Écrire net, clair et avec une grande précision. Écrire, comme l'on traverse un printemps calabrais, le regard d'une adolescente, le couloir d'un hôpital, comme on livre son corps aux éclats d'une chimie, comme on saisit le mouvement du temps quand il balbutie, qu'il tremble et invite la mort à coucher. Écrire avec la belle clairvoyance du promeneur solitaire qui arpente, rire aux lèvres, des instants qui ne seront jamais les derniers, même si !
" Mon séjour à la Pitié-Salpêtrière, 21 avril-3 mai, correspond à ma deuxième opération et donc à ma deuxième tumeur. " Deux tumeurs, tant que ça, tu es bien sûr ? " Je n'ai rien inventé, suis persuadé d'avoir entendu cette remarque, cette drôle de question. Et de me soupçonner aussitôt d'exagérer un peu. N'avais-je pas décidé tout à coup de faire mon intéressant ! C'était déjà beaucoup deux tumeurs. Surtout que je donnais parfaitement le change. "
" Nous avions tous le même âge, treize, quatorze, quinze ans. Les plus jolies filles portaient des bikinis. On les appelait due pezzi, oui, " deux morceaux ". C'étaient les étés des paris, des défis. Plus faciles à gagner qu'une rémission mais tout de même. "
" Je donne si peu l'air d'avoir été opéré deux fois en si peu de temps. J'ai compris : je ne fais pas assez malade. Je devait avoir l'air plus mal en point avant le diagnostic. " Dévasté ", avait jugé sévèrement à la fin de l'été 2011 l'analyste rousse de la rue Lepic. Selon elle, j'avais raté mes vacances, elle me reprochait fatigue et surmenage mais elle écartait toute maladie. Je l'ai quittée sans explication quand elle m'a demandé mon signe zodiacal. "
" Et puis, il y a ces messages inénarrables délivrés sur mon portable que j'écoute attentivement. Des voix de malheur, d'outre-tombe, à l'entame souvent identique : " Mon pauvre Jean-Marc, qu'est-ce que j'apprends là.... ! " Je ne leur réponds que par texto : Père-Lachaise, allée 23, tombe 608. Visites autorisées tous les jours de 9 heures à 19 heures. "
" On ne change pas d'hôpital ou de cancérologue comme d'éditeur. "
à suivre
Philippe Chauché
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Laissez un commentaire