samedi 27 juin 2009

La Défense de L'Infini



Qui s'intéresse à L'Infini ? Personne. Qui en parle ? Personne (1). Qui lit cette revue ? Personne. Il serait amusant d'en connaître les raisons profondes, tentons ici d'en saisir quelques une :
- Elle n'est vouée qu'à la renommée usurpée de son directeur gérant.
- Elle ne publie que ce que choisi, le fameux directeur gérant, donc ses complices (2).
- Elle ne s'intéresse pas à l'actualité du livre, ni à aucune autre d'ailleurs.
- Elle s'auto-célèbre en permanence.
- Elle est l'annexe de la Loge Ph. S. du Vatican Gallimard.
- Elle est papiste.
- Elle a été pro-chinoise quand elle s'appelait Tel Quel, et elle ne renie rien.
- Nous avons mieux à faire.
etc.

L'Infini, donc. " Décidément L'Infini " été 2009 : " Je ne cherche pas, je trouve " pourrait être sa devise, mais aussi " Nous tournons dans la nuit et rien ne nous consume ", " La Légèreté de l'Inutile ", " Des Lumières Enfin ! ". " Décidément L'Infini " livraison solaire, question de style, mais pas seulement, lisons :

" ... Je vais donc m'appliquer, devenir égalitaire et modeste, insister sur mon humanisme, ne pas me vanter de conquêtes qui ne peuvent être d'imaginaires, filer doux, me tenir à carreau, aimer mes semblables, mes frères, adhérer, pourquoi pas, au parti socialiste, respecter les femmes et surtout les mères de famille, écrire pour elles de vrais romans, dire du bien de la vaste humanité profonde et de ses vrais gens. Qu'importe que Gide ait dit un jour : " C'est avec les bons sentiments qu'on fait la mauvaise littérature " ? Gide s'est trompé, voilà tout. " (3)

" ... Puis KGB Poutine est arrivé et, en un clin d'oeil, la machine était repartie en accéléré vers l'avant, et la balançoire le toboggan le bac à sable le banc un beau matin n'avaient plus été qu'un tas de morceaux de bois entassés, rangés sur le côté. Disparues les petites filles, déplacées, envolées, le chat avec, sans qu'il reste un sourire dans l'air ni une musique : on était aujourd'hui : deux massifs fonctionnaires d'état au regard lisse effectuent leur tour de ronde d'un pas monotone dans le parc retaillé, nettoyé, pas un bruit. J'ai ainsi observé le passage de l'Histoire sous mes fenêtres. " (4)

" ... Claude Lanzmann lui demande alors s'il savait que la plupart des Juifs de Varsovie avaient déjà été tuées. Jan Karski dit qu'il savait : " Je savais, mais je n'avais rien vu " Il dit qu'aucun récit ne lui en avait été fait : " Je n'avais jamais été là-bas, dit-il... Les statistiques, c'est une chose... Des centaines de milliers de Polonais aussi avaient été tués, de Russes, de Serbes, de Grecs, nous savions cela. C'était statistiques ! Qui savait ? Et jusqu'où ? " On " savait - mais qui est ce " on " ? Jan Karski " savait " sans savoir - c'est-à-dire qu'il ne savait rien. Car sans doute ne sait-on rien tant qu'on n'a pas vu, et c'est précisément ce que va raconter Jan Karski. " (5)

" ... Il disait que les Suites pour Violoncelle Seul de Bach, ou bien encore les concertos de Vivaldi, Boccherini, Haydn, et pourquoi pas jusqu'aux sonates de Beethoven, il disait et répétait que toute cette musique qu'il s'acharnait, lui, à jouer dans cette chapelle, pendant que je m'acharnais, moi à prier dans la maison de Dieu, eh bien, que toute cette musique avait eu lieu comme un miracle et que, d'une certaine manière, elle aurait lieu toujours, ce qui ne l'empêchait pas de croire qu'elle était impuissante à raconter le XXI° siècle, parce que, disait-il, elle nous était plus étrangère et, finalement, plus incompréhensible, que ne l'était à son époque un chant, une pièce ou une danse qui aurait été composée aux abords de l'an mille, parce que, disait-il encore, nous autres créatures du XXI° siècle n'avions plus aucune part à quoi que ce soit qui pût se rapporter d'une façon ou d'une autre à une quelconque forme de sacré, parce que nous étions tout bonnement incapables de ressentir ce que ce mot avait jamais croisé comme réalité spirituelle et que, malheureusement pour mon ami qui se savait depuis toujours appelé à la composition, la musique, dite savante, s'était organisée en son système autour de cette présence que nous avions perdue et qu'il appelait, lui, le sens de prière... (6)

L'Infini, donc, " Décidément L'Infini ".
Question de Place : d'où écrivez-vous ?
Question de Style et de Rythme : comment écrivez-vous ?
Question d'Ecoute et de Vision : sur quoi êtes-vous en train d'écrire ?
Question de Temps, XXI °, XXII°, XXII°, ou bien X°, XI°, XII°, ou encore XVII°, XVIII ° ?
Littérature ? Musique ? Peinture ? Art du Temps ? Vie Vivante ?
à vous de voir.

Comment une telle aventure peut-elle encore se poursuivre ? La réponse est devant vous, d'une éclatante évidence, question de style, mais cette fois, de celui du lecteur.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Sauf le site pileface.com.
(2) Julia Kristeva - Marcelin Pleynet - Pierre Guyotat - Jacqueline Risset - Goethe -Milan Kundera - Frans de Haes - Pierre Bourgeade - Roland Barthes - Bernard Sichère - Chantal Thomas -Céline - Francis Scott Fitzgerald - Laurence Sterne - Artaud - Martin Heidegger - Gérard Guest - Benoit XV - Yannick Haenel - François Meyronnis - Dante - Valentin Retz - Ezra Pound - Henri Michaux - Stéphane Zagdanski - Jacques Henric etc. voir le N° 101-102 du Printemps 2008.
(3) Philippe Sollers / Éditorial / L'Infini N° 107 / Été 2009 / Gallimard
(4) Le Deuxième Bureau / Jean-Jacques Schuhl / d°
(5) Jan Karski / Yannick Haenel / d°
(6) Valentin Retz / Double / d°

2 commentaires:

  1. Sur Zulmablog on trouve un intéressant passage en revue des revues littéraires, il y en a beaucoup, et d'excellentes (Nioques, Le Guépard, Revue de Littérature Générale, etc.), l'Infini a publié de remarquables auteurs à peine remarqués par ailleurs, Finkielkraut, Guyotat, Nabe, Rio, Elisabeth Roudinesco, Chantal Thomas, Bourgeade, Bon, Michon, Djian, Emmanuèle Berheim, sans parler de la collection l'Infini où l'Ingrid Caven de Schul n'a fait que 200 000 exemplaires...

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  2. Amusant mon cher Albin, je retrouve là, votre art de croiser le fer.


    Bien à vous cher arboriculteur voltairien.

    Ph

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