Il chante sur le mode convulsif des adolescences impubères le chant orgiaque de la Pureté.
Il renonça à la combustion crétinisante des sous-produits de l'esprit.
Il découvrit la glaçante puissance hystérique de la Parodie.
Il accoucha, comme de leur fruit naturel, la logique de l'absurde, le grotesque de la logique.
Il comprit le premier la bouleversante-démiurgique valeur de l'humour. Grâce à d'inouïs retournements de la logique, il créa des dépaysements inassumables, magnétisant les sordidités les plus compactes, apprivoisant l'horrible, rendant au pain son goût de souffre, au vin sa nature de jaspe, au pain et au vin, leur nature de miracle. "
Aimé Césaire / La poésie de Lautréamont belle comme un décret d'expropriation / in Tropiques 1943 repris dans L'Infini/ Gallimard / N° 34 été 1991
" Là
où l'aventure garde les yeux clairs
là où les femmes rayonnent de langage
là où la mort est belle dans la main comme un
oiseau
saison de lait
là où le souterrain cueille de sa propre
génufexion un luxe
de prunelles plus violent que des chenilles
là où la merveille agile fait flèche et de feu de tout
bois..."
Prophétie (extrait) Aimé Césaire
" On ne me verra pas, à mon heure dernière (j'écris ceci sur mon lit de mort), entouré de prêtres. Je veux mourir, bercé par la vague de la mer tempétueuse, ou debout sur la montagne... les yeux en haut, non : je sais que mon anéantissement sera complet. D'ailleurs, je n'aurais pas de grâce à espérer. Qui ouvre la porte de ma chambre funéraire ? J'avais dit que personne n'entrât. Qui que vous soyez, éloignez-vous ; mais, si vous croyez apercevoir quelque marque de douleur ou de crainte sur mon visage d'hyène (j'use de cette comparaison, quoique l'hyène soit plus belle que moi, et plus agréable à vivre), soyez détrompé : qu'il s'approche. Nous sommes dans une nuit d'hiver, alors que les éléments s'entrechoquent de toutes parts, que l'homme a peur, et que l'adolescent médite quelque crime sur un de ses amis, s'il en est ce que je fus dans ma jeunesse. "
Les Chants de Maldoror / Lautréamont / Poésie Garnier Flammarion /
Tombeau
N'écoutez pas ce qu'ils disent de l'homme,
N'écoutez pas ce qu'ils vont dire de l'écrivain,
Restez dans le silence,
Dans la rumeur des mots qui roulent comme les vagues blanches,
Restez dans la musique,
Et l'éclat du tambour qui fait s'envoler les filles.
Restez dans le temps des mots nègres, ils brillent et gifflent ceux qui n'entendent plus leur musique de chair et de jouissance.
Que mille pages noires brillent entre tes doigts.
à suivre
Philippe Chauché
Aimé Césaire ne sera jamais mort ! Nombreux sont ceux qui apprendront encore ses poèmes par coeur.
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"Je retrouverais le secret des grandes communications et des grandes combustions. Je dirais orage. Je
dirais fleuve. Je dirais tornade. Je dirais feuille. Je dirais arbre. Je serais mouillé de toutes les pluies,
humecté de toutes les rosées. Je roulerais comme du sang frénétique sur le courant lent de l'oeil des mots
en chevaux fous en enfants frais en caillots en couvre-feu en vestiges de temple en pierres précieuses assez loin pour décourager les mineurs. Qui ne me comprendrait pas ne comprendrait pas davantage le rugissement du tigre."
(...)
Il me suffirait d'une gorgée de ton lait jiculi pour qu'en toi je découvre toujours à même distance de mirage - mille fois plus natale et dorée d'un soleil que n'entame nul prisme - la terre où tout est libre et fraternel, ma terre.
Partir. Mon coeur bruissait de générosités emphatiques. Partir... j'arriverais lisse et jeune dans ce pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : « J'ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies ».
Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : Embrassez-moi sans crainte... Et si je ne sais que parler, c'est pour vous que je parlerai».
Et je lui dirais encore :
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir. »
"Et venant je me dirais à moi-même :
« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle,car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... »"
Cahier d'un retour au pays natal,
Aimé Césaire
(Présence Africaine)