « les gâter » et avec « le plaisir douteux de martyriser la langue française ». Un peu comme si Audiard s’aventurait à jouer les trouble-fête avec La Chanson de Roland. On ne saurait mieux rêver d’un tel projet né d’un esprit piquant et galopant qui saute à cloche-pied d’une image à l’autre, d’un mot à un autre, qui se joue des strophes, comme un sacripan londonien (qui) divague du doux matin au soir navrant et passe de la terre au ciel après avoir lancé au hasard son chaillou dans cette marelle poétique.
 
La suite est à lire dans La Cause Littéraire :
 
 
Antoine Bréa c'est Maldoror et Dante qui rêvent et qui écrivent à voix haute le livre secret et caustique de Muhammad Ibn Sîrîn, sorte de gaz Sarin de la pensée, d'évidence le livre le plus drôle et le plus émoustillant de l'an de grâce 2014. A suivre dans La Cause Littéraire.
 
" Il est vrai que Dieu t'a fait le don du rêve mais qui te dit qu'Il t'a fait là un beau cadeau ? Le rêve est le trône de misère où Dieu s'assoit sur les visages. Le rêve est la froide chambre des reclus que ne pénètrent pas les lueurs de l'aube. Le rêve te fendra le tronc comme l'hiver. En rêve l'homme est un vautour stupide et sale comme il l'est dans l'autre vie. Le rêve est plein de musique d'église dont Satan joue les notes en bon interprète. Si la vie t'autorise à oublier le rêve après la sieste ou au petit matin remercie-la pour ses grâces. "
 

L'Infini n'en finit jamais. Marcelin Pleynet interroge une nouvelle fois Ezra Pound, écrire sur les Cantos  et donc sur la place politique du poète :

" Il sera réellement surpris et très profondément troublé que l'on considère comme une traîtrise ses émissions à la radio fasciste italienne à destination de l'Amérique. Pound s'identifie si totalement aux Etats-Unis d'Amérique qu'il ne peut comprendre que l'on ne reçoive pas ses critiques comme venant en quelque sorte du plus patriote - sincèrement patriote - des Américains.
C'est si vrai qu'à la fin de sa vie, considérant la crispation qui le conduit progressivement à un antisémitisme de propagande de plus en plus explicite, il déclarera à Allen Ginsberg : " La pire erreur que j'ai commise a été ce stupide préjugé de banlieusard, l'antisémitisme."
.... Pound ou Céline, différemment, sont insupportables parce qu'ils en disent trop. Parce qu'ils en disent plus que les simples et politiquement corrects discours des consciences masquées.
... " L'oreille " de Pound a tout entendu de la musique de ce siècle. On ne lui pardonnera pas. "

( L'Infini - 127 - Eté 2014 - Gallimard )


 
" La tonalité, les attaques, les modulations, les variations, l'échappée et l'improvisation, le scat, on peut parfois avoir l'impression physique de swinguer en écrivant, et de deux façons au moins. Si vous écrivez à la main sur du papier, la plume glisse, c'est comme un archet qui caresse la corde, vous êtes Dave Holland jouant de la contrebasse. Si vous tapez directement sur un clavier, vous êtes un pianiste, d'ailleurs le mot " clavier " est le même, c'est plus percussif, vous êtes Cecil Taylor devant son piano. Le glissé et le percussif, l'archet et le clavier, ce sont deux métaphores qui me viennent souvent à l'esprit quand j'écris. "
 
( Marc Lambron répond à Franck Médioni dans " Improjazz "  - repris dans L'Infini - 127 )
 
 
 
Septembre 2012 : 
 
" Je ne crois que dans ce que je vois, et ce que je vois n'est pas ce que vous pensez que je puisse voir, c'est tout autre chose ! "
Mais que voit-il, que nous ne pouvons saisir ?
Mais que saisit-il, que nous nous ne pouvons voir ?
L'imaginaire du réel est le réel de l'imaginaire, c'est ainsi que s'écrivent les œuvres de beauté ! Le Temps suspendu à une muleta dans sa gravité - la tauromachie n'est pas toujours chose joyeuse ! - pour se retrouver dans une trinchera que rien n'oblige sauf le savoir de l'homme - le savoir et sa profonde - templar - sagesse ancienne - qui n'attend et n'entend rien du chichi taurin dominant, mais qui est le silence absolu du toreo.

Que fait-il que les autres ne font pas ?
Où est-il dans cette histoire qui se joue sur le sable ?

" Tomás ? Un saint ou un ange. Un ange ? Un être sans ombre. On sait peu sur lui, sauf ces inclinaisons, supra, arrachées à quelques rares interviews. José Tomás parle plus à son boxer Manolete qu'aux journalistes. Et s'il se confie, c'est au toro. Autre caractéristique des anges :  ils circulent de droite à gauche ou de gauche à droite sans passer par le milieu et sans laisser de traces. Tomás se pose sans peser. Et, critère taurin absolu, sans lever la plante des pieds. Après ses meilleures faenas, on peut scruter la piste. Pas ou peu d'indices d'une présence, d'un corps. Pas de zébrures sur le sable. Celles que font les zapatillas des toreros du zigzag se replaçant nerveusement par petites courses, parce qu'ils ne dominent ni les attaques des toros ni la chamade de leur cœur. Lui se transforme en minéral ou en métal. Il l'a dit : les jours de corrida, il laisse son corps à l'hôtel. On peut en déduire qu'il veut devenir seulement une muleta, de la même façon que Glenn Gould du Naufragé de Thomas Bernhard a juste le désir d'être, non pas un pianiste, mais un piano, son Steinway, pour se passer de ce Glenn Gould qui fait écran entre Bach et lui. Le pianiste, le trop. Il respire, il sue, il s'agite dans la poussière. Les pianos ne bougent pas, et ne soulèvent pas de poussière lorsqu'ils jouent. Tomás, pas plus. Lorsqu'il joue juste, lorsqu'il torée juste, on l'imagine en apnée. Chez lui, très peu d'empreintes, et une gestuelle réduite à sa plus simple et compliquée expression. Jean Baudrillard dans Cool Memories : " Il faut être parfait danseur pour danser l'immobilité. " ( Jacques Durand )

Tomás à Nîmes, six toros et combien de faenas ? Chacun répondra ce qu'il a vu, ce dont il se souvient ou ce qu'il imagine avoir vu, note-t-il, mais les faits sont là, c'est la grammaire taurine, chaque toro est reçu près des barrières, puis en trois quatre véroniques et il est au centre, c'est bien au centre que l'on se doit d'être, non ? Le centre : exposition absolu et visible par tous, et tout d'abord par le toro. J'y suis, j'y reste, semble-t-il dire, comme l'affirment les enfants !
Économie du geste, geste de l'économie comme chez Becket, un mot, deux mots, une phrase et cela suffit, toute profusion tue le mouvement interne du déplacement et de la phrase. En deux passes trois mouvements il dit : je suis un torero classique, pas moderne, je m'accorde en un temps aux quatre temps du toro, le reste, les autres, il récitent ce que l'on attend d'eux, moi je sais et je suis. Leçon philosophique, Montaigne nous invitait à " faire court " à écrire en deux phrases trois mouvements, et ainsi dévoiler la transparence de sa pensée, celle du torero est d'évidence, et c'est cette évidence qui le rend unique, l'unique et son double invisible. Septembre 2014 ?
 
à suivre
 
Philippe Chauché
 

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