lundi 22 juin 2009
Flora
Que donnerais-je, dit-il, pour connaître cette Flora que nous offre dans la permanence du Temps, Tiziano Vecellio, admirable XVI° siècle, éblouissante Venise. J'y suis. Venise est là, devant mes yeux troublés, dans le tremblement de mon corps, Venise, dis-je. Comme les livres, il est des villes qui sauvent. Il suffit pour cela de s'abstraire d'un corps devenu trop encombrant, glacé, d'oublier ses pensées viciées, de laisser sur le chemin ses désespoirs et ses espoirs futiles, de ne garder que la grâce de l'éclat des fleurs. Flora, fleur. Je n'ai qu'à regarder, tout s'éclaire, et s'ouvre alors un cercle qui dévoile son apparition. Je suis là, tout en n'y n'étant pas, je passe, je fane, trépasse et revis sous les pinceaux de Tiziano Vecellio, et vous doutez de la résurrection ! Fleur, Flora, Flower, Prima Punta, Flora, Floris, Faradis. Mais, répondis-je, tu la connais, puisque tu la vois. Flora, vivante fleur, devant tes yeux, le Temps accomplit ce passage, d'hier à aujourd'hui, et cela, tout naturellement. Il suffit comme tu le dis, de le savoir, le Temps n'abolit rien, mais relie tout. Flora là, devant toi, effleure la.
" Certains sarcophages romains ou africains du premier siècle de notre ère portent les initiales suivantes : NF. F. NS. NC. Il faut lire, en latin : NON FUI. FUI. NON SUM. NON CURO. C'est-à-dire : " Je n'ai pas été, j'ai été, je ne suis pas, je ne m'en soucie pas. " Je me demande d'où et comment cette inscription est arrivée jusqu'ici, derrière les fusains et le puits. Grand bloc de pierre, pas de nom, lettres, quelqu'un. Pendant la vie, j'imagine, la formule devait être : " Je n'ai pas été, je suis, je ne serai pas, qu'importe. " Ou encore, en hébreu ( mais seul Dieu, n'est-ce pas, avait le droit de le penser ) : " Je suis qui je suis, je serai qui je serai, à bientôt, l'année prochaine ou dans quelques siècles. " Ou encore : " Je n'ai pas été, j'ai été, je suis, je ne serai pas, je serai de nouveau, et alors ? " Pourquoi le verbe être devrait-il être à ce point central ? Quel aveuglement oblige à penser qu'on ne peut pas être et avoir été ? " (1)
Les fleurs naissent ainsi, dans l'écriture invisible du peintre, encore faut-il pour les voir, se mettre à leur hauteur, ce qui n'est pas donné à tout le monde, les fleurs du Temps s'épanouissent sur mon écritoire dit-il, et mes pensées deviennent arc-en-ciel.
à suivre
Philippe Chauché
(1) La Fête à Venise / Philippe Sollers / Gallimard
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