" Si le néant du théâtre entraîne le néant de l'acteur, le néant du metteur en scène va plus loin que celui de l'acteur. Il n'y aurait pas de théâtre sans acteurs, mais le théâtre existe sans metteur en scène. Je suis même tenté de croire que le théâtre fonctionnait mieux en l'absence de metteur en scène. Parasite et imposteur, ce dernier intervient en interceptant, en s'appropriant le bien des autres et tombe toujours à côté. Bien sûr, on peut se dire qu'après tout, les plus beaux textes, les plus grands auteurs ne peuvent se passer de l'acteur. Cette idée me cause de l'embarras. A la limite, je suis tenter d'avouer que j'en arrive à souhaiter que le théâtre se passe de représentation, la supprime même. Or toutes les civilisations sont innervées par cet exercice, la représentation, mais, en tout cas, je ne puis supporter de voir un oeuvre théâtrale matérialisée, mise en scène par mes contemporains, leurs corps, leurs mouvements, leur changements de physionomie, sauf s'ils sont atteints par la peste d'Artaud ou par lèpre claudélienne, ce qui n'arrive jamais. Le matériel humain qui se meut sur la scène n'est qu'une souillure de plus qui s'ajoute à toutes celles dont on est déjà marqué. Je ne supporte plus de voir un acteur en effigie, photo de journal ou affiche. " (1)
Lisant ces propos intempestifs et si bienvenus d'Alain Cuny, il se souvient qu'il y a quatre ans, des comédiens décidaient de se passer de metteur en scène pour " Partage de Midi " de Paul Claudel, ce qui se jouait durant ces nuits d'Avignon, c'était la vérité trouble de Claudel, sans chichi, sans blabla, ce qui se jouait dans la Carrière Boulbon, nuit douce d'un mois de juillet complice, c'était la vérité des corps et des voix au service de Claudel, pour n'en garder justement que les corps saisis dans le sable de la carrière par le texte, toujours le texte, sans " parasite", sans " imposteur ", il trouve amusant de s'en souvenir en attendant le Festival d'Avignon et ses metteurs en scène.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Le désir de parole / Alain Cuny - Alfred Simon / la manufacture / 1989
En voilà de l'ego ! pétard ! Il ne fait pas semblant.
RépondreSupprimerLe cran d'après, c'est supprimer l'auteur. C'est possible et ça se fait. Parfois avec génie. Mais ne se trompe-t-il pas de propos? Nous parle-t-il vraiment de ce qu'il clame dire ?
Le metteur en scène, s'il est humble, normal, vient servir un texte et raconter l'histoire. Les acteurs sont les vecteurs. Sans le texte, les risques sont immenses pour l'acteur, sans la mise en scène, un texte peut ne pas parvenir à certains publics, et sans auteurs, il se pourrait que soient gaspillées les valeurs de transfert de ceux qui ont des talents spécifiques.
Peut être suis je une dangereuse collectiviste.