dimanche 28 août 2011

Ma Librairie (4)



" Ce matin au réveil j'ai toute la peinture et tous les livres...l'expérience intime et sensuelle, les couleurs de la vie... des rivières de romans derrière les yeux... derrière les yeux, le feu nourrit le feu, la terre s'augmente de son propre corps, l'éther ajoute à l'éther... et encore ce matin, proche et lointaine, mais la même, la Laura de Giorgone, la Vénus à la fourrure de Titien, et comme elle se présente... le Concert champêtre... la musique... Poussin, les Saisons... " La grappe de la Terre promise " derrière les yeux... la nuit et la lumière... et de l'une à l'autre... et la ville ce matin... et toutes les vies des anciens peintres... et la danse dans les yeux... et cette fixation, le regard, la main peinte de Manet en son Autoportrait à la palette... et tout ce qui se propose dans ce trait... " l'homme habite poétiquement " sur sa portée... Manet, sa palette et toute la musique peinte dans son jardin... la vie musicale, l'autoportrait comme monde... La Musique aux Tuileries... l'univers de Manet. " (1)

Le Roman seul, note-t-il, épuise l'épuisement, le Roman et la Musique, ma Librairie en occupe l'espace et le temps, le temps de la Musique et le temps du Roman, une autre manière de le conjuguer au présent.
Tout tremblement du corps est à bien y regarder un tremblement musical, un tremblement de phrase.
Dans le bleu du ciel quelques cirrus, notes tenues dont l'écho se propage, servant à tisser l'espace du temps.
Pour comprendre comment se transforme une phrase, il convient d'avoir souvent la tête en l'air, dans les nuages dit-on aussi.

" L'éblouissante conquête de la lumière en symphonies suprêmes, aux champs des Nymphéas, ne pouvait apparaître qu'en coup de théâtre, même après les préparations d'un long labeur. Il n'y fallait pas moins que le plein accord de la double maîtrise de l'oeil et de la main. L'oeil, d'audace géniale, brûlé de tous les flamboiements des choses, affolé des prodiges du monde au point de jouer toutes les ambitions de sa vie sur un coup de pinceau à l'approche de la mort. La main, dans la pleine possession de ses agilités d'art, en état d'obéir aux élans de sa sensation, en les modérant, en les ordonnant, en les liant, en les transposant dans les enchaînements de la vie universelle. Encore fallait-il que chaque touche de la prétendue " fixité " nous engageât sur la pente de ce qui était tout à l'heure à ce qui sera dans un moment. " (2)

L'oeil et la main, à ne jamais prendre à la légère !

à suivre

Philippe Chauché

(1) Le savoir-vivre / Marcelin Pleynet / L'Infini / Gallimard / 2006
(2) Claude Monet " intime " / Georges Clemenceau / Parkstone

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un commentaire