dimanche 7 septembre 2008

L'Espace Invisible

" Parce qu'elle est émotion et parce qu'elle est torera, l'émotion torera est magique " (1)

" ... Et je continue d'écrire, depuis des mois, des années, j'écris, enfin j'essaie encore d'écrire... J'écris pour fuir, j'écris pour penser autrement, j'écris pour me donner l'impression que je travaille à quelque chose. " (2)

Écrire, écrire, pour que la mémoire n'ait point de défaillance, écrire, pour sur la page incandescente dessiner ce geste, ce mot, cette présence lumineuse du torero. D'où vient cette écriture, d'où vient cette mémoire vive, de l'art de l'invisible, du toreo, de cette musique qui transcende les taureaux.
Je m'appelle Alain Montcouquiol, je suis torero, écrivain, témoin du temps présent, témoin du passé qui sous ma plume se conjuge au présent.
Il s'appelle Christain Montcouquiol, Nimeno II, torero, emporté par une vague de cornes diabolique, sur le sable d'Arles en septembre 1989.
L'écrivain traverse l'Espagne, l'écrivain ouvre une brèche dans le temps passé :

"... Gerona. Dans une heure et demie, je serai à Barcelone, juste à temps pour prendre le train de nuit pour Madrid en wagons-lits et, demain matin, un taxi directement pour l'aéroport où Christian... Ça suffit ! D'ailleurs ce train de nuit ne doit plus exister...
Gerona... ça ne me disait rien, Gerona... Si. Bernard y avait triomphé. Il avait tirer des cartes postales d'une belle passe de cape... Il m'en avait dédicacé une six fois. Je m'avait retrouvée après la mort de Christian, en fouillant de vieux cartons emplis de lettres, de photos, de coupures de journaux... l'odeur des vieux papiers jaunis, l'odeur du temps passé... voilà ce qu'il restait de notre histoire... Quel gâchis ! "

L'écrivain torero, ouvre sa cape boussole et passe de Madrid à Mexico, d'un mouvement du poignet, le même qui lui fait tracer sur sa feuille sable le nom du torero emporté par un après-midi de diableries.

" Pour sa première corrida à la Gran Mexico, si le plublic s'était montré froid et distant au toro de la confirmation d'alternative, c'est que le Tequisquiapan ne valait rien et que Christian, déçu, désabusé, avait toréé sans âme... Mais au second, l'arène entière l'avait acclamé avec enthousiasme et Manolo Chopera, ravi, répétait dans le callejon : " Muy bien, muy bien ! Encajo en el gusto del publico de Mejico " ( il est entré dans le goût du public de Mexico ). " (2)

" Tous les matins, j'ouvre les rideaux sur les arènes, tous les soir le les ferme sur elles.
L'été, à l'aube, lorsque les premiers rayons de soleil allument les pierres, l'amphithéâtre devient le domaine des martinets. Des dizaines, des centaines d'oiseaux peut-être, volent par petits groupes serrés, se poursuivent à grande vitesse, se posent sur le sol en une géométrie savante, et leurs cris résonnent, stridents, dans les rues et sur la place encore déserte... " (2)

Comme les martinets qui douterait que les toreros ne soient pas touchés d'immortalité.

à suivre

Philippe Chauché


(1) José Bergamin / La solitude sonore du toreo / traduct. Florence Delay / Seuil / Fictions et Cie
(2) Alain Montcouquiol / Le sens de la marche / Verdier

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