Qui ne s'occupe, pense-t-il, de ce qu'il voit, ce qui l'entoure, amoureuse, ciel, arbres, rivières, collines et montage, mer, rues et façades - l'ordre des choses en quelque sorte -, de qui rend tout cela sa nature particulière, le mouvement de la terre, les éclats de lune, la brillance du soleil, les gris de la pluie, un sourire offert et une peau dévoilée par l'art de la mise en scène, qui ne s'en irrigue, a peu de chance de saisir le mouvement du Temps, et donc des idées. Qui voit net, pense clair.
Il ouvre, comme il le fait souvent, le Cantique des Cantiques, dans la traduction de Pierre Thomas du Fossé en 1689 :
" Vos lèvres, ô mon épouse, sont comme un rayon qui distille le miel ; le miel et le lait sont sous votre langue, et l'odeur de vos vêtements est comme l'odeur de l'encens...
Vos plants forment comme un jardin de délices rempli de pommes de grenades et de toutes sortes de fruits de Cypre et de nard ;
Le nard et le safran, la canne aromatique e le cinnamome, avec tous les arbres du Liban, s'y trouvent aussi bien que la myrrhe et l'aloès, et tous les parfums les plus excellents... " on ne saurait mieux dire.
Nietzsche arrive à Nice pour la première fois à la fin de l'année 1883, il y reviendra cinq fois, il regarde la ville et la mer, marche, lit beaucoup, écoute de la musique en concert - Bizet -, lit souvent, écrit en permanence. Marcher, écouter, voir, lire et écrire, que faire de mieux avant de disparaître avec le siècle ?
Nietzsche n'appartient qu'à lui-même et à ses pensées qu'il note de sa fine écriture, comme le vent venant du large donne parfois à la ville des airs de blanche goélette :
" Deux cent vingt jours parfaitement sereins dans l'année ont fini par me décider : cette magnifique plénitude de lumière a sur moi, mortel très supplicié ( et souvent si désireux de mourir ), une action quasi miraculeuse. J'aurai ici pendant les six mois d'hiver presque autant de jours ensoleillés qu'à Gênes durant l'année entière. " (1)
mais aussi :
" Il m'a été fort précieux d'expérimenter presque simultanément l'air de Liepzig, de Munich, de Florence, de Gênes et de Nice. Vous ne sauriez croire combien Nice a triomphé dans ce concours. " (1)
" Vos lèvres, ô mon épouse, sont comme un rayon qui distille le miel ; le miel et le lait sont sous votre langue, et l'odeur de vos vêtements est comme l'odeur de l'encens...
Vos plants forment comme un jardin de délices rempli de pommes de grenades et de toutes sortes de fruits de Cypre et de nard ;
Le nard et le safran, la canne aromatique e le cinnamome, avec tous les arbres du Liban, s'y trouvent aussi bien que la myrrhe et l'aloès, et tous les parfums les plus excellents... " on ne saurait mieux dire.
Nietzsche arrive à Nice pour la première fois à la fin de l'année 1883, il y reviendra cinq fois, il regarde la ville et la mer, marche, lit beaucoup, écoute de la musique en concert - Bizet -, lit souvent, écrit en permanence. Marcher, écouter, voir, lire et écrire, que faire de mieux avant de disparaître avec le siècle ?
Nietzsche n'appartient qu'à lui-même et à ses pensées qu'il note de sa fine écriture, comme le vent venant du large donne parfois à la ville des airs de blanche goélette :
" Deux cent vingt jours parfaitement sereins dans l'année ont fini par me décider : cette magnifique plénitude de lumière a sur moi, mortel très supplicié ( et souvent si désireux de mourir ), une action quasi miraculeuse. J'aurai ici pendant les six mois d'hiver presque autant de jours ensoleillés qu'à Gênes durant l'année entière. " (1)
mais aussi :
" Il m'a été fort précieux d'expérimenter presque simultanément l'air de Liepzig, de Munich, de Florence, de Gênes et de Nice. Vous ne sauriez croire combien Nice a triomphé dans ce concours. " (1)
Nietzsche sait qu'il séjourne dans une ville frontière, l'Italie - sa chère Italie - la France - Voltaire et ses passions françaises - la terre et la mer, on ne marche pas sur cet espace mouvant, sauf si l'on est un dieu, et encore :
" Dans ce limes maritime, l'air est encore plus pur, d'une limpidité saline, qu'au coeur de la ville, dégagé souvent alors même que les nuages pèsent plus a nord. " Je jette un coup d'oeil à ma gauche : mer bleue, plus haut une chaîne de montagnes et, tout près, de puissants eucalyptus. Ciel lumineux (...). C'est Cosmopolis, s'il en fut jamais en Europe. " Et pareille limpidité appelle naturellement la lumière du mythe, dans laquelle elle prend source et qu'elle diffracte, qu'elle exalte : " Et quand je vous aurai dit comment s'appelle la place sur laquelle donne ma fenêtre ( des arbres magnifiques, au loin de grands bâtiments rougeâtres, la mer et le galbe harmonieux de la baie des Anges ), à savoir le " square des Phocéens ", peut-être rirez-vous comme moi du cosmopolitisme formidable de cette association de mots - les Phocéens se sont réellement installés ici à une certaine époque - mais il y vibre quelque chose de triomphant et de supra-européen, quelque chose d'extrêmement réconfortant qui me dit : " Ici tu es à ta place ". "
Au tout début de ce siècle dont lui aussi ne verra pas la fin, un autre poète - qui douterait de cela ? - choisit de s'installer quelques temps de l'autre côté, à deux pas de l'océan - celui de Lautréamont ? - les yeux posés sur la belle Garonne :
" Le vent du nord-est se lève,
De tous les vents mon préféré
Parce qu'il promet aux marins
Haleine ardente et traversée heureuse.
Pars donc et porte mon salut
A la belle Garonne
Et aux jardins de Bordeaux, là-bas
Où le sentier sur la rive abrupte
S'allonge, où le ruisseau profondément
Choit dans le fleuve, mais au-dessus
Regarde au loin un noble couple
De chênes et de trembles d'argent... " (2)
Les deux écrivains présents comme jamais au Temps.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Nietzsche à Nice / Patrick Mauriès / Gallimard / 2009
(2) Souvenir / Hymnes / Hölderlin / Oeuvres / Édition de Philippe Jaccottet / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard / 1967
On dirait du Sollers.
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