dimanche 6 avril 2008

Loin des Ténèbres


" Ce chemin de la Nuance ( qui est parti du Temps qu'il fait et qui le suit ) : quoi donc, au bout ? Eh bien la vie, la sensation de la vie, le sentiment d'existence ; et nous savons que ce sentiment, pour être pur, intense, glorieux, parfait, il faut qu'un certain vide s'accomplisse dans le sujet ; même lorsque la jubilation ( d'amour ) par exemple est la plus intense, c'est parce qu'il y a dans le sujet un vide de langage ; lorsque le langage se tait, qu'il n'y a plus de commentaire, d'interprétation, de sens, c'est alors que l'existence est pure : coeur " plein " ( qui " déborde " ) = connaissance d'un certain vide ( thème éminemment mystique ) ; le défaut, la défaillance de discours renvoie à deux états extrêmes : la misère absolue du " paumé ", la jubilation ardente du " vivant " -- La Nuance - si on ne l'arrête pas - c'est la Vie - et les destructeurs de nuances ( notre culture actuelle, notre gros journalisme ) = des hommes morts et qui, du sein de leur mort, se vengent. " (1)

Il écrit Jubilation ardente du "vivant", on ne saurait trouver mieux contre la misère absolue des Ténèbres, contre l'axe du néant qui poursuit sa contamination. Jubilation absolue de la vie, c'est cet axe là qu'il convient d'habiter, de faire sien, comme une seconde peau perméable au temps et imperméable aux Ténèbres.
Il pense à la Nuance, cet axe autour duquel s'enroule souvent le haïku, Nuance du mot courtisé par le verbe, Nuance de l'oiseau posé sur la branche, Nuance de la fleur que fait vibrer le souffle du vent, Nuance du regard que nourrit l'autre regard, Nuances des corps, Nuances des espaces où se pose le temps accompli.

" Un léger somme -
la main s'arrête qui agitait
l'éventail " Taigi (2)

Il traverse cet espace qui le sépare de l'île, sa barque l'attend, il va pouvoir dériver sur les eaux jaunes de la rivière, et laisser son coeur se reposer, ses bras s'allonger comme celles des femmes qui "volent", ses yeux briller, et sa bouche se souvenir des mots qui nourrissaient ses rêves.

Que mille voiles t'accompagnent.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Roland Barthes / La Préparation du Roman / Cours et séminaires au Collège de France / Seuil IMEC
(2) Anthologie Haïkus / Traduc. Roger Munier / Fayard

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