" Vous avez raison, maestro de maestros. Dans les feintes et les leurres dont est fait le toreo, dans ces jeux d'ombres chinoises, des passes et de postures, une vérité cure, essentielle, surgit avec une force imparable. C'est le grand paradoxe de la condition humaine, quand la vie est inséparable de la mort, quand rien ne donne plus de flamme, d'intensité et de passions à la vie que la proximité de l'extinction, surtout lorsque l'esprit humain, dans un ultime défi, construit une autre vie faite de grâce, de formes, d'élégance, de rythme et de beauté, l'art, en somme, une vie qui nous fait pressentir la chimère de l'éternité. " Mario Vargas Llosa - Monologue du taureau ( face à José Tomás ) - Dialogue avec Navegante - Au Diable Vauvert
16 septembre 2012, seul contre six, c'est ainsi que l'on nomme ce qui se joue là. Seul contre six et peut-être sept à bien y regarder. " Regarder la mort en face ! " disent-ils parfois, ou leur fait-on dire. Regarder le sang en face pour apercevoir la chimère de l'éternité si on suit Vargas Llosa, et nous aurions tort de ne pas le suivre.
" Entre 20 h 15 et 20 h 30, devant Exhortado, il s'expose une bonne douzaine de fois à son principe mortifère. La létalité, c'est son affaire, et les mortelles hésitations du toro de Martelilla, toujours prêt à décocher son coup de corne au milieu de la passe, lui permettent de mettre son évangile en application. Froidement. Avec minutie. José Tomas, blanc comme la fleur de cerisier et le visage du samouraï selon la tradition, immobile et impassible comme un cadavre en sursis, croisé au maximum comme un croisé de sa cause, a tout donné de lui à un toro qui, lui, donnait, très peu de choses, sauf ces promesses de drame et ces avis de décès improbables que les aficionados nomment les avertissements. Outre leur beauté plastique née de leur envergure, les passes de José Tomas donnaient à voir sur leur tracé la naissance et le cheminement d'une angoisse qui creusait les joues puis son apogée lorsque les cornes très pointues glissaient lentement sur ventre. Dans le olé ! déchiré et convulsif qui saluait leur aboutissement, on pouvait déceler la liquidation soulagée de cette angoisse qui allait, inexorablement, faire retour dans quelques secondes , et taper sur le tambour de Las Ventas comme un taon contre une vitre. Tauromachie du ay ! " José Tomas Roman - Jacques Durand - Actes Sud
La tauromachie est un roman, Simon Casas a lancé quelques petits cailloux dans le ciel nîmois aux reflets andalous, ils retombent en mille fleurs qui parfument son « envers de la cape ».
Vérifications : " Ecrire, prier et toréer imposent des engagements comparables : il ne faut rien attendre et tout donner. Pourtant les toreros demandent à Marie protection et gloire." mais aussi : " Nous avons essoré nos vingt ans... Et épuisé nos dires. Le silence est notre lien. Notre amarrage. Comme un anneau rouillé dans un port où les bateaux toujours gîteraient, même lorsque la mer y serait d'huile. " ou encore : " La musique joue. Ils doivent juger l'instant important ; se dire que je suis un maestro. La musique de la Maestranza est si belle. Et mon fils qui pleure... Prends ton temps, mon enfant : c'est notre temps. Tu coupes la coleta de ton père. Que ça dure éternellement. Ils applaudissent. Ils sont émus. Et quand je pense qu'il y a quelques minutes certains me sifflaient, m'injuriaient... De mes poignets, j'anime l'étoffe soyeuse de ma cape. Je pétris mon élan, je malaxe mes pulsions. Enfin, j'enchaîne les véroniques. Souples, voluptueuses. Les volumes de nos corps s'amalgament comme de joyeuses particules glissant les unes sur les autres. Ne fait-on pas pour toréer de même que pour aimer ? " mais aussi : " Je cachais une étoile de David dans le revers de mes costumes de lumière alors que je priais devant les Vierges des chapelles d'arène en Espagne, le cou bardé d'effigies de tous les saints de la chrétienté. Je la caressais des doigts de ma main gauche et je me signais de la main droite. J'étais un torero juif, en Espagne, et, inconsciemment, je m'astreignais à d'inquisitoires diktats, héritages ancestraux que je soupçonnais pas. " Simon Casas - L'envers de la cape - Fayard
" Un héros doit rassembler en lui, autant qu'il est possible, toutes les vertus, toutes les perfections, toutes les belles qualités, mais il n'en doit affecter aucune. " Baltasar Gracian - Le Héros - traduc. Joseph de Courbeville
à suivre
Philippe Chauché
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