dimanche 4 novembre 2012

Son Salon de Curiosité



Il y a le style, la manière, et la matière, cette façon si particulière de saisir l'enjeu du corps, qui n'est pas celui du délit, sauf à considérer qu'en ces temps où la vulgarité est  monnaie de singe,  que le corps du délice est celui du Code de Procédure Pénale. Il y a un regard, autrement-dit, dans ce qui nous occupe, un regard littéraire et frontal, comme s'il s'agissait une fois pour toutes d'écrire face à ce qui constitue la littérature : les écrivains, les moralistes, la joie, le désespoir, le sérieux absolu, la douceur d'un mouvement, un sculpteur royal, une certaine peinture, une musique du doute, le luxe aussi, comme une autre façon de renvoyer la moraline à ses prétentions et sa pauvre et néfaste pensée.
Il trouve amusant d'ouvrir ce livre, dont il ignorait jusqu'à la publication, n'ayant de la toute de charme Cécile Guilbert lu avec une belle jubilation que son Saint-Simon, son Warhol Spirit, et l'admirable Ecrivain le plus libre, amusant après avoir aperçu dans l'un des rayons de sa libraire, un nouvel essai du Petit Père des Philosophes  sur les Dandy, où, personne ne sera surpris, le chevalier blanc de la pensée moderne, s'en prend à ce qui le dépasse et le dérange, au nom de la mission humanitaire qu'il s'est donnée, en droite ligne de ses pauvres petits gribouillis qui plaisent tant aux humanistes, guévaristes, camusiens et autres analphabètes pubères et nubiles, amusant et pétillant comme une coupe de champagne bue en belle compagnie dans un salon  de curiosité, et qui vous met les mots aux  lèvres et à la peau.



" Faire l'amour habillé est impossible. Le faire entièrement nu trop trivial. Tous les baudelairiens d'âme comprendront cette vérité élémentaire qu'il n'est pas de volupté égalant celle de faire l'amour nu bien qu'habillé, déshabillé quoique encore vêtu, à la fois dénudé et paré - ce que justement le porte-jarretelles permet. "

" Qu'est-ce qu'être dévoré par l'art comme par un feu ? enflammé par la beauté ? consumé par l'insatisfaction sans pourtant cesser de renaître en brasier ? Qu'est-ce qu'être habité par une passion plus grande que soi, un talent divin, un génie subjuguant papes et rois ? Comment vit concrètement une incarnation humaine de la grandeur, une créature définie au superlatif, un être de chair que son tempérament accouple au surhumain et son nom à Dieu ? En trois mots comme en cent : qui est le Bernin ? "

" Swift : monosyllabe dont les trois premières lettres commencent phonétiquement par sourire avant de mimer, en leurs occlusives, le sifflement tranchant d'un rasoir - l'onomatopée d'un scalp. "

" Tout le monde connaît la célèbre définition qu'il a donnée de la morale : " Jouis et fais jouir sans faire de mal à personne. " Il est peu dire que cette forte sentence rend piètrement compte d'un système nerveux dans lequel la négativité s'est incarnée comme dans le corps de Robespierre la Révolution. Car toute sa vie Chamfort a été à la fois le plaie et le couteau, la victime et le bourreau, le marteau et l'enclume, tel l'Héautontimorouménos cher à Baudelaire.

" Souci de l'épurement des lignes et de la fluidité ; suprématie du noir et du blanc ; introduction-détournement du jersey, du tweed et de la flanelle dans le vestiaire féminin ; invention de l'imperméable, de la robe-chemise, de la petite robe noire, du tailleur gansé, de la jupe plissée, du pyjama, du sac à main en bandoulière ; avènement des bijoux fantaisie et des sautoirs, du béret et du canotier... Qui dit mieux ? "

Il y a chez Cécile Guilbert, un art du futile et du léger, un art de la distinction amusée, de la saveur et du savoir poivré, pas étonnant qu'elle écrive sur Sade, Novalis, Pound, Lamarche-Vadel ( dont il faudrait d'urgence relire ses écrits sur l'art ) Gongora, et Coco Chanel, écrire comme un tombé de veste en tweed est tout un art.


à suivre

Philippe Chauché




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