« J’ai des points communs avec des dessinateurs, des peintres, des biologistes, des musiciens, avec des personnes qui ne pratiquent aucun art mais qui exercent leur profession avec imagination. Je déteste l’idée de groupe et de corporatisme. Aller voir ailleurs profite toujours à notre art ».
Sur le ring du roman, Martin Page invite Daria, une jeune femme romanesque qui se livre à quelques exercices littéraires. Il répond à ses lettres imaginaires, comme à l’entraînement : esquive, pas de danse, jambes souples, souffle contrôlé et poings prêts à frapper, pour lui montrer ce qu’il convient d’éviter si elle veut gagner aux points. Il témoigne de ses combats permanents, de sa lutte incessante contre les assis et contre lui-même. Le doute comme une paire de gants de cuir où l’on se glisse, les incertitudes comme des cordes qui renvoient l’écrivain au centre du ring, exposition totale, où se découvrir peut être fatal. Mais aussi toujours avancer, même lorsque l’on perd du terrain. Ecrire et ne jamais baisser la garde, écrire et s’en donner les moyens.
« Mon bureau devient un laboratoire. J’ai mille tubes à essai et éprouvettes (logiciels de montage, de photo, de musique, stylos, crayons, feutres, encres). C’est une époque idéale pour les expériences ».
Entre les cordes du roman, Martin Page imagine ce dialogue avec sa jeune lectrice qui se pique d’écrire, et qui écrit. Le romancier pose plus de questions qu’il n’offre de réponses. Son expérience et son état de tremblement intérieur est un terreau littéraire. Ecrire certes, et publier, en choisissant une maison qui accueille les écrivains de styles et d’univers différents sans perdre de vue qu’il faut d’évidence un certain entraînement pour la trouver, un regard fin, une connaissance précise de son histoire et de ses fréquentations. Entre les cordes de son roman, Martin Page livre un combat incessant contre tout ce qui le désoblige, et la plus juste des réponses, c’est s’obliger à être écrivain à chaque instant, à se glisser à la hauteur de ses propres exigences d’écriture, de vie. Ecrire, mais aussi marcher, lire, prendre des notes, convoquer nos personnages dans notre esprit, divaguer.
« Comme le temps me travaille, je travaille avec le temps ».
Sur le ring de cette correspondance, Martin Page dévoile quelques uns de ses principes littéraires, sous l’influence de la météo de ses humeurs, et il invite la jeune artiste à suivre les siennes en profitant des malentendus et en organisant son indépendance. Le combat n’est jamais gagné, les bookmakeurs misent parfois au malheur la chance : rencontres truquées, fatigue, découragement, mais aussi parfois une ouverture, l’éclaircie, l’éclair, comme un uppercut de la phrase qui relance le combat.
« L’art est un art de vie et de combattre. N’oublie jamais ceci, chère Daria : le monde est magique et nos pouvoirs sont infinis. Il n’y a qu’une chose à faire des violences, des jalousies, des dégueulasseries, de tous les coups et des mensonges : les dévorer. C’est notre faim qui nous sauve ».
Philippe Chauché
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